Rio de Janeiro: appel à la solidarité avec les prisonnier-e-s de la Coupe du monde 2014

Le 12 juillet, à la veille de la finale de la Coupe du Monde, la police de Rio de Janeiro a arrêté 19 militant-es, sous la justification que toutes ces personnes ont participé à des actes «violents» dans les révoltes de la dernière année et qui envisageaient d’autres actions et manifestations lors de la finale de la Coupe du Monde. Au total, environ 60 mandats de perquisitions, arrestations et détentions temporaires ont été délivrés contre des personnes accusées d’avoir participé à des mouvements sociaux, les mandats étaient de 5 jours de détention provisoire. Sur ces 60 mandats, 23 ont été réalisés, et 4 personnes ont réussi à échapper aux enlèvements de la police.

Les militant-es ont été emmené-es à la Cité judiciaire de la ville de Rio de Janeiro, un grand complexe de commissariats construits pour tenir compte de la répression liée aux protestations des méga-événements et de la logique de la ville marchande. Dans cette grande enceinte se trouvent la DRCI, le commissariat de police de répression des crimes informatiques, qui prend aujourd’hui place dans l’enceinte historique du commissariat à l’ordre politique et social, la célèbre DOPS (Delegacia de Ordem Política e Social) créée en 1924 pour réprimer les anarchistes, principalement utilisée durant l’Estado Novo* et plus tard lors du Régime Militaire en 1964, et qui avaient pour objectif de contrôler et de réprimer les mouvements politiques et sociaux qui s’opposaient au régime alors au pouvoir. Peu après, ils/elles ont tou-tes été transféré-es au complexe pénitentiaire de Bangu.

Quelques jours plus tard, Habeas corpus** a obtenu la libération de 18 militant-es qui étaient détenu-es. Peu de temps après, la justice a de nouveau ordonné l’arrestation de ces 18 personnes qui avaient jusqu’à présent réussi à échapper à la farce judiciaire. Camila, Igor et Elisa ont été détenu-es jusqu’au 23 juillet, quand tou-tes ont été libéré-es sous caution. D’autres arrestations pourraient survenir à l’avenir et les militant-es, qui sont persécuté-es par l’Etat et qui passent par des moments difficiles en cette période de criminalisation, peuvent encore être condamné-es. La police a déclaré que les arrestations sont fondées sur les enquêtes judiciaires qui ont eu lieu secrètement depuis septembre dernier contre le Front populaire indépendant (FIP), les black blocs et d’autres groupes militants, accusés de complot. La méthodologie de la police est la surveillance, la violation de la confidentialité et de la vie privée des individus.

L’Etat qui détient toujours plus de prisonniers politiques*** à Rio pour un match de football qui pourrait avoir lieu est le même Etat qui ferme des écoles, qui tue dans les favelas et fait une Coupe du monde. Avec ces arrestations, l’État brésilien a écrit un nouveau chapitre de son histoire, le jour durant lequel tous les masques sont tombés, pas seulement pour l’Etat mais aussi pour tous les partis et groupes qui veulent participer à cette démocratie telle qu’elle est, à cette représentativité parlementaire. En ce jour l’Etat a dit en toutes lettres « GUERRE A LA POPULATION », pas de façon subliminale, mais à qui veut l’entendre. Dans les favelas les gens le savent déjà depuis bien longtemps, les manifs de juin-juillet 2013 ont également essayé d’avertir, mais cette fois, c’était en prime time et en toutes les lettres. Où toute la population a vu que les mêmes lois instituées par l’État nous brisent quand il le veut, comme elle l’a toujours fait avec la population pauvre et noire dans l’histoire du génocide mené par l’Etat brésilien.

Nous vous invitons toutes et tous à organiser des actions de solidarité dans votre ville en solidarité avec les prisonnier-e-s de la Coupe du monde. Nous ne pouvons pas rester silencieux face au terrorisme d’État du gouvernement brésilien et de la dictature de la FIFA. Tout le monde connaît l’importance des soulèvements de masse qui ont eu lieu au Brésil depuis juin 2013 jusqu’à maintenant, qui ont marqué une étape dans l’histoire de ce peuple, un moment de rupture avec les structures existantes, un cri pour dire Stop! aux nombreuses oppressions et violences historiques contre le peuple. Les forces de répression veulent à tout prix contenir la colère de la population en effrayant les militant-es par la persécution, veulent reprendre le contrôle et conformer les gens à accepter la misère de la vie quotidienne et qui sont prêts à jeter en prison tou-tes celles et ceux qui n’abdiquent pas dans ce combat. Nos compagnon-nes ont besoin d’un soutien entier pour gagner cette lutte et rester dans les rues, dans les assemblées et dans la mobilisation populaire.

Aucun pas en arrière ! Personne ne sera laissé de côté ! Pour la fin immédiate des persécutions !

CNA-Rio

Notes des traducteurs:

* Estado Novo, qui signifie « Etat nouveau », est le nom donné à la dictature instaurée par Vargas au Brésil depuis le coup d’Etat du 10 novembre 1937 jusqu’au 29 octobre 1945 et la destitution de Vargas par les militaires. Cette dictature est calquée aux conceptions du pouvoir des Etats fascistes européens durant la même période: culte du chef et paternalisme (Vargas se faisait appeler « Pères des Pauvres »), centralisation du pouvoir et interventionnisme total de l’Etat, etc.
La junte militaire a ensuite été au pouvoir pendant deux décennies, de 1964 à 1985, et s’est maintenue à plusieurs reprises par des bains de sang.

** C’est une association d’avocat-es qui apporte une aide juridique aux manifestant-es réprimé-es.

*** Nous refusons ce terme de « prisonniers politiques ». L’Etat enferme celles et ceux qui ne se plient pas à cette société de misère et de mort. Nous refusons cette volonté trop souvent affichée de différencier et hiérarchiser les insoumis et indésirables à ce système.

[Traduit du portugais par Le Chat Noir Émeutier. D’autres informations en portugais sont dispos sur le site de la Croix noire anarchiste de Rio, avec notamment une semaine internationale de solidarité avec les prisonnier-es, du 23 au 30 août 2014.]