Reportée deux fois par le préfet, l’audience du procès pour voie de fait (*) intenté par les habitants du squat de la route de Saint-Omer à l’encontre de l’État, au titre de l’intervention des forces de police, et de l’OPH (Office Public de l’Habitat) comme propriétaire des lieux, a enfin eu lieu.
L’État et l’OPH se renvoient la balle. Selon le premier, la police n’a fait qu’intervenir dans le cadre de dégradations constatées, perquisition et interpellation des personnes présentes, il n’est à aucun moment question d’expulsion, ce n’est pas la faute de l’État si ces personnes n’ont pas pu être regagner leur domicile ensuite, celui-ci ayant été fermé.
Qu’importe si les personnes interpelées ont été libérées sans charges, si les habitants de la maison qui se trouvaient à l’extérieur au moment de l’arrivée de la police et qui se sont adressée à celle-ci en déclinant leurs identités et qualités et ont simplement été repoussées sans qu’on ne leur demande rien. Qu’importe le témoignage d’un agent de l’OPH disant que la police leur avait téléphoné pour les prévenir que « l’évacuation » aurait lieu le matin-là. Qu’importe que les policiers soient restés sur les lieux après que les habitants aient été emmenés, qu’ils aient fait alors une sorte de « perquisition » (mais une perquisition se fait en présence des personnes concernées), qu’ils aient surveillé les lieux le temps que l’OPH les ferme.
Côté OPH, attitude sysmétrique. S’il y a eu voie de fait, c’est de la part de l’État, qui a fait sortir les habitants. Comme le lieu était resté ouvert, l’OPH l’a simplement fermé, il n’a rien à voir avec une éventuelle expulsion.
Qu’importe qu’il s’agisse d’un domicile, que l’OPH en bloque l’accès en apposant des plaques de fer sur les portes, que les effets personnels soient restés à l’intérieur, que rendez-vous ait été pris avec la police ce matin-là pour une « évacuation », qu’aucun jugement ne soit intervenu ni même aucune procédure judiciaire entamée.
Me Ruef, l’avocate des habitants, a donc raison de lier l’État et l’OPH dans sa plainte, montrant que c’est en association qu’ils ont commis la voie de fait. Et c’est ce genre de combinaison qui a permis nombre d’expulsions illégales à Calais.
Le jugement est mis en délibéré, et sera rendu public le 16 avril.
(*) Voie de fait : acte exécuté par l’administration et «manifestement insusceptible de se rattacher à l’application d’un texte législatif ou réglementaire» ou «manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’Administration ».
[Publié le 12 mars 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]
Rappel:
Le 10 janvier dernier, la police pénètre dans une maison de la route de Saint-Omer à Calais, et en chasse les habitants. Le propriétaire, l’Office Public de l’Habitat, change les serrures. Les effets personnels des habitants restent à l’intérieur. Il s’agit d’une expulsion sans jugement, le délais de flagrance de 48h est passé et les habitants du lieu en ont montré les preuves à la police et aux représentants de l’OPH. Une expulsion illégale comme il s’en passe des dizaines à Calais.
Mais cette fois les squatteurs ont saisi la justice et poursuivent l’État et la OPH pour voie de fait.
Le préfet a déjà fait reporter le procès deux fois.
La nouvelle audience est prévue demain 12 mars à 9h au tribunal de grande instance de Boulogne/Mer.
[Publié le 11 mars 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]