Depuis des années, le gouvernement et la préfecture de Calais détruisent, dessoudent des lieux habités. Depuis des années, de nombreuses personnes sont agressées par la police et les fascistes et se font voler ou détruire leurs biens à Calais. Depuis des années, des personnes sont contraintes de vivre dans la peur et l’insécurité parce qu’elles sont étrangères.
La jungle est un ghetto, créé par le gouvernement, à la suite d’expulsions de squats et des autres jungles. Des personnes y vivent ensemble, de manière autonome, en diversité et en communauté, tout cela dans des conditions parfois sordides, où la violence et le racisme sont omniprésents. Ce serait facile d’employer la rhétorique de la pitié et de la victimisation que certaines associations affectionnent, aussi facile que de condamner la jungle pour ses dysfonctionnements. Pour le meilleur ou pour le pire, la jungle est un espace où les personnes peuvent vivre, et maintenant, ils doivent en plus se battre pour cet espace. Au-delà du combat pratique pour ce lieu, qui bien que précaire, est encore un refuge pour beaucoup, c’est un combat symbolique pour que toute personne considérée comme “indésirable” ne soit pas réduite à un problème à cacher et à administrer dans des containers.
Aujourd’hui suite à l’expulsion de la partie sud de la jungle, certains sont partis, d’autres sont à la rue. Parallèlement, à Calais, de nombreux logements restent inhabités, vides. Notre légitimité à occuper ces espaces nous parait dès lors aller de soi. Nous avons choisi un lieu à la symbolique particulièrement puissante : un ancien foyer pour sans-abris. Nous avons donc décider d’occuper ce lieu à Calais et de résister à l’expulsion le plus longtemps possible. Il était inadmissible de constater que dans la ville qui accueille certainement le plus de sans-abris de France, les institutions abandonnent un bâtiment prévu à cet effet, et le laisse pourrir alors que des milliers d’autres sont contraints de vivre dehors. C’est le refus systématique de nos politiques à accueillir les personnes, réfugiées ou non, dans la dignité, que nous accusons par cette action.
En plus d’être déclarée par les autorités ville “zéro no borders zones”, ville “zéro zones étrangères”, Calais est désormais estampillée ville “zéro-squat”. Il y a de plus en plus de policiers pour contrôler la ségrégation calaisienne, les fascistes frappent et menacent les personnes qui essayent de retourner en ville. Nous ne pouvons laisser le gouvernement imposer des lois ségrégationnistes, anti-autogestionnaires sans nous battre. Et nous ne pouvons laisser l’idée d’une ville zéro-squat se répandre dans le reste de la France et du monde.
Tout comme la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ne peut être réduite à un combat contre un aéroport, mais à comprendre comme une lutte pour l’autogestion, l’accès aux terres et plus largement une lutte contre notre héritage patriarcal et le système capitaliste ; la lutte pour la liberté de circulation à Calais fait partie d´une lutte plus large. Nos combats doivent se porter contre les politiques impérialistes et racistes de l’Europe et la guerre qu’elle mène contre les pauvres et les étrangers, contre ses frontières, leurs chiens de garde et ses gouvernements ; pour la liberté de circulation et d’installation.
La destruction de la jungle et de toute tentative d’autogestion est aussi une manière de nous empêcher, que l’on possède ou non des papiers, de choisir notre mode de vie, de construire ensemble en dehors du contrôle de l’État. Cette initiative est une occasion de convergence des luttes pour combattre le gouvernement actuel et sa politique autoritaire et répressive. Nous affirmons donc aussi par cette action notre soutien à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, et les raisons qui animent son occupation. En travaillant ensemble avec les personnes qui luttent pour la liberté de circulation et d’installation, nous pouvons créer quelque chose d’innovant, de nouveau et d’inspirateur.
En faisant écho avec d’autres luttes similaires, nous voulons aussi affirmer la convergence de nos opinions: occuper un espace physique et symbolique c’est aussi lutter contre la domination et l’exploitation des territoires par des États toujours plus sécuritaires. A l’heure de l’état d’urgence, tout le monde subit des politiques répressives qui criminalisent toute initiative d’organisation, c’est pourquoi il est important de renforcer nos solidarités.
Nous appelons donc à l’organisation d’actions maintenant et dans les prochains jours en soutien à notre initiative, et la diffusion d’informations la concernant.
Le collectif «Salut ô toit »
[Publié le 27 mars 2016 sur Calais Migrant Solidarity.]