Saint-Martin-d’Hères (38): retour sur l’expulsion de Moulissimô

Au petit matin du 27 sept. 2014, au 1 rue du Tour de l’Eau (Saint-Martin-d’Hères), des dizaines d’estafettes s’installent, prennent position en encerclant une grande bâtisse squattée par des personnes (adultes, enfants, nourrissons) roumaines. A leurs bords, des dizaines et des dizaines de gardes mobiles ; polices nationale et municipale ne sont pas en reste. Elles viennent procéder à ce que, pudiquement, une journaliste appelle « une évacuation ». L’opération consiste à réveiller brutalement, sans états d’âme, les occupant.e.s, à vérifier leur identité (tout en profitant de leur remettre soit une Obligation de Quitter le Territoire sous 48H, soit un ordre de transfert en Centre de Rétention) et les forcer à quitter les lieux. Objectif répressif.

Un cordon de sécurité est mis en place et ceinture l’opération d’expulsion. Il est légitime de s’interroger sur l’importance du dispositif, sur le tel déploiement des forces de l’ordre ; par quoi, pour qui était-il justifié ? Citoyen européen, le Roumain, rom ou non, est assimilé à un vaurien, une crapule. Tout campement de Roumains amène l’émergence d’une angoisse, d’un sentiment d’insécurité. Le traitement réservé par les politiciens à ces communautés interroge d’autant que LA solution trouvée est l’EXPULSION. Ils la justifient par un argumentaire xénophobe en garantissant, aux riverains (leur électorat), la « sécurité et la salubrité ». Idée raciste, pensée réductrice. Ces personnes qui n’aspirent qu’à vivre comme tout un chacun sont frappées d’ostracisme. Il faut éloigner les indésirables. Contrôle social.

Pas de pleurs, ni de cris ; les visages reflètent la crainte de l’avenir immédiat, la tristesse d’avoir perdu leur lieu de vie, l’incompréhension. Marques de l’oppression. Dans presque un mois ce sera la trêve hivernale ; quelle urgence y avait-il d’expulser ces personnes d’un lieu qui en a accueilli jusqu’à 250 ? Sont-elles plus en sécurité dans la rue ? Mais il est indéniable qu’il s’agit surtout de la sûreté des riverains. L’adaptation (« vieil atavisme ») est leur force. Après avoir erré de-ci de-là ces hommes et ces femmes sont venu.e.s grossir le grand campement d’Allibert, sur Grenoble. Il y a comme un parfum de revanche de monsieur S., règlement de comptes entre la préfecture et la mairie de Grenoble par Roms interposés ; dommages collatéraux !

Ce même jour, en début d’après-midi la circulation a repris. Dans une indifférence quasi-générale, une centaine d’hommes, de femmes et d’enfants se retrouvent sans lieu de vie, excepté la rue.

[Publié le 18 octobre 2014 sur Indymedia-Grenoble.]

Note de Squat!net: ouvert en mars 2013, le squat Moulissimô a connu un changement d’effectif d’habitation conséquent en cours de route… Il a finalement été expulsé ce 27 septembre 2014.