Près de 50 morts, plusieurs dizaines de blessés, des centaines de familles rejetées à la rue, la succession d’événements tragiques depuis le mois d’avril a remis la question du mal-logement à l’ordre du jour.
Pourtant la crise du logement ne date pas d’hier, mais la spirale de la spéculation immobilière ainsi que la chasse aux pauvres et aux immigrés ont considérablement aggravé pour des millions d’individus une situation déjà intolérable et scandaleuse. Cependant, de plus en plus de gens se rendent compte que cette situation est insupportable et même absurde. En effet, comment admettre qu’un nombre croissant de personnes – parfois salariés comme en témoigne le phénomène des « working poors » ou quand un salaire d’emploi à plein temps ne permet même plus de payer un loyer – se retrouvent à la rue ou sont logées dans des conditions désastreuses, alors qu’il y a tant de logements vides, logements qui sont principalement des moyens pour spéculer.
La crise du logement que l’on connaît actuellement n’a rien à voir avec celle que l’on a connue dans les années 50. A cette époque, il y a avait effectivement une insuffisance de logements due aux destructions engendrées par la guerre et à une carence de construction de logements dans l’entre-deux-guerres. Aujourd’hui, le problème est tout autre :
– ce n’est pas le manque de logement qui est en cause, mais une volonté à spéculer entres autres sur le logement. Ainsi le problème n’est pas de construire de nouveaux logements, mais de rendre accessibles ceux qui sont vides ou de transformer des bureaux non utilisés en logements. En effet, depuis plus de 20 ans, le nombre de logements vacants oscille autour de 2 millions d’unités soit environ 8% du parc locatif. Autrement dit de quoi loger ou reloger la quasi-totalité des sans-abri et mal-logés ;
– l’évolution de l’exclusion et la généralisation de la précarité font que les bailleurs, publics ou privés, ne veulent plus louer des logements à des personnes ne présentant pas des garanties suffisantes (jusqu’à 4 fois le montant du loyer pour le revenu, un emploi stable plus une caution à trouver) ;
Ainsi, si l’on continue à proposer de construire des logements ou à inciter les propriétaires à louer leurs logements vides (par exemple en leur proposant des primes), on ne résoudra pas fondamentalement le problème, car il y aura toujours de plus en plus de personnes qui ne pourront répondre aux exigences des bailleurs, qu’ils soient public ou privés. La crise du logement est une des conséquences de la montée de l’exclusion et de la précarité.
Ce n’est pas le manque de logements qui est en cause ! Il s’agit d’un problème exclusivement politique, qui relève d’un débat sur le choix de société dans laquelle nous voulons vivre !
La société repose, entres autres, sur deux piliers fondamentaux : la propriété privé et la hiérarchie sociale fondée, en partie, sur les revenus. Ces principes sont parmi les fondements de la Révolution française qui a permis l’accès au pouvoir de la bourgeoisie.
La propriété, c’est l’ensemble des moyens dont disposent des personnes pour en exploiter d’autres. Ainsi, un capitaliste est propriétaire de moyens de production afin d’exploiter des travailleurs ; de même, un propriétaire possède des logements pour exploiter des locataires en exigeant qu’ils ou elles lui payent des loyers.
Dans une société de classes, les revenus seront toujours inégalitaires ; cette inégalité engendre inéluctablement la hiérarchie sociale, la domination. En outre, la réalité de la société capitaliste fait que les propriétaires des moyens de production, de logements… sont toujours en position de force, position qui permet de maintenir leur hégémonie politique, idéologique et sociale sur l’ensemble de la société.
L’Etat, instrument de domination d’une classe sur l’autre, maintient ce rapport de forces et le droit à la propriété (qui est inscrit dans la Constitution). Il dispose pour remplir cette fonction de chien de garde du Capital de nombreux outils : la police, l’appareil judiciaire, carcéral, et en dernier recours l’armée (comme l’assaut héliporté du GIGN et des commandos-marine contre les mutins du « Pascal Paoli »…).
Ainsi, par rapport à la lutte sur le logement, les anarchistes affirment et luttent pour que :
– Le droit de propriété cesse de prévaloir sur le fait de pouvoir vivre : le droit de propriété doit disparaître ! Autrement dit, il est criminel de laisser crever des gens parce qu’ils n’ont pu se loger décemment ! – Nos conditions de vie ne doivent plus être déterminées par nos revenus (salaires, allocations RMI …) ; que chacun et chacune doit pouvoir se vêtir, se nourrir, se soigner, utiliser les transports et se loger sans conditions et gratuitement !
Le mouvement anarchiste et révolutionnaire doit se donner les moyens de poser les contradictions de fond qui traversent les mouvements sociaux, de les mettre en évidence, de montrer et démontrer que cette société n’est pas aménageable, réformable, « humanisable » : l’exclusion, la domination, la hiérarchie, le patriarcat et les inégalités sociales et économiques ne le sont pas.
Lutter pour que les individus puissent vivre dignement où ils l’entendent, pour que s’instaure un réel partage de la richesse sociale suppose d’en finir avec le capitalisme.
Proposons, faisons partager des utopies créatrices, des alternatives concrètes à cet ordre social qui rime de plus en plus avec barbarie. Prenons nos affaires et nos luttes en main ! Participons à l’émergence, à la vie, de collectifs autonomes de luttes, fédérés entre eux, afin qu’ils ne soit pas instrumentalisés à des fins qui nous échappent.
[transmis par le Secrétariat aux relations extérieures de la Fédération anarchiste <relations-exterieures(a)federation-anarchiste.org>]
Fédération anarchiste