Cévennes: Récit de la journée du mercredi 22 avril 2009

Texte trouvé sur Indymedia-Grenoble.

On peut aussi y télécharger le texte (avec photos !) au format pdf pour pouvoir l’imprimer, le reproduire et le diffuser partout…


Récit de la journée du mercredi 22 avril 2009 par quelques usagers de La Borie

Nous avons participé à la manifestation de colère de mercredi. Nous proposons un récit un peu étoffé de cette journée à St Jean-du-Gard. Nous recroisons ici plusieurs témoignages…

En début de matinée, vers 9 heures, le mot commence à tourner que le maire de St Jean-du-Gard, dans un coup de vice et de provocation, accompagné de la police municipale et des gendarmes, est en train de démonter la yourte installée sur le terrain collectif de La Borie depuis plusieurs mois. Nous nous dépêchons de gagner l’ancien éco-site pour aller voir ce qu’ils fabriquent. En effet, en tant qu’usagers de la Borie et de sa yourte, nous voulons demander des explications et empêcher son démontage. Mais nous arrivons trop tard, la yourte est entièrement démontée et chargée dans des camions de la mairie qui reprennent le chemin de St Jean. Nous sommes assez surpris de voir un certain nombre de conseillers municipaux (parmi lesquels nous reconnaissons Jean-Jacques Lafont, Jacqueline Dumas, Jean-Pierre Broquin, Christian Lauret, Marie-Paule Nimper…) participer activement avec leur maire, Michel Anthérieu, au démontage. Les cartons nécessaires à l’isolation de la yourte sont brûlés par ces derniers. Nous apprenons par l’un des habitants du lieu, qu’un conseiller municipal prend un malin plaisir à bousculer son amie qui s’oppose au démontage de la yourte, tout en le menaçant directement devant les gendarmes de lui casser la gueule. Deux des habitants, agriculteurs, ont, depuis 4 ans, une promesse de bail de la commune propriétaire des lieux, et, devant leurs demandes à la mairie de régularisation de la situation, ils essuient déni, mépris et foutage de gueule de l’équipe municipale. Et une troisième personne y habite depuis 17 ans la maison des tilleuls. Des « squatteurs » selon le maire dans Le Midi Libre du 23 avril. Et, outre le cas de ces deux agriculteurs, un certain nombre de personnes revendiquent l’importance du fait que la Borie doit rester un lieu collectif, un peu comme les communaux d’il y a quelques décennies. Un lieu commun, où chacun est libre de venir cultiver, glaner, se reposer et profiter de la rivière, camper, ou encore proposer gratuitement des activités collectives comme des ateliers de savoirs-faire, un ciné-club, des discussions. Un lieu où chacun peut mettre en place ce qu’il souhaite, en opposition à tous les lieux où il faut payer pour discuter, s’organiser ensemble et s’entraider pour moins subir la misère… Rien de bien sorcier en fait. La mairie, dans le cadre de la communauté d’agglo du Grand Alès et en partenariat avec le douteux Max Roustan, souhaite au contraire rentabiliser cet endroit. Le dernier projet était de promouvoir l’éco-tourisme en y implantant une « pépinière d’entreprises vertes », c’est-à-dire parachever le grand zoo à ciel ouvert que deviennent les Cévennes : un paradis pour touristes où chacun d’entre-nous devra faire l’autochtone plus ou moins folklorique, entre « authentique petit village de Provence où l’on boit le pastis » et « pays des babacools écolos »… autant de stéréotypes stériles… Et l’alibi qu’ils serviront, pour nous faire avaler la pilule, est la création d’un emploi et demi à tiers-temps : super !

Revenons à cette journée du 22 avril. Écoeurés et en colère, un certain nombre d’usagers de La Borie décide d’aller à la mairie pour demander des comptes à l’équipe municipale et exiger qu’ils rendent la yourte. Les premiers arrivés découvrent la fine équipe en train de boire un apéro arrosé pour fêter leur « victoire ». Se faisant bousculer par quelques conseillers municipaux, la colère prend effectivement ceux et celles qui arrivent de La Borie : trop de mépris, trop de mauvais coups, ça s’énerve. L’apéro est renversé et la table valdingue également. Les sarcasmes fusent des deux côtés, mais chacun se retient et il n’y a pas de coups échangés. Refusant de donner toute explication, Anthérieu appelle les gendarmes et pendant ce temps-là quelques-uns ferment les accès avec des chaises et des tables pour que les bleus ne pas puissent rentrer facilement. Quelques inscriptions rageuses sont laissées sur les murs : « Yourte démontée, mairie occupée », « Nique le P.L.U. » (Plan Local d’Urbanisme), « Démonteur de yourte, on t’aura ! » Dans le feu de l’action la fameuse Marianne tombe et se brise. Une statue de plâtre qui fera couler beaucoup d’encre. La symbolique Marianne dont beaucoup oublie qu’elle n’a pour seule fonction de faire avaler les couleuvres : nouvelles lois quasi-quotidiennes, amendes, huissiers, enfermements, tabassages, radiations du rmi, licenciements, nouvelles normes contre les habitats précaires et les expulsions qui s’en suivent, etc…, alors que tout le monde a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts… On ne s’étonnera pas que Michel Anthérieu use dans les dépêches et articles/reportages, qui suivirent ce jour de colère, de toute la rhétorique politicienne très prisée en ce moment à droite comme à gauche. « Une horde de sauvages a commencé à tout casser », « la mairie saccagée » (Midi Libre, 22 avril), « une quinzaine de membres du personnels ont été molestés », « la population est choquée de voir des symboles forts de la République détruits » (AFP, 21 avril). Ce ne sont que mensonges ! Effectivement, sous le coup de la colère, ça a été virulent, ça a gueulé, ça a un peu paniqué et certains employés de la mairie, pris de surprise, ont pu avoir un peu peur au début, mais ils en plaisantaient peu après. Juste un gros ras-le-bol comme il y en a beaucoup en ce moment…

Les bleus parviennent à rentrer à trois ou quatre par un balcon sur le côté et décident d’évacuer la quinzaine de personnes encore à l’intérieur : violente charge (une conseillère municipale sera tapée par erreur !), lacrymogènes, coups de tonfas, coups de pieds… Ils parviennent à arrêter 3 personnes, dont une qui sera emmenée à l’hôpital d’Alès par les pompiers pour un bon coup de matraque dans les côtes. Une ou deux autres personnes se souviendront des coups qu’elles se sont reçues sur la tête. Les gendarmes se barricadent à l’intérieur et attachent leur trois prisonniers avec leurs menottes à la rambarde de l’escalier. A l’extérieur, les manifestants bloquent la rue, crient des slogans tels que « La Borie : collectif ! » et discutent. Il faudra noter que tout le monde décernera unanimement la palme de la personne la plus servile à un conseiller municipal dont nous tairont le nom : celui-ci passera deux bonnes heures à prendre des photos en gros plans des personnes présentes et à désigner aux gendarmes toutes les personnes à arrêter. Personne n’oubliera cette vraie balance ! Alors que les gendarmes empêchent quiconque de sortir, quelques maris d’employées de mairie arrivent furax et prennent à partie les utilisateurs de La Borie qui séquestreraient leur femmes ! Des discussions s’engagent. De manière positive souvent. Mais parfois plus difficilement avec certains habitants de St Jean qui ne comprennent pas toujours le ras-le-bol et la colère qui s’expriment. On préfère souvent un repli individuel sur ses petits problèmes : un grand nombre d’entre-nous savons qu’il est de plus en plus difficile de survivre dignement jour après jour. Salariés, intérimaires, chômeurs, jeunes de moins de 25 ans, étudiants, apprentis, retraités, chacun sait que les temps sont durs et approuvent les actions « musclées » condamnées par le gouvernement (séquestrations de patrons, blocages d’usines ou de routes…) C’est pourquoi il semble aberrant d’attendre chacun dans son coin pour se faire bouffer chacun à une sauce un peu différente. Il faut réussir à dépasser nos pseudos différences de conditions ou de cultures…

Le dénouement arrive une heure ou deux après. Les gendarmes se détendent : on apprendra peu après que le préfet ne les suit pas sur leur action et leur ordonne d’engager au plus vite des négociations. Autre fait important, à ce moment-là, se confirme le fait que le maire et une partie du conseil municipal ont pris la décision du démontage de la yourte sans même en parler aux autres adjoints : ça sent l’embrouille au prochain conseil ! Trois personnes, dont l’ancien adjoint au maire énervé par le coup de force d’Anthérieu, sont autorisées à rentrer dans la mairie pour discuter du dénouement de l’« événement » de la décennie à St Jean-du-Gard : les trois personnes arrêtées sont libérées, et la yourte est rendue à ses utilisateurs avec interdiction de la remonter avant d’hypothétiques négociations. Habitués aux oreilles sourdes et aux rendez-vous foireux, il est décidé qu’elle sera remontée samedi 25 à partir de 10 heures avec celles et ceux qui veulent. Par voie de presse, la mairie annonce qu’elle engage des poursuites pour dégradations et violences…

Nous espérons seulement que cette tentative de proposer un récit collant un peu plus à la réalité de ce qu’il s’est passé, suffira à nous sortir tous de la torpeur. À stopper les « raccourcis » volontaires du maire dans la presse et les rumeurs enflammées qui courent toujours plus vite que le souci d’une analyse réfléchie des « événements ». Et à rediscuter de tout cela de manière plus confiante et détendue… Gageons enfin qu’un réel plus grand nombre d’habitants du coin se rapproprieront librement l’espace collectif de La Borie. Car si ce faux projet de la mairie et de la communauté d’agglo échoue, ce sera une victoire pour tous. Une victoire qui appellera les suivantes…

Quelques usagers de La Borie