Quelques informations rapides d’un « squatteur » impliqué dans toute l’histoire du 3100 rue Rachel. Notez que ce qui va suivre n’est que l’opinion d’un individu, forcément partial dans plusieurs débats plutôt déchirants, et que bien d’autres trouveraient sûrement à en rajouter.
Mardi 28 août 2001. Après plusieurs heures et même plusieurs jours de débat, l’assemblée générale du centre Préfontaine a finalement décidé, par un vote d’environ 2/3, de se donner la forme légale d’un OSBL pour la poursuite des négociations avec la ville de Montréal. Notons que lors de la rencontre entre les représentantEs des squatteurs et la ville, le 23 août dernier, le ton des autorités municipales avait passablement changé. Alors que, lors de la première rencontre du 6 août, on semblait plus ou moins nous laissé le feu vert, les délégués du maire cherchaient la semaine dernière à encadrer les résidantEs du centre d’une façon beaucoup plus stricte et les embarquer dans le système d’une façon ou d’une autre. Insistant sur le fait qu’ils ne voulaient plus discuter avec des individus, ils tenaient fermement à ce que les squatteurs se constituent en une « personne morale », en l’occurrence un Organisme Sans But Lucratif (OSBL). Il est important de dire que dès ce moment, ils tenaient à ce que les gens sortent du centre Préfontaine pour réaliser le soi-disant projet, chose que nous avons toujours refusé catégoriquement.
Finalement, après deux séances intenses de débat, la majorité acceptait de se plier à l’exigence d’une OSBL. Il serait difficile de résumer plusieurs heures de débat, mais disons que la plupart de ceux et celles qui prêchaient en faveur de la constitution de l’OSBL le faisait dans un esprit tactique, pour gagner du temps, une certaine stabilité et pour calmer les ardeurs répressives de l’hôtel devil. Certains autres, sans doute, le faisaient dans un esprit plus légaliste, et ne voyaient pas vraiment de problèmes politiques avec cette nouvelle offre empoisonnée de la ville. Pour la majorité qui y était opposée, l’OSBL comportait d’une part un gros risque de bureaucratisation (la création d’un CA), enlevait complètement l’esprit « squat » du projet et trahissait tous nos principes et convictions politiques. Ils et elles argumentaient aussi en faveur de la lutte, de la mobilisation et de la résistance, seule façon de poursuivre notre occupation du centre et notre rapport de force. Évidemment, plusieurs autres répondaient que ces deux axes ne s’excluaient pas l’un l’autre, au contraire.
Jeudi 30 août 2001. Nouveau coup de théâtre. Une rencontre était prévu en après-midi avec la ville. Histoire de gagner en représentativité, les déléguéEs avaient doublé leur nombre, passant de 4 à 8. Pour sa part, la ville avait un nouveau représentant, Serge Bruno, qui est le chef du bureau du maire aux problèmes sociaux, donc le boss de M.Fichaud, le gros qui est là depuis le début. La réunion s’ouvre autour de la lettre écrit le 27 par M.Fichaud et les trois premiers délégués de l’A.G, qui comportait bon nombre de faussetés. Le lendemain, l’avocat des squatteurs, Denis Poitras, avait répondu à cette lettre pour rétablir les faits. Car il faut voir que la ville semble vouloir s’acharner sur le cas de ces trois délégués, Marie-Claude, Mathieu et Mathieu, en leur imputant notamment la responsabilité de tous les « dommages » faits sur le bâtiment et en les menaçant de leur envoyer la facture.
Finalement, bien que les délégués arrivaient avec la « marchandise » demandée par la ville (l’OSBL), les 3 délégués de la mairie n’ont pas tardé à signifier qu’en aucun cas il n’était question que nous restions sur la rue Rachel plus tard que mardi matin. De façon vague, ils annonçaient leur volonté politique de poursuivre le « dialogue » et nous aider à construire un « projet ». De façon encore plus vague, ils nous parlaient de ferme près du Mont St-Grégoire ou d’un camp de vacances appartenant à la Old Brewery Mission dans les Laurentides. Avec mépris, ils utilisaient à tout bout de champ le terme commune, alors que l’expression goulag aurait été plus approprié (désolé d’exagérer, en tout respect pour tous les prisonnierEs des vrais goulag du monde entier). Alors que les discussions portaient sur des technicalités, le boss de Fichaud a utilisé à deux reprises l’expression « on ne cherchera pas des poux », référence vicieuse à une épidémie de poux qui s’est répandu dans le squat cette semaine. Bien que nous ayons réussi à coincer les délégués de la ville sur plusieurs points (ainsi, ils étaient incapables de nous proposer un endroit où nous pourrions déménager à Montréal, bien que tout le débat tournait là-dessus), il semble bien qu’ils n’étaient absolument pas près à céder sur quoi que ce soit.
Maintenant que les choses sont claires et que la minorité dissidente pourra affirmer en toute légitimité « qu’elle nous l’avait dit », nous pensons qu’il vaut mieux laisser tomber les différents et se serrer les coudes. Au moment où vous lirez ces lignes, l’info sera déjà un peu passé date puisque de part et d’autre des conférences de presse ont été appelées. Pour notre part, nous invitons toute la population et les gens qui nous supportent premièrement à une fête de quartier lundi à 14h et deuxièmement à être présent sur place mardi matin à 9h, heure fixée par la ville pour notre expulsion, ou tout le moins, pour lui annoncer notre départ. Comme il est clair que notre refus catégorique a déjà été annoncé publiquement, nous doutons fort qu’ils attendent à mardi matin pour fixer une stratégie d’éviction. Nous attendons donc une démonstration de solidarité de tous ceux et toutes celles qui sympathisent à notre cause et nous réaffirmons notre volonté politique de continuer la lutte pour les squats et le logement, quoiqu’il arrive.
P.S : Je suis bien conscient qu’il s’agit ici d’un autre texte anecdotique et qu’il est plutôt faible au niveau de l’analyse politique. Soyez assurez que nous ferons le bilan et notre propre auto-critique le moment venu.