Québec: Le squat de l’îlot Berthelot célèbre son premier mois

La dernière fin de semaine marquait la fin du premier mois complet d’existence du squat de l’Îlot Berthelot. Cette action directe, qui s’annonçait comme une « occupation prolongée », avait bien choisi son terme, car l’opération qu’on croyait initialement voir durer quelques jours s’avère un succès et prend maintenant son rythme de croisière.

Les occupants n’ont pas laissé filer cette occasion de souligner leur présence assidue sur les lieux! En effet, vendredi et samedi, quelques activités ont été organisées afin de célébrer cette durabilité. Vendredi dernier, un projection de vidéos en plein air a eu lieu sur un des terrains vacants de l’îlot, longeant le boulevard René-Lévesque. Samedi, un orchestre s’est installé dans le Parc au coeur du quartier pour animer un petit rassemblement festif des quelques courageux venus braver le froid et le vent. Comme quoi même les trente jours parcourus vers le solstice n’ont pas permis aux occupants de s’éloigner de ce froid et de cette humidité qui les mettent à rude épreuve depuis le début.

Ces occupants se sont d’ailleurs remis un peu en question, question de peaufiner leur organisation au quotidien et de mieux gérer cette nouvelle facette de leur longue durée en place. Ils avaient bien envisagé que l’occupation se prolongerait au-delà de la première semaine, mais ces considérations plutôt théoriques sont maintenant devenues d’actualité et furent le sujet principal de quelques longues assemblées générales tenues depuis deux semaines. Il leur a fallu faire le bilan de tout ce qui s’était déroulé, comprendre où ils en étaient rendus et quelle devait être la suite des choses. Ce fut l’occasion d’extraordinaires brassages d’idées et de débats enrichissants!

Ce qu’il en ressort, c’est que les revendications demeurent toujours à l’avant-plan, toujours pour servir de phare sur la crise du logement. Les trois revendications, qui sont l’utilisation des bâtiments et terrains vacants de l’îlot pour établir une coopérative d’habitation, un moratoire sur la conversion de logements en condos et la construction de 8000 logements sociaux par an au Québec, demeurent le fondement même de l’action d’occupation. Mais ce qui ressort aussi des réflexions faites durant les assemblées, c’est que le lieu devient aussi un « squat de démonstration », un véritable milieu de vie qui sert en même temps de laboratoire, où l’autogestion au quotidien est devenue réalité, où on fait la preuve que le squat est une forme alternative de logement et un moyen d’action directe qui est disponibles à ceux qui veulent militer pour un meilleur accès au logement.

Une ébauche d’une « déclaration du squat » a été produite et sert de base de réflexion pour la rédaction d’un manifeste que les occupants songent à produire. L’un ou l’autre de ces documents pourrait bien voir le jour bientôt. Mais les occupants ont fort à faire, car ils travaillent également à l’élaboration d’une proposition de projet pour le développement de l’îlot, en plus de s’occuper à rénover et à occuper les lieux de mieux en mieux, autant l’édifice qu’un terrain vacant qui y est juxtaposé.

Au fait, le facteur amène le courrier, le téléphone sonne… voilà comment une occupation se transforme en résidence! Il ne manque que l’électricité!

Beaucoup d’activités…

Outre ces importantes assemblées d’occupants, les dernières semaines ont été fertiles en événements de toutes sortes.

D’abord le 7 juin, puisque des délégués de différentes organisations des milieux communautaires de la province, arrivés à Québec pour un congrès du FRAPRU, en ont profité pour tenir une importante manifestation d’appui devant le squat. Discours, chants et théâtre de rue ont animé la place pour le plaisir de tous et des médias. Plus tard cette même journée, une soupe populaire dans une joyeuse ambiance d’été a permis de clore en beauté l’une des rares chaudes journées de ce printemps maussade. Il y a bien eu d’autres tentatives de répéter l’expérience par la suite, mais la météo n’était pas particulièrement collaboratrice.

C’est lors de la manifestation du 7 juin qu’un artiste de performance a grimpé sur le toit de l’autre immeuble revendiqué (en face du squat), qui est vide lui aussi, afin de peindre un graffiti géant qui est probablement lisible même des avions transatlantiques… Mais c’est surtout pour exploiter la position stratégique du squat, au pied du complexe G et de ses 31 étages abritant bureaux de fonctionnaires et le touristique « Observatoire de la Capitale », que ce graffiti passera à la postérité… (voir photo http://www.cmaq.net/upload/8698.jpg).

Cet autre immeuble est justement devenu un sujet de discussion de la part des militants. Cet immeuble abrite cinq logements vides et ils souhaitent le rendre utile d’une façon ou d’une autre pour le moment crucial du 1ier juillet. Mais comme l’immeuble a été lâchement abandonné sans le moindre entretien depuis trois ans, il est devenu inhabitable. Une fuite d’eau provenant du toit a abimé deux plafonds et un plancher en son centre, l’humidité et la moisissure ayant aussi contaminé l’air de tous les logements. Pourtant, tout le reste est presque impeccable dans cet édifice gaspillé. Les occupants d’en face songent donc à trois options: le rénover si les moyens et la compétence sont trouvés (appel à tous: il faut refaire une partie de l’entre-toit et des bouts de murs et de plafonds!), ou bien l’aérer et en faire un lieu d’entreposage, ou encore le condamner totalement. Entretemps, du nettoyage, de la sécurisation et de l’aération ont été effectués.

Parmi d’autres activités des derniers jours, il y a aussi le projet d’un kiosque d’information au sous-sol de l’immeuble occupé. Hé bien, maintenant, le projet prend forme de façon plus concrète. Il s’agira d’un centre de documentation alternative, où on pourra trouver toutes sortes de documentation, traitant autant de l’histoire des revendications du quartier que de sujets plus globaux autour du logement, de l’autodétermination, de courants idéologiques libertaires et de la pensée critique. Le concept à prendre forme ressemblera probablementà lieu public de consultation sur place et d’emprunt de matériel. Quelques réunions et quelques corvées de rénovation ont eu lieu afin de préparer ce centre qui devrait ouvrir au début juillet au plus tard. D’ici là beaucoup plus d’informations seront annoncées à ce sujet.

Évidemment, il y a aussi eu des discussions entre des représentants du Comité Populaire St-Jean-Baptiste (qui est l’instigateur de l’occcupation) et ceux de la ville, afin de faire avancer les revendications d’une part, et de faire connaître les positions de la ville d’autre part. Concrètement, très peu de choses ont bougé depuis le début de l’opération. La ville a bien annoncé quelques mesures palliatives pour dépanner les gens dans le besoin lors de la date fatidique du 1ier juillet, et elle montre toujours une certaine sympathie à la cause des militants, mais aucune proposition formelle en réponse aux revendications ne semble être en jeu.

D’ailleurs, le jour même où la ville a communiqué, via les journaux, son intention de tolérer la présence des squatters à l’îlot jusqu’en octobre, des policiers sont venus faire une visite impromptue à l’intérieur du bâtiment, ordonnant aux gens présents de s’identifier ou bien de sortir. Les occupants espèrent bien éviter la répétition d’un tel incident qui donne une saveur amère à cette notion de « tolérance »…

On sait maintenant que les propriétés de la ville (terrains et immeubles) dans l’îlot ont fait le sujet d’appels d’offres il y a plusieurs mois et que deux projets ont été proposés. L’un fait mention de coopératives d’habitation, l’autre de condominiums, mais le processus aurait été bloqué suite à des problèmes légaux rencontrés par la ville. Voilà ce qui explique probablement cette « tolérance » de la part des autorités, car dans le fond, rien ne presse…

Extrait du CMAQ, www.cmaq.net

Photos: http://www.cmaq.net/upload/8697.jpg

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