Dijon: Expulsion ordinaire

Depuis plus d’un an maintenant, nos vies sont marquées par celles de migrant-e-s avec qui nous ouvrons des maisons vides, la faute à un désengagement de l’Etat de plus en plus fort en ce qui concerne les qualités d’hébergement des demandes d’asile.

Hier lundi, une nouvelle ouverture était officialisée, après deux jours tapis dans l’ombre d’un immeuble désaffecté. Nous pensions appliquer à la lettre le discours gouvernemental établi par l’intermédiaire de son ministère du logement, invitant à réquisitionner les bâtiments vides pour y loger celles et ceux qui dormaient à la rue.

Rendez-vous était donné avec les familles à la rue autour de 15h, pour les aider à déménager leurs affaires à l’intérieur du nouveau bâtiment, situé au 12 rue de la Grande Fin, à Fontaine-les-Dijon. Un immeuble vide depuis quelques semaines, dont nous apprenons au fil de la discussion qu’il appartient au Grand Dijon, et qu’il est laissé à la disposition de la caserne de pompier avoisinante jusqu’au 31 décembre. Un pompier nous avoue qu’il est laissé sans habitants depuis plusieurs semaines. L’eau et l’electricité ne sont pas coupées, le chauffage tourne, les lieux n’attendent plus que de nouveaux occupants… Les deux bâtiments mitoyens sont encore, eux, très partiellement utilisés – deux chambres, sur la vingtaine disponibles des 8 appartements – par les pompiers. Une banderole (“Réquisition, on passe à l’action”) est aposée sur le toit de l’immeuble.

Quelques pompiers viennent d’ailleurs discuter, avec courtoisie, comprenant la démarche mais craignant des réactions hostiles de la part de leur hiérarchie. Nous convenons d’un accord plus ou moins tacite qui consiste à n’occuper qu’un seul des trois bâtiments en question, histoire de ne pas empiéter sur leur petite organisation. Une fois de plus, nous pensons avoir affaire à des gens raisonnables. Bref, tout se passait bien, jusqu’à l’arrivée du chef. Lieutenant-colonel adjoint de brigade, s’il vous plaît.

Il tente d’abord de rentrer sournoisement. Puis il s’énerve, lâche quelques quolibets, et prévient qu’il va porter plainte. Soit. La loi ne l’autorise pas vraiment à intervenir, le domicile étant occupé depuis plus de 48h, ce que nous lui signifions. Il n’est par ailleurs pas propriétaire du bâtiment et ne peut donc lancer aucune action visant l’expulison. Nous lui expliquons la démarche qu’il doit suivre, c’est-à-dire demander la venue d’un huissier qui doit constater l’occupation, puis lancer une procédure judiciaire. Mais visiblement, l’homme a quelques contacts.

Nous patientons. Quelques policiers patibulaires en civil débarquent, tentent d’obtenir quelques informations de façon bien maladroite et repèrent les accès. Puis c’est le défilé. Une, deux, trois, puis on ne sait plus trop combien de voitures de police débarquent. Sortent leurs boucliers, leurs gazeuses. Deux policiers s’avancent devant les autres, nous signifient qu’une ordonnance du procureur nous somme de partir, basée sur de prétendues dégradations – les seules qu’ils pourront constater seront de leur fait, notamment la porte d’entrée arrachée au pied de biche par leurs soins. Nous expliquons calmement que ce n’est pas possible, que nous ne partirons pas, que nous avons une preuve que nous sommes là depuis 48h, que nous partons la chercher. Que nenni, ils s’en moquent éperdument et foncent dans le tas.

François Perrault, le Directeur Départemental de la Sécurité Publique vantera devant les caméras de France 3 que tout s’est passé sans violence, et que le dispositif impressionnant (plus de 50 policiers nationaux, des civils, et la BAC venue donner quelques coups de genoux gratuits dans la mêlée bien ciblés sur les migrant-e-s) est là pour que tout se passe tranquillement. Nous passerons sur les coups que nous avons pu recevoir au milieu de cette brève opération : ils vont de pair avec le port de l’uniforme. Mais, quel cynisme peut prétendre que tout va bien et qu’il n’y a aucune violence, juste après avoir foutu une trentaine de personnes à la rue en plein hiver ? Le sieur n’en est pas à son premier coup d’essai, après avoir mené les expulsions illégales de rroms cet été et l’été précédent. Il faudra revenir plus fort-e-s, et plus nombreux-ses, la prochaine fois, pour les empêcher de dérouler leur routine habituelle. Car si cette expulsion, en soi, est une action illégale au vu de la loi, elle n’est que le triste commun qui défile depuis plusieurs années par ici. Et qu’il va falloir enrayer au plus vite en amplifiant le rapport de force politique dans cette lutte.


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Publié sur Brassicanigra