Calais: Situation juridique des maisons squattées le mois dernier. Calais, ville fantôme (2)

L’huissier est venu constaté l’occupation des trois nouvelles maisons – Rue Massena, rue Auber et rue de Vic – et y a déposé les assignations à comparaitre. La date initiale des procès était très proche de celle des ouvertures. Notre avocate a cependant réussis à obtenir un délai. La prochaine convocation a était fixée au premier Avril, ce qui nous laisse peu de temps. Pour l’instant, nos habitations sont hors de danger. Elles sont habitées, aménagées, réparées par différentes communautés. Nous nous sommes engagé-e-s dans la constitution de dossier pour les défendre.
[Info publiée le 23 mars sur le blog de Calais Migrant Solidarity.]

Calais, ville fantôme, l’expression est bien sûr exagérée. Mais les 10% de logements vides, dont la moitié depuis plus d’un an, comme les bâtiments industriels abandonnés et les terrains vagues laissés par les constructions détruites, marquent le paysage urbain, avec plus ou moins de densité selon les endroits. Logements à louer ou à vendre pendant des mois, maisons murées, usines désertes, friches, façades donnant sur le vide d’un bâtiment détruit parsèment les rues. Si ce n’est pas une ville fantôme, on peut parler des fantômes de la ville, ces lieux qui ont été vivants, où des gens ont vécu, dans lesquels on pourrait parfois vivre encore. Ces témoins d’une part de la crise qui s’étend, d’autre part de la chasse aux exilés qui fait qu’on mure ou qu’on détruit des lieux pour qu’ils ne s’y abritent pas.

2014-03-04_Calais_squat_rue_MassenaLorsque la maire de Calais lance il y a un an sa croisade contre les squats, ce qui se passe dans la ville c’est la multiplication des bâtiments vides, les activités économiques qui s’arrêtent et les gens qui partent parce qu’ils ne trouvent plus de travail et qu’ils ont encore les moyens de partir. Alors un an avant les élections municipales elle lance une diversion, le problème ce ne sont plus les bâtiments vides qui se multiplient et la crise, ce sont les squatteurs, les gens qui sont à la rue et qui cherchent à s’abriter dans ces bâtiments vides.

Ça n’aurait été qu’un tour de passe-passe électoraliste, hélas trop nombreux. Mais ça s’est traduit dans la vie de plusieurs centaines de personnes expulsées et mises à la rue. Et par la main tendue à une extrême-droite violente, jusque-là dans l’ombre, et qui trouve dans un appel à la délation l’occasion de prendre place en pleine lumière. L’une de caractéristiques de la démagogie politique, c’est que l’ardoise est pour les plus pauvres.

Aujourd’hui, promenade dans le quartier des Fontinettes http://www.openstreetmap.org/…

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À l’angle de la rue des Fontinettes et de la rue Denis Papin. Commerce fermé, vitrages neufs au rez-de-chaussée et à l’étage, entrées murées. S’ils ne sont pas tous murés, les commerces vides sont nombreux dans le voisinage.

Calais_impasse_leclerc
Calais_impasse_leclerc
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Impasse Leclercq, une ruelle de 70 ou 80 mètres de longueur donnant dans la rue Fulton. Le 28 février dernier, le collectif Salut ô Toit rend public qu’il y squatte une maison pour revendiquer le droit au logement pour tous. La maison, propriété de la mairie de Calais, est évacuée violemment dans la journée par la police, sans jugement – donc illégalement. Dimanche 2 mars, les habitants réintègrent la maison. Lundi 3 mars, ils en sont à nouveau évacués violemment par la police, toujours sans jugement – donc illégalement. Dans la foulée, toutes les maisons vides de l’impasse et de l’arrière-cours qui y débouche sont murées. C’est le paysage dans lequel doivent vivre les habitants des maisons qui, elles, ne sont pas vides.

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Quelques mètres plus loin, 67 rue Fulton.

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61, rue Van Grutten, les persiennes voilent les plaques de contreplaqué qui ferment les fenêtres du rez-de-chaussée.

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Entre les rues Papin et Van Guitten, une friche commence enfin à se construire. Si on regarde une vue satellite, nous trouvons un élément de datation: en remontant de l’autre côté du boulevard La Fayette, on voit que le chantier des fondations du centre commercial des 4B commence à peine. Le centre commercial a ouvert en 2006. Cette friche qui commence à peine à se construire existe au moins depuis 8 ans. Quelle urgence y a-t-il à murer voire détruire des maisons dans le voisinage, alors que cette friche commence à peine à être utilisée ? Alors qu’il y a des dizaines de milliers de m² vacants sur les deux anciens sites de l’hôpital, sur l’ancien site Noyon-Pagniez, ou que l’ancien site Thélu-université commence à peine à se construire ? Qui va investir sur de telles superficies ? L’urgent est-il de détruire des bâtiments habitables alors que des personnes sont à la rue ?

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La suite de cette friche, entre les rues Denis Papin et du Château d’eau. Sur la parcelle du fond, après ce qui sert de parking, un panneau indique un projet immobilier à l’horizon 2017.

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En face, aux numéros 56 et 58 de la rue du Château d’eau.

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À l’angle des rues du 29 Juillet et Auber, un ancien bâtiment industriel qui se dégrade.

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Au 66 rue Auber, il y a eu à plusieurs reprises dissimulé dans la cour un squat d’exilés érythréens, plusieurs fois évacué. La maison est aujourd’hui occupée par le collectif Salut ô Toit, qui a commencé à la réhabiliter et y accueille quelques exilés, notamment des demandeurs d’asile, que l’État a légalement l’obligation d’accueillir dans des conditions décentes et d’héberger. Les squats sont le plus souvent le symptôme d’un État qui viole ses propres lois.

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Juste à côté, l’ancien foyer Le Toit, laissé à l’abandon, plusieurs fois squatté et évacué sans jugement. Tout un symbole pour un ancien foyer d’hébergement et de réinsertion sociale, propriété de la mairie.

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Au 20 de la rue Caillette, un squat ouvert par des militants du mouvement No Border, qui a accueilli des dizaines d’exilés. Le 6 août 2013, un règlement de compte à coup de couteau y cause la mort d’un homme. La police fait sortir tout le monde, la mairie, propriétaire, mure les accès, le procureur fait apposer des scellés pour les besoins de l’enquête. Un expulsion sans décision judiciaire a eu lieu. Aujourd’hui, les scellés ont disparus, mais la maison est toujours murée, les effets personnels des habitants sont toujours à l’intérieur, les habitants qui sont encore à Calais sont toujours à la rue.

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Le 17 de la rue Caillette. D’autres maisons de la rue sont visiblement abandonnées.

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Le 5 de la rue Auber. Fin de la promenade d’aujourd’hui, dans un Calais où il y a suffisamment de place pour que chacun puisse y trouver la sienne.

[Publié le 20 mars 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]