Grenoble: Le Caddie-Yack résiste

Expulsions en série

Ces dernières semaines, sur l’agglomération grenobloise, la préfecture a enchaîné les expulsions de squats à un rythme effréné. Les autorités imposent une de leurs volontés assez clairement: l’éradication des lieux qui ne sont pas sous contrôle institutionnel. Que tout soit sous contrôle ! D’un autre côté, une certaine agitation se fait sentir en réaction à ces multiples expulsions.

Pour plus d’infos sur le contexte actuel, voir notamment notre premier communiqué.

L’expulsion du Caddie-Yack le 21 octobre dernier n’en était pas vraiment une, puisque celle-ci s’est faite sur la base de prétendues « dégradations de biens publics » (mais sans poursuites judiciaires… ce qui montre que ce n’était qu’un prétexte pour expulser). Légalement, en tant qu’habitant-es du Caddie-Yack, nous pouvons continuer de considérer ce bâtiment comme notre domicile (un rappel à la loi a d’ailleurs été envoyé par un avocat à la mairie et à la préfecture pour indiquer que le bâtiment est légalement leur domicile depuis mi-octobre).

Jeudi 6 novembre, plusieurs dizaines de personnes sont passées pour soutenir l’occupation du Caddie-Yack, redécoré avec des ballons multicolores et trois banderoles. En plus de la dizaine d’habitant-es et du collectif d’activités, plusieurs associations et collectifs sont partie prenante de l’aventure du Caddie-Yack: Sottai Malté, Agir ensemble contre le Chômage !, le Mouvement des Chômeurs et Précaires de l’Isère, PREFACCE (Précarité Femmes Accueil), le Comité isérois de soutien aux sans-papiers et Défends-toit.

La mairie n’a pas fait de mystères et a parlé directement d’expulsion « imminente » (ne se souciant ni des lois sur la réquisition de logements vides ni de la trêve hivernale, tranquillou…). Comme pour jeudi, nous appelons tout le monde à nous rejoindre, tout au long de la journée de vendredi, et du lendemain, etc.

La mairie emploie les vieilles méthodes:
la police et la stratégie de la division

Nous le savons, la police va pointer son nez et ses flashballs prochainement. Aux ordres, toujours.
Nous savons également que la mairie, comme tout pouvoir en place, utilise au mieux une stratégie déjà bien connue pour qu’on ne s’attaque pas à ses privilèges: celle du « diviser pour mieux régner ». Dans la journée, des personnes se présentant comme des membres d’une association d’aide aux sans-abris est venue nous annoncer ceci: « ah ça ne vas pas être possible que vous restiez, on a le projet de loger ici des sans-abri ».
Hé oui, depuis quelques jours, des démarches ont été entreprises par la mairie et cette mystérieuse association, pour utiliser le bâtiment en gardant une bonne image malgré l’expulsion. Mais ces projets datent de plusieurs jours après le 21 octobre, date de l’expulsion de la première tentative du Caddie-Yack. En somme, des personnes sans logement ont été expulsées du lieu qu’elles occupaient… pour se retrouver remplacées par d’autres personnes sans logement (peut-être…).

Donc, comme d’habitude, avant que le bâtiment soit squatté, le bâtiment était abandonné, en tout cas complètement vide depuis plus d’un an et demi. Et pour virer les squatteur-euses le plus vite possible, la mairie se couvre avec un projet de logement social monté à la va-vite (pratique que nous dénoncions déjà dans notre premier communiqué). C’est toujours le même discours qui vient dans un premier temps. La suite est généralement moins claire (du simple terrain vague aux logements de standing pas très « sociaux ») et il y a, dans les mois ou les années qui suivent l’expulsion, quelque chose qui montre clairement l’hypocrisie de la mairie.

Mais quelle est donc cette association ?

La fameuse association au grand coeur qui reloge des personnes sans abri s’appelle l’Arepi.

Et l’Arepi, c’est quoi ?
Cela signifie « Association Régionale pour l’Insertion », mais cette association est en réalité spécialisée dans la « réinsertion des prisonniers ». Après quelques recherches sur Internet, nous voyons qu’elle est directement liée au Ministère de la Justice et à l’administration pénitentiaire (plus précisément au Service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP). Liée au monde carcéral, l’Arepi suit notamment des personnes placées sous surveillance électronique et en semi-liberté. La prison hors-les-murs, ça se passe aussi avec Arepi. Sympa, pour une association qui se présente avec des vélléités humanitaires… Parmi les activités principales de l’association, le « contrôle judiciaire socio-éducatif » et « l’enquête de personnalité » nous font comprendre que l’Arepi est de ces associations qui font dans le « carcéral-social », pour une prison à visage humain… Avec son « point accueil pour jeunes », investie dans la « réparation pénale des mineurs », l’Arepi est aussi engagée dans les logiques actuelles de criminalisation de la jeunesse, très à la mode ces dernières années. Bref, l’Arepi nous apparaît plus douée en contrôle social qu’en solidarité concrète.

Nulle doute qu’avec l’Arepi, les sans-abri seront bien en « sécurité », en tout cas bien surveillés…

Sachant tout cela, ce n’est sûrement pas un hasard si la mairie a contacté cette « association » pour nous « remplacer », sachant pertinemment que le contact entre l’Arepi et nous ne pourrait être cordial. Dans ces circonstances, comment envisager d’agir en commun avec une telle « association d’aide aux sans-abri » ?

Plus aucun bâtiment vide ?

La mairie prétend ne pas avoir de bâtiments vides, pourtant :
– Rue des Alliés, une grande maison a été squattée deux fois en 2005 et expulsée immédiatement les deux fois… Depuis ? La maison est toujours vide, plus murée que jamais.
– Au 21/23 avenue de Vizille, squatté trois fois depuis 2006, la dernière fois c’était en septembre de cette année et ça a donné lieu à une expulsion immédiate ! Le projet ? Loger deux artistes avec un espace/atelier… à savoir que juste avant, quand c’était squatté, c’était déjà un lieu d’habitation et d’activités publiques… mais peut-être trop subversives pour la mairie ? en tout cas pas suffisamment sous contrôle.
– Plusieurs appartements sont vides à la Villeneuve: des apparts réservés en cas d’urgence en cas de catastrophe climatique ou accueil massif de réfugiés – dans une période où les sans-papiers se font expulser à tour de bras, on se demande si ce n’est pas ironique…
– Même en centre-ville, plusieurs bâtiments appartenant à la mairie sont totalement ou partiellement vides.
– Il y en a d’autres encore… sans compter les propriétés des bailleurs sociaux et autres organismes publics locaux.

Les activités s’amorcent !

Le programme d’activités du Caddie-Yack est maintenu, même sous la menace d’une expulsion. Donc chaque jour, passez nous voir, le lieu a besoin de soutien ! Et faites part de votre mécontentement envers la mairie de la manière dont vous le souhaitez ! Expulsion imminente ou non, nous ne lâcherons pas l’affaire !

Vendredi 7 novembre 2008,
les occupant-es du Caddie-Yack

Caddie-Yack
38 rue Pascal
38000 Grenoble
Tram A, arrêt Malherbe