Suisse : Quelques infos en provenance de l’Espace Autogéré de Lausanne

LES PROCHAINES DATES DE L’ESPACE AUTOGERE :

-Jeudi 5 mars

20h30 Potage de Plombs, repas végétarien

PROCHAINS CONCERTS

-Jeudi 12 février

22h Concert: Les DUCHESSES du BAZAR (Country cowgirls, Québec)

-Vendredi 20 février

Soirée et concert de soutien à Trashland (Squat Tivoli), avec Alif Sound System, hip-hop Marseille, à confirmer.

-Jeudi 11 mars

22h Concert: SABOT (jazz-core, basse/batterie, Tchéquie/US)

-Samedi 13 mars

Soirée post manif logement (Info sous peu).

-Vendredi 2 avril

22h Concert: NEPTUNE (noise-rock avec instruments sculptures auto-produits, Boston US)


Communiqué de presse 29 janvier 2004

Interventions policières durant la semaine de mobilisation contre le WEF à Davos

ETAT d’’urgence Groupe Anti-Répression (GAR), Lausanne

La tenue du WEF a suscité à nouveau de nombreuses manifestations et actions dans tout le pays, à Genève, Lausanne, Berne, Neuchâtel, Fribourg, Burgdorf, Langenthal, Coire, Davos, Zurich, Lugano, Locarno, etc. Le groupe anti-répression de Lausanne a suivi notamment les actions Zug um Zug (samedi 17 janvier 2004), une action de blocage à Zurich (mercredi 21 janvier) et la manifestation à Coire (samedi 24 janvier), ainsi que le retour… Nous livrons ici nos observations et critiques.

Samedi 17 janvier 2004 – Zug um Zug

La manifestation itinérante prévoyait des actions dans quatre villes. A Fribourg, lorsque les manifestant-e-s sont sorti-e-s de la gare, la police en tenue anti-émeutes les a immédiatement encerclé-e-s, conduit-es jusqu’à la place Python, puis reconduit-es à la gare. La police, par sa présence massive et un encadrement sans brèche, a de fait empêché toute manifestation en ville et rendu difficile le contact avec la population. Arrivé-e-s à Berne, les manifestant-e-s ont pu sortir de la gare. Le lieu de rendez-vous a également été encerclé par les anti-émeutes et des canons à eau. Les seules issues laissées étaient soit la gare, soit la Reithalle. Ici encore toute manifestation a été empêchée. Les manifestant-e-s ont donc repris le train. Le train a été arrêté entre Berne et Burgdorf pour permettre aux anti-émeutes de rejoindre Burgdorf avant les manifestant-e-s. A Burgdorf, des policiers-ères en civil ont copieusement photographié les manifestant-e-s à la descente du train. La manifestation, toujours encadrée par les anti-émeutes, s’est déroulée sur quelques centaines de mètres. Sans aucun motif et sans sommation, un barrage d’anti-émeutes a tiré des salves de balles en caoutchouc sur les manifestant-e-s à une distance de quelques mètres. Plusieurs personnes ont été blessées au visage et ont dû être hospitalisées. Une personne chargée des premier secours, facilement identifiable comme telle, a subi des tirs au dos alors qu’elle pansait des blessé-e-s. En substance, la police a tiré « dans le tas » sans raison et sans discernement. Les manifestant-e-s, qui ont toujours gardé leur calme, sont à nouveau retourné-e-s à la gare… sans avoir eu la possibilité de manifester, une fois de plus! A Langenthal, étonnament au vu des événements de la journée, la présence policière était discrète… et la manifestation a pu avoir lieu comme prévu.

Mercredi 21 janvier 2004 – Actions de blocage

Globalement, l’intervention de la police a été « modérée ». Reste à signaler la façon musclée utilisée pour emmener les manifestant-e-s, en les traînant par les pieds sur le goudron, alors qu’ils/elles n’opposaient aucune résistance. La majorité des manifestant-e-s a été retenue, puis relâchée assez rapidement. Toutes et tous n’ont pas subi un contrôle d’identité. La journée s’est soldée par deux arrestations. Notons que les actions de blocage se sont déroulées autour de l’aéroport de Kloten, sous les yeux des différentes délégations se rendant au WEF et de passablement de représentant-e-s des médias. Ceci aurait-il modéré les ardeurs que la police a montrées le samedi précédent?

Samedi 24 janvier 2004 – Manifestation à Coire

Les manifestant-e-s ont pu se rendre sur place sans encombre. Durant la manifestation, la présence policière a été discrète. Des policiers-ères et des anti-émeutes étaient visibles, mais sans ostentation. A la fin de la manifestation, une personne a été arrêtée sans motif fondé, dans des circonstances suggérant un délit de faciès. La dissolution de la manifestation laisse pour l’instant des zones d’ombre. Vers 15 heures, les manifestant-e-s ont été invité-e-s, dans une précipitation peu compréhensible, à prendre place dans deux trains prévus à cet effet par les CFF et censés partir sans délai. Le premier train, bondé de manifestant-e-s, a été arrêté à trois reprises par des personnes qui ont tiré les freins d’urgence en gare de Coire : nombre de personnes pendaient aux fenêtres dans la tentative d’y prendre place. A la gare de Landquart, le train s’est arrêté comme prévu dans son itinéraire régulier. Les raisons pour lesquelles il n’en est pas reparti demeurent peu claires: plusieurs hypothèses circulent sur cet arrêt. Les circonstances suggèrent fortement une opération organisée par la police compte tenu de son état de préparation. La police a forcé les manifestant-e-s à descendre du train, allant jusqu’à lancer des gaz lacrymogènes à l’intérieur des wagons. Des balles en caoutchouc, des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes ont été tirés sans aucun motif et toujours sans sommation. Des tabassages ont eu lieu. Les manifestant-e-s ont alors été encerclé-e-s et enfermé-e-s dans un enclos en plein air. Les canons à eau ont été utilisés contre les manifestant-e-s bloqué-e-s. Les personnes sont restées longtemps mouillées dans le froid (certaines jusqu’à 23 heures 30)… Les manifestant-e-s n’avaient aucune échappatoire. En effet, au delà des lignes de policiers-ères anti-émeutes, un groupe de fascistes trônait de façon menaçante à la sortie de la gare, ce qui amusait les policiers-ères. Pendant ce temps, la police emportait les manifestant-e-s par groupes de cinq personnes, menotté-e-s, pour effectuer des contrôles d’identité et des fouilles. La police a proféré de nombreuses insultes au cours de cette opération. Des centaines de manifestant-e-s rentrant d’une manifestation autorisée se retrouvent ainsi fiché-e-s. Une personne a été gravement blessée à l’œil suite à un coup de matraque et a dû être hospitalisée. Les conséquences en terme de santé pour les autres manifestant-e-s ne sont pas encore connues. Enfin, les manifestant-e-s ont été séparé-e-s en plusieurs groupes pour retourner à Zurich. A la gare de Zurich, des manifestant-e-s ont été sauvagement attaqué-e-s par un groupe de fascistes, sous le regard de la police massivement présente!

Quelques réflexions

Droit de manifester Depuis quelques années, mais particulièrement suite à la tenue du G8 à Evian, le droit de manifester est soumis à de fortes pressions politiques et policières, qui le restreignent progressivement: refus d’autorisation, mise en place de conditions difficilement réalisables (voir à Genève), intolérance face aux rassemblements annoncés qui n’ont pas demandé d’autorisation, répression brutale des participant-e-s, dissuasion, intimidation, etc. Est-il nécessaire de rappeler que « manifester dans la rue est une des formes de l’exercice des libertés d’opinion, d’expression et de réunion. Ces libertés font parties des droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale…, par les constitutions cantonales…, par la Convention européenne des droits de l’homme… ainsi que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU… » (Manifester: vos droits, J.-M. Dolivo, Ch. Tafelmacher, Editions d’En Bas, Lausanne 2003). Il est indispensable de défendre ce droit fondamental, en refusant de se laisser entraîner dans les manipulations fondées sur le prétexte constamment mis en avant par les autorités politiques et policières des risques de dommages matériels.

Répression Récemment encore, la répression des manifestations était surtout orientée contre les milieux autonomes. Depuis quelques années, elle s’élargit et s’approfondit à l’encontre de tout mouvement de résistance. Dans le cadre des manifestations de cette semaine, nous pouvons poser les constats suivants:

Utilisation accrue d’armes

Des armes dites non-létales sont utilisées de plus en plus couramment, et, fait gravissime, dans l’indifférence générale, des médias en premier. A titre d’exemple, le fait qu’il y ait des blessé-e-s par balles en caoutchouc dans une manifestation reconnue sans heurt comme celle du samedi 17 janvier décrite ci-dessus, devrait pour le moins soulever des interrogations, mais il n’en est rien! Quant à l’utilisation massive d’armes en tout genre contre une foule impuissante, les faits qui se sont déroulés à Landquart sont scandaleux, voire criminels. Il est consternant qu’ils ne soulèvent si peu de commentaires et de critiques!

Proportionnalité

L’intervention de la police devrait respecter le principe de la proportionnalité. La présence policière a été massive et constante, disproportionnée par rapport aux événements se déroulant sur le terrain. Les armes ont été utilisées à tout propos sans fondement et toujours sans sommation. Des centaines de personnes ont été fouillées et fichées sans raison. Il est dès lors flagrant que la police n’a pas respecté le principe de proportionnalité qui devrait mener son action.

Respect des droits humains

Au-delà du fait que le contrôle de centaines de personnes (1082 selon les sources de la police) ayant participé à une manifestation ne se justifie pas, la façon dont il s’est déroulé viole de toute évidence les droits humains. Il a été entaché de mauvais traitements physiques et psychiques, suivant une logique de terreur et d’abus de pouvoir : – la police a agi sans donner de consignes, semant la panique au milieu des manifestant-e-s qui ne savaient pas ce qui se passait ; – elle a lancé des gaz lacrymogènes dans les wagons, lieu fermé s’il en est ; – elle a durement frappé des manifestant-e-s à coups de matraque ; – elle a séquestré des manifestant-e-s durant des heures, les a mouillé-e-s avec des lances à eau et les a laissé-e-s attendre dans le froid et l’obscurité, sans boissons ni nourriture ni sanitaires à disposition ; – elle a insulté et humilié des manifestant-e-s ; – elle a manqué à son obligation d’assistance aux blessé-e-s.

Aucun argument ne peut justifier qu’un contrôle d’identité s’effectue dans de telles conditions.

Fichage

Photos, films, contrôles d’identité nourrissent des fichiers de police, dont la police seule sait ce qu’elle en fait ! L’exercice de droits démocratiques est traité comme un délit ou du moins comme un indice de délit potentiel. Nous assistons à une banalisation du fichage politique et rien ne garantit la destruction des données récoltées.

Conclusion

La tenue du WEF a occasionné la mise en place de mesures sécuritaires considérables et coûteuses. Nous ne serions pas étonné-e-s que toutes ces opérations policières et notamment les événements de Landquart aient été menés pour justifier l’entier du dispositif. Cela permet de poursuivre l’œuvre de criminalisation des mouvements de résistance à la mondialisation néo-libérale. La police met tout en place pour intimider les participant-e-s et ainsi les dissuader de poursuivre leurs combats, y compris des tactiques caractéristiques des régimes totalitaires, telles que l’imprévisibilité de ses interventions.

Le groupe anti-répression continuera à observer et dénoncer les dérives sécuritaires, convaincu que si nous ne réagissons pas fermement aujourd’hui, les droits fondamentaux seront gravement et durablement « atteints ». Dans l’histoire, cela s’est déjà vu….


Répression à Landquart

Le système policier mis en place à Landquart marque une étape significative dans la répression et la criminalisation des mouvements sociaux en Suisse. Nous avons assisté ce weed-end à la mise en place d’une structure de fichage individuel d’une envergure inconnue jusque là dans notre pays. Le dispositif de contrôle de masse est efficace, réfléchi et sophistiqué. Ce dispositif, le nombre de policiers-ères présent-e-s, ainsi que le matériel mis en place pour bloquer le pont à la sortie de la gare, avant même l’arrivée du train, nous permettent de penser que tout cela avait été planifié de longue date.

La répression a touché toutes les personnes présentes, y inclues celles restées sur le quai ou dans le train en attendant que celui-ci reparte. Avant les contrôles, la violence disproportionnée de la police s’exprime par une attaque des personnes regroupées sur les quais: pas de sommation, puis les bombres lacrymogènes et assourdissantes, les balles en caoutchouc, et les coups de matraque. La démarche d’intimidation générale est claire.

Le fonctionnement d’un tel « camp de fichage » est extrêmement fluide. Les changements de structure sur ce point suite au G8 tiennent en deux points majeurs: premièrement, une grande fluidité permet de contrôler 1082 personnes en six à sept heures, et deuxièmement, les détenu-e-s sont privé-e-s de liberté le temps d’un circuit, soit 20 à 30 minutes, la police n’arrête donc pas systématiquement les personnes dont elle cherche à connaître l’identité. Pas de longs interrogatoires, mais un fichage systématique et des comportements policiers pour le moins douteux: – les personnes ayant des objets jugés compromettant (couteau de cuisine, par exemple pour le pic-nic) se voient écrire un numéro sur l’avant-bras correspondant au numéro du sac contenant l’objet incriminé. – le numéro de téléphone privé, qui fait partie des indications que l’on n’a pas l’obligation de transmettre lors d’un contrôle d’identité est demandé au même titres que les autres données. Il s’agit d’un abus de pouvoir. – Quant aux néo-nazis présents derrière les cordons de police, ils ne se voient pas inquiéter par la police.

La police a annoncé qu’elle détruirait en juin le matériel de fichage recueilli ce week-end. Nous suivrons de près la mise en œuvre de ces propos.