Grenoble : Le téléphone fonctionne à nouveau à Golgoth-A-xxx…

Une action a été menée ce matin du mardi 9 décembre 2003 dans l’agence centrale de France Télécom à Grenoble. Le but était de placer France Télécom face à ses propres contradictions aux yeux de tou-te-s et de faire en sorte que la ligne téléphonique du squat Golgoth-A-xxx soit de nouveau fonctionnelle. En effet, France Télécom avait mis la ligne du squat en dérangement depuis le jour ou un des propriétaires du lieu avait demandé à France Télécom de nous interdire le téléphone…

Arrivé-e-s aux alentours de 10h30 à l’agence centrale du boulevard Jean Pain à Grenoble, nous en sommes reparti-e-s environ une heure après. A une vingtaine de personnes, nous avons réussi, grâce à un rapport de force vite installé (banderole, occupation de l’agence, bruits divers et variés, communication avec les client-e-s et les employé-e-s, présence agaçante et « dialogue » avec les « responsables » beaucoup plus fructueux grâce à tout ça…) à faire remettre la ligne téléphonique dans le squat. Et ce, bien sûr, alors que lors de nos entrevues précédentes à une ou deux personnes avec France Télécom on nous avait répondu « désolé, nous ne pouvons rien faire, revenez avec la un bail ou une autorisation du propriétaire ». Quand la corruption n’est pas possible (ou pas envisagée), seule la lutte paye ?

La ligne a été réinstallée le jour même. Le numéro de téléphone de Golgoth-A-xxx est donc de nouveau fonctionnel : 04 76 42 04 64.


Voici le tract qui a été distribué à tout le monde dans l’agence (les phrases entre *étoiles* étaient collées-détournées de publicités de France Télécom) :

« Le téléphone pleure, ne raccroche pas… » (Claude François)

FRANCE TELECOM, UN SERVICE « PUBLIC » AU SERVICE DE LA PROPRIETE PRIVEE ?

Il y a deux semaines, notre ligne téléphonique a été mise en dérangement par France Télécom (nous avions pourtant un contrat depuis début novembre et aucune facture impayée…). Pourquoi donc cette coupure ? Pour la simple raison que nous sommes de vilain-e-s squatteur-euse-s et qu’un des propriétaires de la maison que nous habitons a fait la demande à France Télécom de nous couper le téléphone. France Télécom semble obéir avant tout aux riches, aux possédant-e-s, la sacro-sainte propriété privée fait des ravages de tous côtés.

« Dis-moi, pourquoi t’es comme ça ? pourquoi ça va pas ? pourquoi t’essaies pas ? pourquoi tu veux pas ? (…) et là tu crois que je vais rester sans rien dire, oh oui tu crois que je vais rester planter là à te voir partir dans tes délires et te laisser faire n’importe quoi (…) et moi, moi tu m’as oublié, moi tu n’y as pas pensé, moi tu m’as juste laissé le droit de la fermer » (Florent Pagny)

Pourtant, France Télécom est censée respecter un cahier des charges dont les articles sont très clairs, ainsi que le Code des Postes et Télécommunications :

Il nous est depuis deux semaines impossible d’appeler qui que ce soit, pas même les numéros gratuits d’urgence en cas d’accident… Et personne ne peut nous appeler non plus. D’après l’article L35-1 du Code des Postes et Télécommunications, « le service universel des télécommunications fournit à tous un service téléphonique de qualité à un prix abordable ». Le même article précise qu’il existe des « conditions tarifaires et techniques prenant en compte les difficultés spécifiques rencontrées à l’accès au service téléphonique par certaines catégories de personnes en raison notamment de leur niveau de revenu ou de leur handicap ». Nos revenus, justement, ne nous permettent pas, par exemple, de nous payer des téléphones portables… « Ces conditions incluent le maintien, pendant une année, en cas de défaut de paiement d’un service restreint comportant la possibilité de recevoir des appels ainsi que d’acheminer des appels téléphoniques aux services gratuits ou aux services d’urgence ». Ce qui ne nous a pas été permis.

L’article L35 s’ouvre sur une déclaration de principe démocratiquement séduisante puisque celle-ci dit que « le service public des télécommunications est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité »… La bonne blague !

Alors que l’article L35-1 se conclut sur l’affirmation claire que « toute personne obtient, sur sa demande, l’abonnement au téléphone auprès d’un opérateur chargé du service universel dans les conditions prévues par le présent code. Le propriétaire d’un immeuble ou son mandataire ne peut s’opposer à l’installation du téléphone demandée par son locataire ou occupant de bonne foi ». Allons bon, c’est pourtant bien ce qui s’est passé ici. Nous habitons le 14 rue Paul Doumer depuis la fin du mois d’octobre et il s’agit de notre seul et unique domicile. Cette maison n’a d’ailleurs jamais été le domicile de ses propriétaires, mais il faut croire que la force de la propriété privée est plus persuasive que l’utilisation concrète d’un bâtiment, y compris quand la loi, pour une fois, accorde quelques droits aux pauvres… Rappelons aussi que l’article 2-1 des Conditions générales d’abonnement à France Télécom ne mentionne aucunement l’obligation de posséder un bail mais seulement de « justifier de son identité et l’adresse de son installation ». Ce que nous avons fait puisqu’un technicien était intervenu pour nous installer la ligne.

Par ailleurs, France Télécom nous a complètement méprisé-e-s à d’autres égards, puisque nous n’avons absolument pas été prévenu-e-s ou concerté-e-s avant de nous apercevoir que notre ligne était devenue inutilisable… Pourtant, l’article 11 du Cahier des charges de France Télécom indique que « France Télécom ne peut supprimer une prestation ou en modifier les conditions matérielles d’utilisation qu’après information des utilisateurs et des organisations d’utilisateurs concernées et recueil de leurs remarques éventuelles. Les conditions et délais de résiliation ou de modification sont publiés au moins six mois à l’avance. Lorsqu’il s’agit de modifications techniques (…), France Télécom informe au moins dix-huit mois à l’avance les utilisateurs (…). Sans préjudice d’autres dispositions figurant dans le présent cahier des charges, les informations relatives à de nouvelles offres et les modifications (…) des offres existantes sont publiées par France Télécom en respectant un délai de préavis de huit jours ».

Aucune de ces conditions n’a été respectée par France Télécom. Serait-ce parce que les squatteureuses que nous sommes n’avons pas les mêmes droits que les non-squatteureuses ? Non, nous venons de le voir, dans la juridiction des télécommunications, aucune différence n’est faite entre les droits des locataires, des propriétaires ou des occupant-e-s sans titre. En ne respectant pas son propre cahier des charges, France Télécom nous traite comme de la merde uniquement depuis une position moraliste et politique… Est-ce bien assurer le « service universel du téléphone » ?

Ha, au fait. Merci pour la facture (plus de 100 euros à payer pour deux semaines d’utilisation en ligne restreinte suivie d’une coupure sans préavis, c’est sympa comme tout).

« Je veux des mots qui sonnent, yeah yeah yeah ! » (Jenifer)

NOUS EXIGEONS LA REINSTALLATION DE LA LIGNE TELEPHONIQUE AU 14 RUE PAUL DOUMER A GRENOBLE AINSI QU’UNE ATTITUDE GENERALE NON-DISCRIMINATOIRE DE LA PART DE FRANCE TELECOM.

Le 9 décembre 2003, les habitant-e-s de Golgoth-A-xxx, 14 rue Paul Doumer, 38100 Grenoble

*Ma ligne, je peux tout lui demander*

« Pourtant quelqu’un m’a dit que tu m’aimais encore, serait-ce possible alors ? » (Carla Bruni)

*C’est Noël dans votre agence*