Milan : chronique de la résistance des quartiers. Barricades, manifs et actions contre les expulsions

Depuis plusieurs années, la ville de Milan se prépare à l’exposition universelle pour 2015 (Expo 2015), qui aura lieu du 1er mai au 31 octobre 2015. La préparation de cette exposition implique un monstrueux projet de spéculation, de privatisation et de rénovation de la ville, qui aura beaucoup de conséquences sur une zone de 500 km² : bétonisation, construction d’infrastructures, de pôles logistiques, “valorisations immobilières”. Une gigantesque opération de transfert de fonds publics dans les caisses du privé, à travers un système d’appels d’offre et de sous-traitants (10 milliards d’euros de financement public). Tout comme le TAV (TGV) reliant Turin à Lyon, l’Expo 2015 est l’un des grands projets menés par l’ETAT-ENTREPRISES-BANQUES-MAFIA: des intérêts convergent, au préjudice de la population et du territoire, de la corruption à tous les niveaux (plusieurs cas ont déjà fait scandale et conduit à l’arrestation de politiciens et d’entrepreneurs), exploitation de main-d’œuvre gratuite (par le biais de stages) et sans droit (travail non déclaré, journalier, précaire). Cerise sur le gâteau, le thème de l’Expo est “Nourrir la planète, l’énergie pour la vie” : un espace où seront promues les mêmes politiques agro-alimentaires qui imposent les OGM et des modèles alimentaires qui ne sont utiles qu’aux multinationales de l’agro-industrie. De fait, ces derniers figurent parmi les premiers sponsors de l’Expo 2015. Parmi les principaux financeurs de ce gigantesque événement figure aussi l’Etat israélien, qui, depuis plus de 50 ans, affame et massacre le peuple palestinien.

Depuis 2007, une partie de la ville de Milan s’est mise à lutter contre l’Expo 2015 : contre-information, manifestations, rassemblements, actions directes. La répression a déjà touché plusieurs des camarades actifs dans la lutte contre ce projet. Dans ce contexte, a été lancée depuis novembre une forte campagne répressive contre les occupations de maison. Cette campagne est promue par Maroni, président de la région de la Lombardie, qui a déclaré vouloir expulser plus de 200 maisons occupées.

Le 10 novembre 2014 a eu lieu une réunion au siège du Parti Démocrate qui rassemblait les représentants du Sunia-Cgil (syndicat des locataires des logements sociaux) et des résidents des logements ALER (entreprise de bâtiments résidentiels qui s’occupe de la gestion des logements sociaux). 20 personnes ont fait irruption au siège, ils ont allumé des fumigènes et ont déployé une banderole sur laquelle était écrit “Non aux expulsions – No Tav”[Non au TGV Lyon-Turin]. Le 13 novembre au matin, deux camionnettes de CRS, policiers en civil, et fonctionnaires d’ALER, ainsi qu’autant de fourgons de déménagement, viennent pour expulser deux appartements occupés. Face à ça, des personnes solidaires essaient d’empêcher les expulsions, en tentant de percer le cordon de CRS qui se trouvait devant les portes des appartements occupés. Après avoir reçu des poubelles, des œufs et des objets divers, les flics réussissent à reprendre le contrôle des portes d’entrée et à expulser les appartements.
Quelques jours après, une équipe de gendarmes spécialisés (ROS) perquisitionnent la maison de trois camarades au sujet de l’intrusion au siège du Parti Démocrate survenue quelques jours auparavant. Deux d’entre eux sont inculpé(e)s. Presque au même moment, dans un autre quartier de Milan, une partie des habitants s’oppose à une expulsion : ils se défendent de la police, en leur lançant des objets, et en organisant une manifestation dans le quartier. Une personne est arrêtée.

Malheureusement, la répression ne s’arrête pas là. Le 18 novembre, les policiers, suivant les ordres de la Région, de la Mairie, d’ALER (organisme de logements sociaux) et du Parti Démocrate, se présentent à 6h30 au squat Corvaccio, et à la Rosa Nera, un espace où ont lieu différentes initiatives de contre-information et des concerts de solidarité aux prisonniers. Quelques camarades parviennent à monter sur le toit, les autres occupants sont conduits au commissariat. Les gens du quartier descendent dans la rue pour tenter de ralentir les expulsions : il s’ensuit des émeutes contre la police. Des lacrymogènes sont lancées, et trois autres personnes sont arrêtées. Durant les charges, les manifestants sont frappés très violemment, et une femme enceinte de sept mois est jetée à terre et matraquée. Le foetus porté par cette femme meurt suite à cette agression. Mais, malgré cela, les personnes solidaires résistent et appellent à un rassemblement dans le quartier. Dans l’après-midi, les occupants décident de descendre du toit pour rejoindre le rassemblement. Dans la soirée, le rassemblement se transforme en manifestation en solidarité avec les personnes arrêtées. Cette nuit-là, le siège de l’ALER prend feu. Cet organisme a un rôle déterminant dans la nouvelle stratégie d’expulsions, dans la gestion des milliers de logements laissés vides, et a été l’objet de plusieurs scandales, ces dernières années, du fait d’une gestion spéculative des logements sociaux.

La lutte pour les logements ne s’est pas arrêtée là. Début décembre, deux nouvelles occupations sont nées dans les quartiers où la police avait récemment expulsé : une avec un objectif directement politique, une “base de solidarité populaire”, et l’autre, pour en faire des habitations (cette occupation a été revendiquée par le Cinisello Balsamo, “mouvement de lutte pour le logement”). Parallèlement, le responsable régional du logement a demandé publiquement l’intervention de l’armée pour expulser l’une après l’autre toutes les occupations de la ville. Dimanche 7 décembre, une centaine de personnes ont protesté contre le “Milan du luxe”, présent à l’avant-première du spectacle de l’année du Théâtre la Scala, où se rendent les plus importants politiciens et industriels de la ville. Sur la banderole, on lisait “Occupons toutes les maisons vides. Arrêt des expulsions”. La police a chargé le cortège, qui a réagi avec des pierres et des pétards. La manifestation s’est ensuite déplacée vers le centre-ville.

Dans les jours et mois prochains, sont prévus plusieurs rendez-vous concernant cette lutte pour le logement, à Milan et dans d’autres villes italiennes. A partir du mois de mars, une série de mobilisations seront appelées contre l’Expo 2015, projet de spéculation et de gentrification qui a provoqué une attaque sans précédent contre les personnes les plus pauvres et précaires de la ville.

De Paris à Milan, en passant par Sivens et Chiomonte, solidarité avec ceux qui résistent !
Résistances et attaques contre ceux qui s’enrichissent sur la dévastation du territoire et la misère des gens !