Crest (26) : Ouverture d’un Centre Social Culturel Autogéré, l’Ad Vitam Deternam

Wesh, où est-ce qu’on va, qu’est-ce qu’on fait ?

La propriété privée…

Jeudi 29 mars, un collectif de copain.e.s a ouvert un bien privé, à savoir une villa à tendance bourgeoise appartenant à une dame ayant sa résidence principale à Paris et possédant au moins une autre maison inoccupée sur Crest (26). Ce bâtiment était vide depuis plusieurs années, scandale qui n’est pas unique en son genre vu le nombre de bâtiments vides dans la ville de Crest, dans notre vallée, et dans de nombreux autres territoires. L’idée de cette occupation est de rendre visible la multitude de bâtiments innoccupés ici et ailleurs alors que de nombreuses personnes n’arrivent pas à se loger.

C’est aussi de mettre le doigt sur la disparition massive des lieux sociaux, populaires, MJC, centres sociaux… qui ne placent pas l’argent au cœur de leur fonctionnement et qui proposent de créer du lien social, de créer du partage, de la solidarité.

Ainsi est né le Centre Social et Culturel Autogéré « Ad Vitam Deternam ».

Dès le début de l’ouverture de la maison, les personnes occupant et soutenant l’occupation se sont retrouvé·e· s face à des critiques venant de la part de certain.es habitant.es. En soi rien d’étonnant sachant que les pratiques du squat ne sont pas franchement populaires, elles osent toucher à la sacro sainte propriété privée.

Mais plus grave sont les menaces orales et écrites, incluant des menaces de mort, qui iront jusqu’à deux coups de fusil tirés depuis la rue par des inconnu·e·s aux alentours de minuit ce mardi 3 avril.

Sans compter les interpellations incessantes lancées depuis des voitures passant au ralenti. On nous a accusé de « violer une personne âgée » en parlant de la propriétaire. L’emploi de ce terme est inadmissible et nous rappelle à quel point la société minimise ce que représente un viol et les violences sexuelles en général. Ces paroles nous indignent profondément ! On nous parle de « viol », en rapport avec la violation de domicile ?

Et dans le registre des pires, voici ce qu’on a pu entendre d’un échange entre gendarmes : « cette sale bande de cons d’Arnarchistes, moi j’ai un terrain de 5000m2 je peux te dire que si il y en a un qui met les pieds dessus, c’est pas la gendarmerie que j’appelle, il va y avoir des petits trous partout et je les enterrerais comme des cochons ». Ce sont eux qui sont censés représenter l’ordre et la sécurité des habitant·e·s de la ville ?

Nous pouvons malheureusement encore constater aujourd’hui (après les rafles du Vél d’hiv) qu’il n’y a pas tant d’écart entre les idées d’extrêmes-droites et les forces de « l’ordre ».

Toutes ces réactions permettent d’éviter l’essentiel, c’est à dire la situation des personnes dans le besoin qui se sentent opprimées par la propriété, l’argent et tout ce que cela engendre, à qui on supprime peu à peu la possibilité de se rencontrer, de se former, d’échanger, de partager, de s’émanciper dans des lieux publics désintéressés de la sacro-sainte course à l’argent et au profit : n’est-ce pas cela la véritable violence de notre société capitaliste qui rend invisible toutes les misères et exclusions !

Très rapidement, notre cher média local « le Daubé », par la plume de Julien Combelles, a fait un petit papier à charge contre nous, seul article visible en libre accès sur internet, déchaînant des commentaires emplis d’une haine violente de la part entre autre de groupuscules d’extrême droite.

40000 vues en une journée, c’est plus de cinq fois la population de notre chère et tendre ville de Crest, on peut appeler ça un BUZZ. Toute cette violence valide le fait que nous avons tapé dans une grosse fourmilière.

Nous comprenons le « Daubé » qui n’a pas pu résister à l’occasion de se faire un coup de pub de folie, mais nous souhaitons tout de même le remercier de nous avoir permis de jauger l’ampleur des dégâts.

L’ordre dominant et les médias à sa solde n’accepteront jamais la critique que nous portons contre cette société mortifère, qui tend à tout ramener à la réussite de l’individu. A l’opposé, nous affirmons que la seule façon d’exister concrètement, c’est de créer des solidarités nécessaires à la reprise en main de nos vies plutôt que de survivre dans les marges.Nous voulons vivre et ne plus nous cacher pour survivre.

Nous prenons peu à peu l’ampleur de la situation et nous sommes de plus en plus determiné·é·s.

Bisou, le printemps va fleurir !

NB : Si illes reagissent si violemment, c’est qu’illes ont peur.

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Texte de présentation

Jeudi 29 mars, un groupe d’habitant.e.s du Crestois a pris possession de la maison située rue des frères Gamon, avec la volonté d’y créer un Centre Social Culturel Autogéré, baptisé « Ad Vitam Deternam ». Cette maison était inoccupée depuis plusieurs années.

Un CSCA, c’est quoi ?

Un Centre Social Culturel Autogéré est un lieu qui répond aux urgences sociales et à l’importance culturelle que nos institutions ignorent. C’est un lieu de rencontres, d’entraide, d’échanges, de vie entre les habitant·e·s d’une ville, d’un quartier. C’est un lieu ouvert à toutes et tous et gratuit. Sa gestion se fera grâce à la participation de chacun·e se sentant libre de partager, de s’impliquer.

Dans ce Centre Social Culturel Autogéré, qu’est-ce ce qu’il s’y passe ?

D’un simple café à la participation à des activités variées, le CSCA accueille toutes vos propositions d’ateliers (tricot, pratiques artistiques et culturelles, pratiques sportives, jardinage, réparations en tout genre, autoformation, tournois de pétanque, coinche, infokiosque, projections,lectures, soirées de soutien,atelier vélo…), mais aussi des temps d’accompagnement juridique et administratif ou des points d’écoute pour femmes violentées…

L’Ad Vitam Deternam ouvre aussi ses chambres aux personnes qui en auraient besoin en cas d’urgence.

Ce lieu pourra être un point de rencontre du voisinage où nous mutualiserons nos compétences, nos besoins et toute forme de services quotidiens (courses, coups de main en tout genre, déménagement, bricolage…).

Pourquoi ici ?

Dans la Drôme, car nous constatons l’augmentation du nombre des résidences secondaires inoccupées et la hausse des loyers.Ce contexte rend d’autant plus difficile l’accès au logement pour les habitant·e·s de la région.

À Crest car nous sommes impacté·e·s par une même et seule politique sociale et culturelle depuis maintenant 25 ans, qui ne résout toujours rien ou trop peu.

Dans cette maison inoccupée depuis plusieurs années, car nous considérons que le confort n’appartient pas seulement à celles et ceux qui peuvent se le payer. Et qu’une occupation ne devrait pas être tolérée uniquement lorsqu’il s’agit de vieilles usines délabrées. Dans une des nombreuses maisons vides depuis des années, car une occupation entretient et valorise plus qu’elle ne dégrade. Il ne s ’agit pas de l’appropriation d’un lieu par quelques un.e.s, ni de la privatisation d’un lieu par un petit groupe. Au contraire, l’enjeu est d’ouvrir cette maison au plus grand nombre.

L’illégalité ?

L’illégalité n’est pas une finalité mais seulement un moyen de répondre à des besoins fondamentaux auxquels l’État ne répond pas.

Que dit la loi ? L’occupation d’un bâtiment vide dans le but d’héberger une ou plusieurs personnes est encadré par le droit français. Il est néanmoins impossible de réquisitionner le domicile principal d’une personne car cela relève de la violation de domicile.

Par cette occupation, nous avons voulu questionner la légitimité de laisser des bâtiments à l’abandon, la légitimité d’occuper des logements vides quand ceux-ci peuvent servir et accueillir, la légitimité d’agir quand des urgences sociales sont criantes.

Effectivement, l’illégalité ouvre la discussion, bouleverse les points de vue, crée des tensions, suscite des réactions, des émotions. D’ailleurs, n’est-ce pas ce débat qui nous anime toutes et tous dans le quartier depuis l’ouverture du Centre Social Culturel Autogéré ?

Et rappelons que le squat n’est pas synonyme de dégradation.

Nos espoirs

Nous espérons que vous avez pu trouver dans ce texte les éléments nécessaires à la compréhension de notre démarche.

Nous espérons vous voir et partager ne serait-ce qu’une discussion, un café.

Nous espérons faire de ce lieu un espace de rencontres.

Nous espérons par cette dynamique permettre à quiconque de s’intéresser, participer, proposer librement ; tout en luttant contre les discriminations et les dominations.

Nous espérons que ce lieu ne soit pas vu comme un affront à vos valeurs et à la tranquillité de ce quartier, mais comme une opportunité de renforcer ensemble notre pouvoir d’agir.

Enfin, nous espérons trouver le terrain d’entente qui permettra la concrétisation de ces espoirs.

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[Publié le 6 avril 2018 sur Indymedia Grenoble]