À Dijon, le Mât-Noir, rue de l’Île, est actuellement menacé d’expulsion par la mairie, propriétaire, qui n’a aucun projet pour le bâtiment mais a choisi, pour le principe, de détruire ce lieu de vie où se multiplient débats, ateliers, ciné-clubs, repas de quartiers et autres réjouissances depuis quelques mois. Ce quartier charmant, si ce n’est le voisinage du commissariat, regorge d’ailleurs de maisons murées, certaines depuis une bonne décennie. Cela n’empêche pas que l’on y croise, au coeur de l’hiver, des familles de Rroms réduits à des abris de fortune dans des buissons. Il est aussi à noter que le Toboggan, squat expulsé en mai dernier [2007], après 8 mois d’activités et de lutte, sous prétexte de construction urgente de logements sociaux, est toujours vide. Pris à partie à ce sujet lors d’un meeting électoral par des personnes venues soutenir le Mât-Noir, Rebsamen aurait répondu que « Oui d’accord, mais vous vous débrouillez très bien avec les lois et si on commence à vous laisser quelque part, ensuite on n’arrive plus jamais à vous faire partir ! ». Donc autant que ça ne serve à personne et surtout pas à des « anarchistes » qui selon lui, finissent de toute façon toujours par se calmer et par changer de bord en vieillissant. Malheureusement pour lui la docilité délavée ne vient pas toujours avec le temps et sans chercher bien loin, les exemples locaux des Tanneries et de Maloka (cf. interview dans le numéro 6 de « Blabla ») contredisent ses propos.
La mairie vient par ailleurs de lancer une grande campagne d’affichage dans les bus dijonnais sur le thème « Vous avez un logement vide ? la mairie peut vous aider », à le remplir s’entend. Avec une estimation de quelque 8 000 logements vides dans le grand Dijon l’intention semble louable, mais faut-il rappeler que la municipalité est sûrement le plus gros propriétaire de logements laissés vacants dans la région, dans l’attente de diverses ventes juteuses et autres projets improbables et mégalos, et qu’elle ne se gêne pas pour en virer tous ceux qui, en attendant, voudraient essayer de s’y loger ou d’en faire quelque chose d’utile à grands renforts d’huissiers, avocats, amendes carabinées et pelotons de CRS. Par ailleurs et sans préjugés de classe outranciers, on peut douter que les propriétaires qui accumulent les logements à Dijon soient de grands utilisateurs des bus Divia. Mais n’imaginons pas que la mairie balance l’argent public par les fenêtres, puisqu’il s’agit vraisemblablement surtout ici de créer l’illusion sur ses pratiques sociales et de légitimer les expulsions à venir.
[Paru dans Blabla n°6 (printemps 2008).]