Calais: Menace d’expulsion du lieu de distribution des repas… L’ours défendra sa peau !

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En fin d’après-midi, un huissier accompagné de deux policiers municipaux est venu déposer deux présentoirs sur lesquels était fixé le dossier d’une centaine de pages en français de la saisine du tribunal administratif par la mairie de Calais pour obtenir l’expulsion des personnes occupant le lieu de distribution des repas.

Dans le dossier, il y a un formulaire en français que doivent signer les occupants du lieu auxquels la plainte a été signifiée. L’huissier essaye de faire signer des exilés, qui refusent de signer un papier qu’ils ne comprennent pas. Il apostrophe par son nom un bénévole présent, qui lui réplique qu’il n’habite pas là. L’huissier insiste pour avoir sa signature. Un bénévole naïf aurait peut-être signé sans savoir les conséquences. Est-ce la loi de trouver un quidam qui n’habite peut-être pas là pour signer un document qu’il ne comprend pas?

Les occupants du lieu essayent de comprendre ce qui se passe. Lecture du document, explications, traduction. La mairie de Calais a saisi le tribunal administratif en référé (procédure accélérée) pour demander l’expulsion des personnes occupant le lieu de distribution des repas. L’audience est fixée au lendemain vendredi 27 juin à 9h30. On signifie la convocation au jugement en fin d’après-midi pour le lendemain matin à Lille à des personnes ne comprenant généralement pas le français.

Peut importe, on téléphone pour trouver un avocat pouvant représenter les exilés au procès – pour que celui-ci soit à-peu-près équitable, même si l’avocat n’a concrètement pas le temps de prendre connaissance du dossier – ce qui peut motiver un report d’audience et permettre de gagner le temps de vraiment préparer la défense.

L’affichage de la plainte sur des présentoirs aux accès du lieu de distribution des repas est destinés aux riverains hostiles aux exilés – les autres n’ont pas droit à la parole – et met en scène une opposition entre « Calaisiens » et « migrants » qui sert à masquer que la maire de Calais ne fait rien pour les Calaisiens et mène une politique contraire aux intérêts du territoire.

Comme souvent, les exilés ont répondu de manière digne. Quand sont venus les bénévoles qui avaient prévu de discuter des violences policières, et qu’ils leur ont expliqué la situation, les enjeux, leur ont dit qu’ils avaient trouvé un avocat pour les défendre, ils et elles ont été plus de trois cents à donner leur nom et signer la délégation de pouvoir à l’avocat pour les représenter. Face à la violence qu’ils subissent chaque jour ils ont opposé le respect de leurs droits.

Sachant que la mairie de Calais saisit le tribunal de ses propres turpitudes. Lorsque jour après jour les exilés collectent leurs déchets dans des sacs-poubelles et les déposent pour qu’ils soient collectés, c’est la mairie de Calais qui crée l’insalubrité en ne les ramassant pas. Lorsque les associations interpellent la mairie pour nettoyer les trois toilettes chimiques qui sont à l’entrée du lieu de distribution des repas et augmenter leur nombre en fonction du nombre de personnes qui utilisent le lieu ou vivent à proximité immédiate, et n’obtiennent aucune réponse, c’est bien la mairie de Calais qui crée l’insalubrité.

Évacuer le lieu de distribution des repas pour aller où ? La question est la même qu’à la veille de l’expulsion e campements du 28 mai. Et toujours pas une trace de solution de la part des autorités.

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La plainte de la mairie, mise en scène sur un présentoir à l’attention de certains riverains, mais pas d’autres qui n’ont aps voix au chapitre.

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Des toilettes rarement nettoyées et en nombre insuffisant, malgré les multiples interpellations des associations. La mairie de Calais crée l’insalubrité dont elle se prévaut pour demander l’expulsion.

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Des déchets qui s’amoncellent, des poubelles qui ne sont ramassées qu’après de multiples pressions. Mais le jour où on affiche une demande d’expulsion, les poubelles sont ramassées comme par magie. Comme quoi quand on veut on peut.

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Cette photo a été prise en octobre 2013 au campement de la rue Lamy, quand il n’avait qu’une cinquantaine d’habitants. Pendant des mois les associations ont interpelé la mairie pour obtenir le ramassage des poubelles. L’insalubrité est un des arguments mis en avant pour justifier l’expulsion.

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L’insalubrité a également été utilisée pour obtenir la décision d’expulsion du squat de la rue Mouron. L’insalubrité sert aussi à justifier l’utilisation d’une procédure d’urgence. Ici, la décision en urgence est prise en juillet 2013 alors que le lieu est habité depuis octobre 2012 dans les mêmes conditions d’insalubrité. Il sera évacué en septembre 2013.

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L’expulsion du squat de la Rue neuve en octobre 2013 pour insalubrité, selon la même procédure d’urgence, alors que le squat était habité depuis un an. Lorsque les habitants d’un squat déposent leurs poubelles sur le trottoir, les éboueurs ne les ramassent systématiquement pas. L’accumulation d’immondices entraine des réactions négatives des riverains et conforte les préjugés racistes, que la maire de Calais exploite ensuite politiquement. Elle crée la situation, puis en tire profit.

[Publié le 27 juin 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]