En décembre 2012, une brochure est sortie au sujet de la lutte contre les sfratti à Turin.
Les sfratti, c’est quoi ?
Sfratto (sfratti au pluriel): c’est une expulsion de logement, suite à un impayé de loyer ou de prêt.
En gros, cette brochure est une compilation de textes parmi lesquels se trouvent aussi bien des récits subjectifs (permettant de comprendre les pratiques de lutte qui ont cours depuis deux ans à Turin) que des réflexions plus théoriques notamment sur les perspectives de ces luttes.
La brochure en question, téléchargeable en PDF et lisible sur l’écran, se trouve sur infokiosques.net.
Le 19 janvier dernier, une manifestation a eu lieu dans les rues de Turin, contre les sfratti. Le texte ci-dessous, traduit de l’italien, publié initialement sur Macerie, revient sur cette journée.
– Basta sfratti!
Samedi après-midi, un cortège de 300 personnes a traversé Barrierra di Milano, Aurora, Borgo dora et Porta Palazzo pour manifester contre les sfratti. Deux poubelles en tête, symbole des barricades qui défendent les piquets contre la police, et une grande banderole avec un message clair: «basta sfratti». Un slogan qui, pour la manifestation, est plus un état de fait qu’une revendication. Derrière une camionnette à 3 roues, un cortège coloré et joyeux, composé d’occupants de maisons, sfrattandi qui résistent, compagnons, solidaires, et personnes ayant rejoint le cortège durant le parcours. Entre les tracts en italien et en arabe, les interventions au micro et les slogans comme «sfratto après sfratto, la rage augmente, la maison se prend, le loyer ne se paye pas», «propriétaires de maison et patrons de l’énergie, les pauvres énervés vous dégageront», «serruriers et huissiers: larbins des banques, des flics et des propriétaires!», «pour chaque sfratto une barricade, pour chaque expulsion une maison occupée», la manifestation a communiqué les raisons de la résistance aux sfratti, sa force, et désigné ses ennemis. A la fin de la manif’ beaucoup de satisfaction et la certitude que la lutte contre les sfratti est encore un peu plus forte. Et entre sourires, enlacements, blagues et bisous, on entendait dire qu’il fallait se reposer quelques jours en vue du réveil à l’aube de mardi prochain, être prêts à prendre un café à emporter en écoutant Radio Blackout pour savoir à quel piquet aller.
Pour celles et ceux qui comprennent l’italien, voici du son pris pendant la manif: [ 1 | 2 | 3 ]
Comme chaque mois à Turin, une vague d’expulsions était annoncée par la préfecture. Le texte suivant, publié en italien sur Macerie le 22 janvier, revient sur cette journée de lutte.
– Sfratti zéro !
Mardi 22 janvier: au moins 12 sfratti le même jour, neuf piquets avec barricades, neuf reports conquis par la lutte. Premier «3e mardi du mois» de l’année (même si aujourd’hui c’était le quatrième, ça change peu) où la stratégie de la préfecture de concentrer les sfratti à la même date semble plutôt accumuler… les reports. Une belle et vraie saga de la barricade diffuse dans la ville, avec des barrages de poubelles de San Donato à Borgo Vittoria (via Bongiovanni), d’Aurora (via Gerdil) à Barriera (via Palestine, via Palestrina, via Feletto, via Elvo, via Soana et via Sesia) jusqu’au Municipio (piazza Palazzo di Cita). A aucun de ces endroits, la police n’intervient. Dans la plupart des cas, elle ne se fait même pas voir. Partout des reports de 1 à 5 mois – tous comme vous l’imaginez renvoyés à un 3e mardi du mois – et l’on raconte qu’à Barriera, dans au moins deux sfratti où il n’y avait même pas de piquets, la police a accompagné l’huissier jusqu’au portail pour… concéder un report.
Il semble que l’ordre de la préf’ soit seulement : «ne pas expulser, je répète, ne pas expulser». Certainement pas pour les aspirations démocratiques d’un président de circonscription hystérique qui souhaiterait voir agir la préf’ d’une main de fer dans un gant de velours. La préf’ concède des reports non par charité mais par peur ; mais ce n’est pas de la peur d’une minorité «d’anarcho-insurrectionalistes turinois» ou de leurs compagnons d’autres villes qu’il s’agit, mais de celle d’une «violence latente» que les chefs réunis au sommet pour parler de sécurité prennent évidemment en compte ; cette peur qu’à la première occasion propice explose la rage sociale enfouie sous des décennies de coups assénés par les puissants, avec rigueur et austérité, sur la tête des exploités.
Ça semble donc être une question de rapport de force, mais pas de banale force musculaire. Des moyens et des hommes, la préf’ en a à revendre, et aujourd’hui aux piquets antisfratto on a vu rouler plusieurs blindés chargés de CRS. Ils auraient pu au moins essayer d’exécuter les sfratti sans piquets comme ils ont pu le faire dans le passé mais là aussi ils ont choisi de ne pas attaquer. Ils ont préféré concéder des reports à tous, en faisant bien attention de les programmer un nouveau «troisième mardi du mois».
Et pendant qu’on reprend son souffle en se préparant aux prochains piquets et aux prochaines grandes journées de lutte, il y a peut-être le temps de se poser quelques questions. Comment le prennent les propriétaires, vu que leurs «syndicats» semblent se taire mais travaillent certainement dans l’ombre ? Et que fera la préf’, car elle ne peut pas continuer à concéder des reports les uns après les autres ?
Ils étudient probablement le terrain, attendant que les premières chaleurs du printemps libèrent des places dans les foyers, vu que par le passé ils avaient déjà offert cette solution à ceux qui avaient été expulsés.
Peut-être attendent-ils que commencent les attributions d’HLM, et espèrent glaner une allocation en raclant les fonds publics dans le rouge, naturellement. Juste pour avoir une aumône à offrir lorsque sera venu le moment d’utiliser véritablement les matraques. Mais pour le moment la résistance aux sfratti s’offre une autre petite victoire, et peut gaiement réaffirmer que pour les propriétaires à Turin – au moins dans quelques quartiers – il est devenu difficile d’expulser.
Enfin, le 25 janvier 2013, le communiqué ci-dessous est publié en italien sur Macerie.
– Paroles aux murs
«Feu au banques», «entre par-là, exploiteur», «les banques expulsent», «si Monti nous coupe les vivres, nous les reprendrons», «volons les patrons».
25 janvier. Dans la nuit, une trentaine de personnes cagoulées ont parcouru quelques rues de Barriera di Milano. Le petit cortège laisse derrière lui beaucoup de tags contre les banques, les propriétaires, l’Etat et les flics. Au moins deux agences bancaires (…) ont vu leurs caméras de vidéosurveillance et leurs DAB endommagés, et le futur commissariat de via Banfo s’est vu recouvert de tags.
À suivre.