Mardi 28 août 2012, à la demande des ministères concernés, le préfet de la Haute Garonne a fait procéder à 6h du matin à l’expulsion du bâtiment appartenant à l’État (AFPA) occupé par le CREA depuis avril 2011. Ce bâtiment accueillait de nombreuses familles en attente de solutions d’hébergement ou de logement.
Dès 6h du matin, une centaine de gendarmes et policiers ont bloqué le quartier pour pénétrer dans le bâtiment afin d’en chasser ses habitants, dont certains s’étaient réfugiés sur le toit. Arrestations violentes, coups de tazer (5 fois sur une même personne !), destruction de l’intérieur du bâtiment, ils n’ont pas chômé !
Trois des résidents ont été emmenés en garde à vue, inculpés d’outrage et rébellion, refus d’empreinte et violence sur agents, quand la violence était clairement du fait de la police. Les personnes venues en soutient ont été matraquées, plusieurs d’entre elles blessées.
Les 40 personnes, dont une quinzaine d’enfants, qui vivaient depuis plus d’un an au CREA ont été remises à la rue par l’État. Elles ont trouvé une solution temporaire d’hébergement auprès des militants mobilisés. Ces personnes vivaient encore au CREA jusqu’au matin de l’expulsion, même si celles-ci ont pu s’échapper à temps et ainsi protéger les enfants de la violence policière et psychologique.
La préfecture a justifié l’expulsion d’un lieu de vie reconnu, par divers arguments fallacieux. Ces derniers ayant été repris dans une dépêche AFP puis par de nombreux médias, nous exerçons ce jour notre droit de réponse.
L’État expulse 40 personnes qui avaient trouvé un lieu de vie pérenne. Pour donner le change, il annonce vouloir créer un centre d’hébergement, impersonnel, à horaires limités, exclusivement pour la période hivernale, et ce dès cet hiver. Les demandes répétées du CREA et de plusieurs médias n’ont reçues aucune réponse et aucun élément n’a été fourni par la préfecture pour justifier de la réalité du projet : aucun appel d’offre public et aucune information transmise aux professionnel-les concerné-es par l’hébergement d’urgence. Nous ne sommes pas dupes, on ne rénove pas un bâtiment, qui plus est ravagé par la police, en seulement 3 mois.
Contrairement aux affirmations de la préfecture, les habitant-es n’ont non seulement pas refusé « les propositions de contact » mais ils et elles ont à travers de très nombreux courriers et appels téléphoniques contacté la préfecture, le ministère des affaires sociales et le ministère du logement afin de trouver des solutions viables et concrètes pour les familles.
Il semble nécessaire de préciser que chaque famille présente sur ce lieu de vie a toujours bénéficié « d’un suivi social qualifié » assuré par des professionnels, lors des permanences hebdomadaires au CREA et régulièrement par divers services sociaux.
Partout en France, nous constatons que l’État ne respecte pas la loi MOLLE qui lui impose d’héberger de manière inconditionnelle tous les sans-abris qui le demandent. Prétendre que « le suivi par des travailleurs sociaux aurait également pu permettre le relogement de chacune des personnes » est donc une manipulation mensongère et cynique, alors que l’État préfère investir dans la surveillance, la « sécurité », etc.
La préfecture se gargarise de l’offre de places disponibles tout au long de l’année pour les sans abris et des moyens financiers débloqués par l’État, mais la réalité est toute autre. En effet, 80% des demandes d’hébergement sur le 115 obtiennent une réponse négative et aucun des foyers fermés sous l’ancien gouvernement n’a été ouvert depuis. Bon nombre de demandes DAHO et DALO n’aboutissent pas. La préfecture reconnaît clairement que, ne pouvant assumer sa mission d’hébergement en période hivernale, elle doit compter sur l’aide de la Mairie qui réquisitionne chaque hiver des gymnases ouverts seulement de 20h à 7h.
Par l’entraide et l’autogestion, sans aucune subvention, le CREA a accueilli 40 personnes sur une période d’un an et demi. Pour l’équivalent, l’État aurait fait dépenser 750’000 euros à la collectivité.
D’un bâtiment vide, le CREA avait su faire un bâtiment vivant, un centre social autogéré avec des activités, des ateliers, une piscine, un lieu de rencontres, de concerts, un lieu d’organisation, de solidarité et d’entraide. Dans cet espace libéré, on s’amusait, on se cultivait, bref on vivait.
Dès l’expulsion du CREA de nombreuses manifestations de soutien et de protestation ont eu lieu spontanément (rassemblement dans l’après-midi, blocage du trafic, manif nocturne, tags).
Elles continueront.
Réquisition, entraide, autogestion !
Tout pour tou-te-s, Pouvoir au peuple !
Non à toutes les expulsions : sans-papiers, campements Roms, expulsions locatives, squats, rénovation urbaine.
Le CREA et des membres de la campagne Zéro personne à la rue, 29 août 2012.
Communiqué du 260 sur l’expulsion du CREA
[Paris, 28 août 2012]
La gueule du changement !
On s’en doutait. On en a la confirmation. Le changement de Hollande, il a la gueule du flic qui vient t’expulser à 6h du matin, avec son
flashball et sa sale tronche, celui qui te fout des coups de matraque pendant que tu ramasses tes affaires.
Le changement, c’est d’avoir expulsé plus de squats de mal-logés, de demandeurs d’asile, de Rroms en un été que Sarkozy en cinq ans. C’est des milliers de personnes à la rue, tandis que les expulsions locatives continuent et s’accélèrent.
Le changement, c’est de mettre plus de gens dans la merde au nom d’une «politique réaliste».
Ce matin du 28 août 2012, le bâtiment principal du CREA [Collectif pour la Réquisition, l’Entraide et l’Autogestion], à Toulouse, a été expulsé. À 6h du matin. Là-bas, depuis 1 an et demi, 40 personnes et 15 enfants y vivaient. Le lieu était devenu un centre social, avec des cours, des projections, des discussions, des espaces de jeu pour les enfants, des permanences logement ou juridique.
C’était aussi le point de départ d’une campagne de réquisition des logements vides, pendant la période de grand froid, qui a permis de loger plusieurs centaines de personnes alors que le 115 affirmait son incapacité à loger les gens à la rue, par -15°C.
C’était surtout un lieu où celles et ceux qui n’ont rien, qui se font exploiter au quotidien, à leur boulot ou à Pôle emploi, par l’administration, la préfecture, la mairie, avaient enfin un espace pour décider et agir, pour ne plus se laisser faire.
Début juin, les futurs habitants du 260 rue des Pyrénées et des collectifs de mal-logés et de précaires interpellaient la ministre du
logement Cécile Duflot, lors de son dernier meeting de campagne. Celle-ci nous a répondu «Pour le CREA, ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas d’expulsion sans solution de relogement». Grand sourire. Cécile Duflot ne fait pas de la politique «autrement». Mais comme les autres. Elle ment comme une arracheuse de dents.
Aucune proposition crédible ne leur a été faite.
Nous, au 260, sommes dans une situation semblable au CREA, menacés par les pouvoirs publics, la mairie et un bailleur qui a la gueule du changement. Des promesses du ministère, et des coups dans le dos.
Nous exprimons notre solidarité au CREA, aux personnes arrêtées, aux familles expulsées, à toutes celles et ceux qui termineront leur été dehors, ou en centre de rétention.
Nous appelons tous les collectifs auto-organisés de mal-logés, de précaires, de sans-papiers, les expulsés de cet été, tous les enragés sociaux, à préparer la rentrée avec détermination. Que l’on se mette en contact, comme ce qui s’est déjà fait entre nous, le CREA, les collectifs de Nantes, de Rouen, de Dijon et d’ailleurs, pour contre-attaquer, pour occuper quelques uns des 2 millions de logements vides.
Le gouvernement veut cautionner le racket immobilier, il nous trouvera sur sa route.
Les habitant-e-s du 260 et leurs ami-e-s
– Un autre récit de l’expulsion
– Deux articles du Carré d’Info: [28 août] [30 août]
– Compil de textes sur le Jura libertaire
Et là, le site du CREA !
Pour rappel, quelques photos prises en juillet 2012 dans et autour du CSA/CREA du 70 allée des Demoiselles: