Grenoble: Le Caddie Yack est expulsable !

Le Caddie Yack est toujours là mais se voit à nouveau menacé d’expulsion imminente par l’alliance mairie-Arepi: le résultat du procès qui a eu lieu ce matin en « référé d’heure en heure » est tombé dans l’après-midi même, et bien sûr, c’est l’expulsion immédiate qui a été prononcée par le juge.

Retour sur quelques rebondissements de ces derniers jours:

Pour celles et ceux qui prendraient l’histoire en cours de route, après avoir été occupé une première fois vers le 15 octobre 2008, le Caddie Yack (38 rue Pascal, quartier Malherbe à Grenob’) a été expulsé le 21 octobre, puis réoccupé (par le même collectif) le 6 novembre dernier…

Très vite, un programme d’activités a été mis en place et vidéo-projections, cours de langue, discussions et concert ont eu lieu. Demain à 20h (jeudi 20 novembre), aura lieu une vidéo-projection du film « Boys don’t cry », dans le cadre de la journée de la Mémoire Transgenre, suivie d’une discussion sur les transexualités. Ensuite, une « Quintessence party » se tiendra, avec « tes potes, tes cotillons, et ton costume disco ».

Bon, mais alors quoi, ces derniers jours quoi ?

Lundi 17 novembre, il y avait le conseil municipal de la Ville de Grenoble (court), et le collectif du Caddie Yack ainsi que diverses associations appelaient à y intervenir, pour protester contre l’expulsion des squats, et plus largement contre la politique de logement de la Ville (gentrification, quand tu nous tiens…):
http://squat.net/fr/news/grenoble151108.html

Ma camarade Monique Voilà y était, elle vous a concocté le petit récit que voilà (enfin, que voici):

Suite aux nombreuses expulsions de ces derniers mois, savamment orchestrées par la mairie de Grenoble et la préfecture de l’Isère, qui n’ont pas pris la peine de faire valoir les procédures d’expulsions « classiques » et se sont servies de « dégradations » fictives et de « violations de domicile » tout aussi inexistantes pour vider plusieurs squats, ce lundi 17 novembre, le conseil municipal a été perturbé par une bonne quarantaine de personnes.
Pour rentrer dans le hall de la mairie, la police municipale nous fait ouvrir nos sacs, une seule question : « ces documents, ce ne sont pas des tracts ? », réponse : « non, non… », on passe et on ricane, ces documents sont les lettres ouvertes qui seront lues pendant le conseil:
http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=article&id=7966
D’autres flics gardent la porte de la salle des conseils, et là les sacs trop volumineux à leur goût doivent rester dehors, mais « il ne faut pas vous inquiéter, la police veille sur eux. »
Nous rentrons donc dans la salle, nous asseyons, et attendons, le maire fait faire l’appel, nous sommes bien face au fleuron de notre chère municipalité. La séance commence, une camarade se lève et entame la lecture de la lettre ouverte au maire de Grenoble, qui dénonce la politique du logement de la municipalité et les expulsions, plus particulièrement celle du Caddie Yack, viré manu militari le 21 octobre sous le prétexte désormais habituel de « dégradations ». Puis, le lieu a été proposé à l’association AREPI dans le cadre d’hébergement d’urgence, une convention a été signée, la mairie a acheté sa bonne conscience. Mais le collectif du Caddie Yack décide de rouvrir, et de ne pas se laisser berner par la politique de division et de stigmatisation de la mairie.
Le maire ne trouve rien d’autre à dire que « le public n’a pas la parole » et d’enjoindre un élu à parler, ce dernier hésite, le maire, ce bon vieux Michel Destot, rappelle fermement que « c’est [lui] qui commande », alors l’élu obéit. Mais une autre camarade reprend la lecture, et parvient à couvrir le son des micros. Les élus et un journaliste du Dauphiné Libéré sont pris à parti bruyamment par toute une partie du public. La séance est alors levée. Nous refusons dans un premier temps de sortir, et la police municipale nous pousse vers la sortie de la salle, ce qui prend un certain temps – il faut dire qu’on est assez nombreux-nombreuses… Une fois que nous sommes dehors, ils peuvent refaire entrer toute personne semblant avoir plus de 40 ans, en nous laissant à la porte. Nous discutons avec les gens qui sont restés dehors, distribuons les lettres ouvertes, rencontrons des sympathies…
Une banderole en faveur des squats est tendue en haut des escaliers et rapidement arrachée par les flics. Mais le conseil municipal se déroule tranquillement de l’autre côté du mur… Nous ne supportons plus ce cordon de municipaux blasés qui refusent de nous faire entrer, ni l’air suffisant des petits chefs à cravate qui leur chuchotent des ordres. Une partie de touche-touche est alors organisée, et pendant ce temps, certain-es commencent à taper à coups de poing et de pieds sur le mur qui nous sépare de la salle en criant « non aux expulsions ». La flicaille tente de les déloger mais la plupart des personnes présentes font rempart en se groupant autour et en les empêchant de passer. Puis, on nous dit « la police nationale arrive et c’est un autre langage… ». Effectivement, matraques et boucliers en avant, ils viennent nous déloger. Nous nous accrochons les un-es aux autres et ils nous poussent vers la sortie, nous sortons tant bien que mal. Puis, nous nous dispersons. Personne n’a été arrêté, le conseil a été perturbé.

Le Dauphiné Libéré a écrit un p’tit article sur cet « événement », s’apitoyant sur les difficultés des gentils SDF que les méchant-es squatteur-euses s’obstinent à faire dormir dehors (c’est bien connu…). Grenews a également fait un récit du conseil municipal agité:
http://www.grenews.com/actu/politique/11-millions…-et-une-trentaine-de-squatteurs.html

Ce même lundi, un huissier est passé au Caddie Yack remettre une assignation pour un procès en « référé d’heure à heure », procédure accélérée permettant au proprio d’exiger une expulsion ultra-rapide, pour deux jours plus tard, mercredi 19 novembre !

Le procès s’est donc tenu aujourd’hui, enfin, tenu, pas vraiment, c’était un peu n’importe quoi, mais c’est devenu une habitude sur Grenoble ces derniers mois: que ce soit avec la police et la préfecture, avec les propriétaires (publics ou privés) ou avec la Justice (avec un grand J s’il vous plaît), tout ce beau monde très institutionnel, légaliste et dominant agit au mépris total de leurs propres lois… y compris les juges, ce qui est quand même assez drôle (sauf que ce qui est moins drôle, c’est que dans toutes ces histoires y’a un bon paquet de gens qui sont en galère de logements).

Donc pour ce matin, le collectif du Caddie Yack avait appelé une fois encore à un rassemblement de soutien:
http://squat.net/fr/news/grenoble181108.html

Une quarantaine de personnes sont venues, installant une banderole du Caddie-Yack dans l’entrée extérieure du tribunal, ainsi que quelques victuailles pour le petit déjeuner.

Maître Girault, qui défendait le Caddie-Yack, a fait savoir au juge Grossier, heu, pardon, au juge Brossier, qu’on ne lui avait remis l’assignation au procès que lundi, c’est-à-dire moins de 48 heures auparavant, et que pour cette raison il demandait un report. En toute logique, le juge Brossier aurait dû accepter, mais il a dodeliné de la tête (dans un autre style que celui de maître Sarko, avouons-le) en déclarant « ha non, l’audience aura bien lieu… maintenant ! ». Maître Girault n’a pas cédé et a refusé de plaider dans de telles conditions, promettant au juge Brossier qu’il ferait appel (affaire à suivre, donc). La salle s’est alors vidée d’un seul coup, l’avocat et toutes les personnes venues en solidarité avec le Caddie Yack (ainsi que les flics en uniforme et en civil venus surveiller ces horribles anarchistes) sont parti-es, certain-es en criant « c’est un scandale », « c’est n’importe quoi », etc.

Dans l’après-midi, le verdict est tombé tel un couperet, comme disent les journaleux, puisque la décision est digne du juge Brossier: expulsion immédiate ! Celles et ceux qui ne sont pas content-es peuvent aller se brosser (pardon).

Quoi qu’il en soit, le Caddie Yack est toujours occupé, et les activités continuent (jeudi soir, plutôt que de goûter au Beaujolais Nouveau, venez faire la fête au Caddie Yack !).

Grenoble, 19 novembre 2008
signé Michel Destroy

Post-scriptum: Suite à un article du Dauphiné Libéré sur la réoccupation du 38 rue Pascal, paru dans l’édition du 7 novembre, le collectif d’occupation du Caddie Yack a souhaité faire valoir un « droit de réponse » et a fait parvenir le texte suivant au Dauphiné Libéré. Texte qui n’aura finalement jamais été publié dans notre cher journal local:
http://grenoble.indymedia.org/index.php?page=article&id=8017

Bref récapitulatif de l’histoire du Caddie Yack:

– Première ouverture-expulsion (octobre 2008)
http://squat.net/fr/news/grenoble221008.html
http://squat.net/fr/news/grenoble241008.html

– Réoccupation (novembre 2008)
http://squat.net/fr/news/grenoble_a061108.html
http://squat.net/fr/news/grenoble071108.html
http://squat.net/fr/news/grenoble111108.html