Paris: retour sur l’expérience de la Cantine des Pyrénées

Lundi 11 août 2014, la Cantine des Pyrénées a été expulsée du bâtiment qu’elle occupait depuis décembre 2012, au 331 rue des Pyrénées dans le 20e arrondissement à Paris. Toutes les tentatives de pérennisation du lieu ont échoué. Nous étions expulsables depuis le 6 septembre 2013, c’est désormais chose faite : les repas accessibles à tous, les cours de français, les permanences d’entraide et la volonté de solidarité sont maintenant à la rue avec les six habitants qui ne se sont vus proposer aucune solution.

Depuis un an et demi, le collectif de la cantine des Pyrénées essayait de mettre en place un espace de solidarité de classe. Il s’agissait de faire de ce lieu un endroit de rencontre et d’échange pour que toute personne en galère, précaire, sans-papiers, mal-logée ou simplement intéressée puisse participer et s’y organiser. Une trentaine de personnes en avait les clefs, et plus de cent personnes se sont relayées pour y cuisiner.

Parmi les actions initiées par la cantine : La création d’un collectif de Mal-Logés révoltés contre les problèmes de logement. On pouvait aussi y recevoir ou y donner des cours de français sans avoir à se justifier de quoi que ce soit. Chaque dimanche soir se tenaient des séances de cinéma gratuites. La Cantine se mobilisait au quotidien pour dénoncer des actes qu’elle estimait inacceptables (affiches pour rendre hommage à une voisine assassinée, victime d’un crime sexiste…). La Cantine a aussi été mise à la disposition d’un collectif de soutien à d’anciens militants politiques allemands des années 70, extradés en 2011. Les ouvriers de PSA en grève contre leur licenciement y ont collecté de l’argent pour leur lutte au cours d’un repas.

Ce lieu était nécessaire pour beaucoup, car les conditions de vie et de travail dues à la structure même du capitalisme ne laissent que trop peu d’espace pour résister collectivement.

La Cantine ne cherche pas à faire de bénéfices et le paiement d’un loyer au prix du marché est incompatible avec son action. C’est pourquoi nous avons occupé illégalement un immeuble vide. Nous n’avons eu aucun scrupule à le squatter dans la mesure où ce lieu appartient à des propriétaires qui participent au mécanisme de spéculation, chassant les plus pauvres du centre de la ville.

En automne, une élue est venue de sa propre initiative et des voeux ont ensuite été votés au conseil de Paris : « la Ville de Paris étudie toute solution permettant de pérenniser l’activité associative de « La cantine des Pyrénées » dans une autre implantation  ». Pendant plusieurs mois, alors que nous avons attiré leur attention sur des locaux qui nous convenaient, les services de la mairie ne nous ont fait visiter qu’un entrepôt sans fenêtres, sans cuisine, ne donnant pas sur la rue, avec accès restreint (digicode). Nous avons évidemment refusé.

Au printemps, force a été de constater que rien n’aboutissait, nous leur avons donc demandé d’appuyer notre candidature pour l’accession à un local commercial de Paris Habitat, avec un loyer plutôt modéré. Là encore, on nous a répondu négativement. Ils ont préféré le louer à un vendeur de sandwichs.

Après les élections municipales et européennes, ils ne répondaient plus à nos mails, ni à nos appels téléphoniques, et quand nous sommes allés les voir, ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient rien pour nous. Depuis qu’elle a été réélue, l’équipe municipale ne veut plus entendre parler de la Cantine, elle se retranche dans le mensonge en affirmant publiquement que nous ne voulons pas payer un loyer alors que des négociations étaient en cours depuis des mois avec la mairie et le propriétaire du lieu. Nos échanges de mail le prouvent. Nos textes distribués et les dossiers de candidatures que nous avons envoyés au cabinet du maire le prouvent aussi.

Nous voulons poursuivre notre action sans « revoir notre modèle économique » selon l’expression de la mairie, car nous refusons de servir des repas plus chers. La mascarade n’a duré que le temps des élections car leurs intérêts ne sont pas les nôtres. Leurs décisions et ambitions reposent sur le pouvoir et sur l’argent. Ils préfèrent voir des gens à la rue, isolés et crevant de faim plutôt que de louer un lieu à des gens qui résistent.

Sortir de l’anonymat des rues parisiennes, se rencontrer, résister côte à-côte a été l’ambition de la Cantine. Nous pensons que les habitants d’un quartier ne se rencontrent pas seulement dans une file d’attente au supermarché du coin. La Cantine était un lieu où prendre conscience que nous partageons non seulement des problèmes, un rythme de vie et une fatigue mais aussi des idées, des colères et des solidarités. Prendre conscience que nous vivons une réalité commune : la condition d’exploité.

Nous considérons le social comme nous considérons la solidarité : comme l’arme des peuples.
Nous ne comptons pas rester passifs ! Nous revendiquons le droit à occuper l’espace public, bail ou non, la nécessité de lieux de solidarité, de résistance et d’organisation n’est plus à démontrer.
Là où l’on nous dit que nous ne sommes pas légitimes à occuper la Cantine des Pyrénées, nous répondons que ce sont plutôt les spéculateurs, marchands et autre capitalistes qui envahissent chaque mètre carré qu’on devrait exproprier.

Pour être tenu au courant de la suite des activités de la cantine, vous pouvez nous envoyer un mail à l’adresse contact.cantine.des.pyrenees[arobase]gmail.com ou appeler à ce numéro : 0771161258

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[Publié le 16 septembre 2014 sur Paris-Luttes.Info.]