Deux jours avant la manifestation prévue par l’extrême-droite à Calais, le préfet choisit de détruire le campement des Soudanais, près du chemin du Vivier, aux marges du quartier du Fort Nieulay.
Sureffectif policier, présence du sous-préfet, communication en direction des médias : il s’agit d’une expulsion – spectacle. Le message pour les militants d’extrême-droite est « vous voulez la destruction des squats et des campements, nous le faisons. Le gouvernement fait la politique que vous voulez ». Du côté des contre-manifestants, la réaction ne peut être que la rage, et si cette rage se traduisait par des violences, elle serait aussitôt utilisée contre les militants No Border, les associations et les exilés.
Il y a de grandes chances que l’expulsion soit illégale, c’est-à-dire que la police ait raflé les personnes présentes, puis que la mairie ait détruit les habitations en leur absence, sans qu’aucun jugement d’expulsion n’ait été rendu. Dans le cadre légal, un jugement est signifié aux occupants, avec un délais pour quitter les lieux, et le concours de la force publique n’intervient que s’ils refusent de partir. L’État est d’ailleurs poursuivi en justice pour avoir utilisé cette méthode contre un squat route de Saint-Omer (le jugement, mis en délibéré, sera rendu public le 16 avril).
Il semble que la manifestation de l’extrême-droite soit finalement interdite. Mais une partie des manifestants seront probablement présents à Calais, des contre-manifestants aussi, et quelques dizaines d’exilés ont été jetés à la rue : tous les ingrédients sont en place pour que des violences aient lieu. Et violences il y a, le préfet l’utilisera pour renforcer la présence policière, et les exactions qui l’accompagnent.
Il est bien loin, le temps où l’État se voulait au service du bien public.
Chemin du Vivier. À l’emplacement de ce terrain vague qui sert de dépotoir sauvage se trouvait une fermette abandonnée. Elle a été squattée par des Africains de l’est jusqu’à son évacuation le 12 septembre 2012, suivie de sa destruction.
Juste à côté, un groupe d’Africains de l’est s’installent le 8 juin 2013, après l’évacuation d’un squat rue des Salines. Ils avaient appelé leur campement « Hôtel Africa ». Ils en ont été expulsés le 8 juillet, et le campement avait été détruite dans la foulée. Sans jugement : les habitants ont été arrêtés pour occupation illégale, placés en garde-à-vue, affaire classée sans suite, quand ils sont rentrés, le campement avait été rasé.
Dissimulée à l’intérieur de ce buisson, une cabane de l’Hôtel Africa était seulement endommagée. Elle a pu être réparée. Elle a été détruite lors d’une des destructions du campement qui s’est reconstitué aux alentours, disséminé dans les buissons.
L’emplacement de la cuisine, détruite ce matin. C’est la cabane où les habitants se retrouvaient autour du feu, préparaient leur repas, buvaient le thé.
Les traces de la pelleteuse nous mènent vers les autres destructions.
Au fil des destructions, les cabanes s’étaient dispersées à l’abri des buissons.
Sur la dalle de béton, c’est la trace des griffes de la pelleteuse qui marque l’emplacement d’une habitation.
Traces de la vie quotidienne : brosses à dent, gobelet, carte téléphonique, rasoir…
Un habitant qui apprenait le français.
[Publié le 11 april 2014 sur le blog Passeurs d’hospitalités]