1983 – 2013 : 30 ANS
En mai 1983, des hurluberlus ouvraient au pied-de-biche les bâtiments situés au 102 rue d’Alembert. Trente ans plus tard, après avoir connu trois maires de Grenoble, survécu à trois procès et vu se faire détruire une bonne centaine d’autres squats, le 102 est toujours là, sur les mêmes principes d’autogestion, de bénévolat, de refus de subventions et sur l’envie de faire découvrir autre chose, autrement.
Autre chose. Le travail de recherche qui a lieu au 102 se concentre sur des formes artistiques et politiques marginales, ou plutôt marginalisées. Musique improvisée ou électroacoustique, cinéma expérimental ou documentaire, poésie sonore, formes graphiques DIY, critique sociale, cris de rage ou de désespoir, expérimentations dans la gélatine de la pellicule ou l’émulsion de la sérigraphie : ici on travaille le propos et sa mise en forme. Signe distinctif : une attirance pour le côté ludique et pratique, pour l’expérimentation et les manières de faire.
Autrement. Avec pour seuls carburants la passion des bénévoles et la sueur de la récupe, le 102 rappelle cet idéal libertaire d’autogestion, qu’on pourrait traduire localement par « faire soi-même sans attendre les institutions », comme par « tenter de produire ensemble quelque chose qui nous ressemble » à moins que ce ne soit par « trouver un fonctionnement non-commercial ouvert sur le monde ».
Trente ans plus tard, le 102 est-il devenu la caution « alternative » de la Ville de Grenoble ? Quelle place reste-t-il pour les lieux qui ne rentrent pas dans les cadres de l’institution ? Il faut dire que la pérennité du 102 ne s’est pas faite sans anicroche : trois procès (1983, 1991, 1994), des flics, des huissiers, des discussions, des banderoles, de la concertation. La force du lieu a aussi été de trouver un terrain d’entente avec l’administration, qui a dû (pour une fois) reconnaître le travail effectué sur le lieu. Les institutions apprendront-elles un jour à oublier quelques instants ces formes de vie atypiques, en décalage ou antagonistes avec la norme, en leur laissant une chance d’expérimenter ?
Rendez-vous dans trente ans. En 2043, les soixante ans du 102 seront une sacrée fête. « Soixante ans, soixante semaines » en sera le slogan mégalo. Le lieu programmera du cinéma expérimental (en pellicule) et de la musique improvisée (avec des instruments analogiques, voire acoustiques). La sérigraphie aura été rejointe par la typographie (et les peintures rupestres), et les tentatives de normalisation du lieu auront été vaines. Avec le Pathé Chavant, le 102 restera l’un des deux lieux culturels de Grenoble.
En attendant, deux questions qui nous concernent. Est-on spectateur au 102 comme ailleurs ? Et en miroir : programme-t-on au 102 comme on le fait ailleurs ? Les réponses sont entre nos mains et les vôtres. Nous espérons qu’elles resteront négatives le plus longtemps possible.
Le programme de ce mois de festival dispo ici.