Ceci n’est pas une fable. En mai 2003, huit citoyens grenoblois remplacent les plaques de la rue Thiers, le boucher de la Semaine Sanglante, par d’autres intitulées « rue de la Commune de Paris ». Pour cette louable action, ils subissent quelques tracas judiciaires sans suite, sinon, deux ans plus tard, une convocation au commissariat de police pour prélèvement biologique en vue de leur inscription au Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques – voir http://refusadn.free.fr/ – Ils refusent, plus louablement encore, de cracher leur ADN et engagent un bras de fer judiciaire de plusieurs années avec l’Etat, soutenus non seulement par la gauche citoyenne, mais également par ce qu’on nomme, à défaut de savoir ce que cela signifie « la mouvance radicale ». Ce qui ne représente pas rien à Grenoble: squats, sites, radio, locaux, collectifs, et une activité soutenue au fil des ans. Cet appui des radicaux aux citoyens est d’autant plus remarquable et méritoire que les « Contreplaquistes » prennent soin d’expliquer qu’ils ne s’opposent pas à tout fichage, mais seulement au fichage de tous. Nuance. La semaine dernière encore, le tract d’appel à la manifestation contre le fichier Edvige se bornait à dénoncer « le fichage généralisé de toute la population » pour ne pas froisser les responsables d’Attac et de la Fsu qui refusent mordicus de réclamer l’abolition de tout fichage. Bons enfants, nous avons manifesté contre le fichier Base élèves, contre le fichier Edvige, contre le Fnaeg, et nous pousserions peut-être la bonne volonté jusqu’à manifester séparément contre les 400 à 600 fichiers où figure en moyenne un Français, s’il n’y avait [pas] que 365 jours dans l’année. Aussi bien, même parmi les membres des organisations citoyennes, des voix s’élèvent pour dire que cela suffit de courir d’un fichier, ou d’une technologie de surveillance (vidéo, biométrie, RFID), à une autre, derrière chaque fois un comité spécialisé, et qu’il conviendrait d’attaquer l’hydre sécuritaire à la racine et c’est précisément cela, être radical.
Et les squatteurs ? On y vient. Sept d’entre eux passent au tribunal de Grenoble mardi 28 octobre à 13h30 pour avoir (encore) occupé une maison vide, et pour refus de prélèvement ADN. Si vous trouvez mauvais en dehors de considérations de rapports de force – d’occuper les maisons vides, il vous faut lire une tribune libre parue dans « L’Humanité » du 26 septembre 2008, où l’auteur explique qu’une des raisons de l’insurrection du 18 mars 1871 résidait dans la suppression du moratoire sur les loyers par l’assemblée royaliste élue en février 1871. L’un des gestes les plus marquants de la Commune fut au contraire de réquisitionner les logements abandonnés par leurs propriétaires, pour y héberger les Parisiens dont les maisons étaient détruites par les bombardements versaillais.
On voit que les citoyens d’Attac, du Cercle Condorcet, de la Ligue des Droits de l’Homme, de la CGT, de la Confédération Paysanne, de la FSU, de la LCR, du PCF, du PS (du PS !), des Verts-Isère qui ont à plusieurs reprises exprimé leur soutien aux « Contreplaquistes », ne peuvent faire moins que de soutenir aussi les squatteurs en procès ce mardi (contact : soli38 at riseup.net). Même s’ils ne sont pas encore d’honorables citoyens, installés dans la vie, architecte, cadres, technico-commercial, salariés consciencieux, mais de jeunes précaires vivant de bric et de broc. Et d’ailleurs les « Contreplaquistes » eux-mêmes viendront à n’en pas douter, témoigner leur solidarité envers ceux qui reprennent et prolongent si heureusement leur action.
Enfin, il serait bon qu’à Grenoble, où la gendarmerie de Meylan a inauguré cette pratique du prélèvement ADN (cf. le « Daubé » du 25 mars 2006), se rassemble aussi la résistance la plus large et la plus résolue au fichage génétique.
Le 25 octobre 2008
Service Compris