Dublin: retour sur l’International Squatters Convergence

L’International Squatters Convergence a eu lieu à Dublin (Irlande), du 25 au 28 septembre 2014, sous un temps magnifique, beau soleil tous les jours !
On aurait été téléportéEs ici qu’on aurait pas pu deviner que c’était l’Irlande !

Des squatteureuses de partout se sont retrouvéEs pendant 5 jours à « Squat City », aussi appelé « Grangegorman » (comme le nom de la rue) ou « The warehouses » (« Les hangars »), ce dernier nom étant dû au fait qu’il s’agisse principalement de hangars.

On a vu des personnes d’Irlande, de France, du Royaume-Uni, de Hollande, d’Allemagne, des États-Unis, d’Italie, de Belgique, de Pologne et sûrement d’autres endroits !

Le lieu était quand même pas mal grand, et séparé en plusieurs espaces :
Squat City Satellite

  • La welcome tent (W) : on y passait forcément en entrant et sortant, des personnes s’assuraient que n’importe qui ne puisse pas rentrer (un code toc-toc a été mis en place, et on regardait par dessus le mur grace à une super tour, pour s’assurer que c’était pas les flics ou des voisins relous). Y’avait là le programme, on pouvait acheter des bombes de peinture, faire de la zic, causer pendant 1000 heures, et bien sûr, accueillir les arrivantEs.
  • Après la welcome tent on tombait direct sur le jardin collectif, à côté duquel un feu était allumé pendant la Convergence (F). Ici le sol est tout en béton, alors les personnes s’occupant du jardin ont construit des grands bacs en bois, les ont remplis de terre, et paf, ça fait des chocaplantes ! Rien n’a été fait avec ce jardin pendant la Convergence.
  • Juste à côté se trouvent des maisons d’habitation (P), squattées par une quinzaine de personnes, certaines s’étant impliquées dans la Convergence, d’autres non. Certaines personnes n’étaient d’ailleurs pas trop d’accord avec l’idée d’accueillir une centaine de personnes chez elleux. Les maisons n’étaient évidemment pas accessibles aux squatteureuses venuEs pour la Convergence.
  • Y’avait aussi le Headspace (H) : un endroit qu’on peut qualifier de straight-edge (non-fumeur et sans alcool), mais créé par des personnes avec qui de nombreux conflits ont eu lieu. La maison a été transformée en sleep-in pour l’événement, mais est habituellement utilisée pour le magasin gratuit, la salle de répétition de musique, et probablement d’autres trucs.
  • Les hangars. Fecking warehouses ! Y’en a 4 ! Pour une surface totale que j’estime à peu près à 1000m2.
    • Le premier n’a pas énormément servi, à part pour quelques réunions et quelques workshops. Il y avait dedans des canapés et un punching-ball.
    • Le deuxième, pour l’occasion appelé « Rowdy space » (R), en opposition au Headspace, était censé être l’endroit de teuf, avec des canaps et quelques lumières. Finalement il a surtout servi à accueillir les workshops qui avaient besoin d’un vidéo-projecteur, ainsi que les concerts du dimanche soir et une soirée jeux. Y’avait aussi un piano, utilisé de temps à autres. Ce hangar sert à la base de « ninja training space » : quelques barrières, et du bordel, pour s’entraîner au parkour. Mais pas pendant la Convergence !
    • Le grand hangar du fond, j’y suis allé une seule fois.Des ateliers yoga y ont été organisés, mais je ne crois pas qu’il y ait eu autre chose.
    • Et enfin, the biggest, le dernier hangar, dans lequel des maisons sont en construction (construites par des squatteurs, mais en mode vraiment gros boulot !), et où une « big pile of shit » (B) trône dans un coin. Une « big pile of shit » qu’on a entouré d’un petit mur histoire que personne n’aille se balader dedans : c’est l’endroit rêvé pour se remplir les poumons d’amiante. Les habitantEs d’ici disent « you’re lookin’ for something ? It’s probably in the big pile of shit ». Ce hangar servait de couloir pour accéder aux autres espaces.
  • La cuisine ! En extérieur, mais couverte par une grande bâche quand même (bah oui, on est en Irlande !). En mode prix libre, vegan, participatif. On a bien bouffé !
  • Des chiottes. Mais pas de chiottes secs ! Parce que pas d’endroit pour se débarrasser des boues, et que c’était plus simple.
  • Des tables, des chaises, et des canapés à l’extérieur, pour se poser !
  • Le Café Smash (C) : cuisine à l’intérieur, chiottes, canapés, chambres privées, et sleep-in. Non-fumeur à l’occasion de la Convergence. Cet espace est habituellement un espace d’habitation, gentiment mis à disposition des participantEs à la Convergence!
  • La maison non-mixte (NM). Un espace (brûlé quelques semaines auparavant par des ados du quartier…) pour l’occasion reservé aux personnes s’identifiant comme meufs ou trans, surtout utilisé comme sleep-in.

Pendant les 4 jours on a donc eu droit à diverses activités.
Principalement des ateliers, que je vais m’empresser de décrire (en en oubliant sûrement), mais aussi des soirées concerts, une ouverture à nombreusES, la participation à une manifestion pour le droit à l’avortement, et beaucoup d’informel.

Il y a évidemment eu une discussion sur le milieu squat à Dublin, durant laquelle on a appris que le mouvement squat anarchiste était assez récent, que des personnes ont squatté ici il y a une dizaine d’années mais ont arrêté jusqu’à il y a 3 ans environ. Il y a aussi eu des squats dans les années 60-70, avec les restes de l’IRA (Irish Republican Army). Les flics ici n’ont pas l’habitude de traiter ce genre d’action, ils ne savent pas tellement comment réagir, n’ont pas vraiment d’outils adaptés, et les lois ne sont pas claires. Ce qui permet un léger avantage aux squatteureuses du coin, qui elleux peuvent se baser sur les expériences des squatteureuses d’autres contrées. Cela dit, illes ont aussi eu leurs propres mauvaises expériences : plusieurs squats ont été expulsés facilement, les habitantEs ayant laissé les proprios ou les flics entrer.
Un atelier portait sur les législations au Royaume-Uni et en Irlande, un autre était appelé « Social War », et il y a aussi eu des discussions autour des luttes No-TAV et No-TAP, ainsi que sur la gentrification à Berlin.
Un Anglais a fait une « critique des centres sociaux squattés », on peut trouver son texte ici (en anglais).
On a aussi eu la chance d’avoir des présentations du milieu squat à Paris, l’histoire et la scène actuelle, ainsi que sur Dijon (les Tanneries, les Lentillères et les squats de migrants).
Côté technique, on a appris quelques trucs autour de la sécurité (l’insécurité ?) sur internet, comment chiffrer ses emails, sécuriser/anonymiser un peu ses activités en ligne, avec TAILS.
Et aussi, radar.squat.net et squat.net ont présenté leurs fonctionnements, et ont invité les squatteureuses à s’impliquer un peu.
Radar est l’agenda de Squat!net, il permet à chaque personne ou collectif d’ajouter des événements au calendrier, ceux-ci étant triés par ville, date, type de lieu, etc. J’en profite pour vous inviter à y publier vos événements !
Pour s’impliquer dans Squat!net, on a vu qu’il était très simple de publier des articles, dans diverses langues ou dans une seule, articles localisés ou non, traitant directement de squats ou s’en écartant un peu. Ceci est d’ailleurs mon premier article. :)

Le vendredi soir était organisée une ouverture collective. Sauf qu’elle n’était pas vraiment collective.
À un moment on nous a dit « venez, on va ouvrir tous ensemble un lieu de ouf, mais c’est une rue méga passante, alors faut qu’on soit nombreusES ». On a dit ok, carrément ! Alors on y est alléEs. Après 10 minutes de marche, on se cale dans une petite rue (l’une des rares sans caméra à Dublin), et on nous explique, informellement, qu’un groupe déjà défini va ouvrir la porte, pendant qu’un autre bloquera la route en cachant les premierEs avec des banderoles, puis que celleux qui voudront rentrer rentrerons, et les autres partirons.
Bon, d’accord.
On marche, on arrive, on bloque la route, ça klaxonne même pas, et après 15 secondes on entend qu’il faut qu’on parte, alors on part.
Résultat : échec cuisant.
Les personnes qui avaient préparé l’action ne s’étaient pas du tout comprises, certaines croyaient que les banderoles cacheraient l’ouverture, d’autre croyaient que c’était le rôle de la masse, et d’autre pensaient qu’il y avait assez de banderoles pour bloquer la route ET cacher l’ouverture. Et en plus, ces personnes n’étaient pas d’accord quant au fait de bloquer la route. Bon, c’est pas très grave, personne n’a été arrêté, personne ne s’est fait mal, c’était juste ridicule.

Le samedi après-midi, Squat-City est devenu Squat-Fantôme, le temps de la manif’ pro-choice, manifestation appelant toutES les intéresséEs à revendiquer le droit à l’avortement [cf. cet article mainstream sur thejournal.ie], et réunissant plus de 2500 personnes !
affiche manif pro choice

Puis le soir-même, une cinquantaine d’entre nous (voire plus !) ont bougé à pied à Seomra Spraoi, un centre social autogéré, créé il y a une dizaine d’années, accueillant de nombreuses activités, dont un atelier vélo bi-hebdomadaire, des concerts, des cantines vegan, des réunions de collectifs, etc. Ce samedi, c’était un concert punk. On a entendu que jamais Seomra Spraoi n’avait vu autant de personnes d’un coup!
Pour certainEs, ce concert fut écourté par une mauvaise nouvelle : une troupe de squatteureuses venait d’investir une maison déjà squattée par d’autres, avec pour objectif d’y faire une rave-party pendant la nuit. Cette troupe de squatteureuses dublinoisES, partageant depuis un an l’espace de Squat-City avec les organisateurices de la Convergence, n’est globalement pas en accord avec les idées politiques de ces dernierEs. Le conflit existait déjà, mais ce fut la cerise sur le gâteau. Violence verbale à souhait (« You’re fuckin’ baby killers », qu’on a entendu assez souvent, étant donnée la position anti-avortement de cette troupe, et leur énervement à la vue du mouvement général des squatteureuses joignant la manif pro-choice), et violence physique lorsque 20 personnes sont allées à la rave pour essayer d’arrêter le truc. Les personnes ayant ouvert la maison n’avaient pas été consultées, et bien évidemment, leur avis n’importait aucunement les squatteureuses-de-squat… N’ayant pas tous les éléments et ne comprenant pas tout, c’était un peu complexe alors de se positionner. Prendre parti, empêcher leur fête d’avoir lieu afin de leur montrer l’irrespect dont illes font preuve ? ou les laisser faire, après tout, personne ici n’est contre ce genre de teuf. Une baston a éclaté, mais pas trop de bobos. La plupart d’entre nous ont clairement pris parti, essayé de causer avec les-dits teuffeurs, sont rentréEs dans la maison, se sont fait dégager, brutaliser un peu, même. À un moment on est quasi touTEs partiEs, et les flics sont passés, sont rentrés, ont dégagé tout le monde, ont embarqué une camarade, qu’ils ont gardée 30 minutes ne sachant pas quoi faire d’elle. A priori, le squat a été resquatté dans la foulée.

Revenons à nos moutons.
Tous les soirs un feu était allumé, et une quarantaine de personnes papotaient autour, jouaient de la musique (on a eu la chance d’entendre Zac chanter du punk accompagné de son banjo), buvaient et fumaient sans doute. Ambiance conviviale, mais pas évident de s’intégrer lorsque notre niveau d’anglais n’est pas au top, tout le monde parlant en même temps à toute vitesse, l’effort de concentration était élevé !

Le dimanche, un cabaret a eu lieu dans le Rowdy Space, allant du punk banjo au traditionnel irlandais, en passant par une reprise de la Rue Kétanou et des chansons à textes anglophones guitaristiques ou même a capella. On a eu la chance de voir Lynched, un groupe de trad irlandais ! Une belle soirée !

Pour parler plus de mon expérience personnelle, j’ai envie de raconter nos tentatives d’ouverture.
Le soir de notre arrivée, on nous a dit « ce soir, des personnes vont visiter. Vous êtes motivéEs ? », on a dit oui, et on y est alléEs.
Blop, le type qui connaissait la maison n’était pas super sympa, il agissait comme un p’tit chef, disait ce qu’il fallait faire ou ne pas faire, repassait devant dès qu’on prenait de l’avance (on a dû faire une belle session escalade/toits pour accéder à la maison), et ne donnait pas envie de lui faire confiance (stress palpable, décisions collectives un coup, et par lui-même l’autre coup, …), ce qui était dommage, car les autres étaient bien chouettes !
La maison était gigantesque, mais comme à peu près tout ce qu’on a vu ici, dégueulasse. Des murs écroulés, les premier et deuxième étages couverts de merde de pigeon, enfin bon, plutôt trash quoi.
On a aussi repéré et visité d’autres maisons, on s’est fait suivre par les flics qui nous ont juste regardés (y’a pas de BAC ici j’ai l’impression), on est rentré deux fois dans une maison, mais elle avait bougé entre temps, et pour la dernière, un pied de biche pour changer la serrure et c’était réglé. Mais on n’a pas eu la motivation, alors elle sera pour d’autres !

Pour finir, je dirai que nous (mes potes et moi, au moins), qui avons passé 15 jours là-bas, avons kiffé. La diversité des squatteureuses dublinoisES, leur accueil, leur gentillesse, c’était vraiment très chouette !

La Convergence a été pour nous un moment absolument génial, on a appris des choses, rencontré énormément de gens, transmis des connaissances, et pris le temps de vivre, aussi.

Je retournerai là-bas, ça ne fait aucun doute. Si vous passez par l’Irlande un jour, arrêtez-vous à Dublin !