Déclaration de Caferağa Mahalle Evi à propos de l’expulsion et de l’évacuation de la maison :
Le 1er décembre 2014, nous avons été informé-e-s que la Solidarité Caferağa Mahalle Evi – où nous vivions depuis janvier 2014 – serait expulsée le 5 décembre 2014 à 10 heures du matin, du fait d’une requête du Directorat Général de la Propriété Nationale (Milli Emlak), avec assignation du gouverneur du district et exécution des forces de police.
A peine avons-nous reçu cette nouvelle que nous avons fait de notre mieux pour vous informer par tous les moyens de communication. Nous avons utilisé les réseaux sociaux, les mails, les coups de téléphone aussi bien que les affiches, vidéos et autres textes. Nous avons appelé à un rassemblement de solidarité avec le centre de communauté squatté, le 5 décembre à 9 heures.
La conversation d’un ami avec les autorités locales nous a appris que les forces de l’État ne pourraient passer à l’action et expulser le bâtiment à cause du quartier, ainsi que du fait de la réponse et de la réaction des gens d’Istanbul. Le peuple a revendiqué cet immeuble.
En conséquence, nous avons appelé le gouverneur du district pour demander un rendez-vous. Celui-ci, Birol Kurubal, a répondu à notre requête en envoyant les forces de police au Mahalle Evi le 9 décembre autour de 6h30 ou 7 heures du matin pour expulser le bâtiment.
Au cours de cette opération, que nous pourrions appeler « raid à l’aube », l’un de nos amis a été sorti de sa maison par la force, maltraité et emmené au Mahalle Evi. La rue Hacı Şükrü et les rues environnantes étaient bloquées par la police anti-émeute. Les résident-e-s n’étaient autorisé-e-s à rentrer ni dans le Mahalle Evi, ni dans leur quartier.
Les forces de police sont entrées dans la maison sans attendre la présence d’un magistrat. Ils ont (si l’on veut) emporté tout le matériel et l’équipement et plus d’un millier de livres qui avaient été collectés ces derniers mois. Ils ont (sans raison) déchiré les documents d’archives comme les affiches ou les notes. Au moment de quitter le Mahalle Evi, ils ont scellé la porte extérieure historique et la porte métallique après elle, de façon à fermer le bâtiment à la communauté. Ils sont repartis en ne laissant derrière eux aucun document officiel ou sceau qui indiquerait la légalité de leur acte.
Nous n’avons pas pu assister à l’évacuation, mais leur vandalisme (exposé sur les réseaux sociaux avec des photos avant/après) pouvait se voir à travers les fenêtres du rez-de-chaussée. Personne n’est entré dans l’immeuble après l’expulsion, et nous ne connaissons pas l’étendue des dommages causés aux efforts que les gens avaient fait.
De façon très représentative, dès les premières heures du matin, des gens du coin, des résidents de Kadıköy, des gens d’İstanbul, des natifs de Turquie et citoyens du monde, de nombreux individus et groupes ont déclaré leur solidarité avec nous. L’après-midi du même jour, des gens se sont rassemblés dans la rue où se trouve le Mahalle Evi pour manifester contre l’attitude répressive et l’approche non-négociatrice du gouverneur Birol Kurubal et des forces de l’État, et ont mené une action de protestation, qui a compris de la musique et de la danse.
Pendant la manifestation, en tant que groupe de solidarité, nous avons fait de notre mieux pour prévenir toute intervention de la police qui aurait pu agir de façon violente contre la foule, comme elle l’avait fait auparavant contre l’immeuble. Nous sommes restés fidèles aux paroles que nous avons portées et aux choses que nous avons faites. La porte du Mahalle Evi a été ouverte, mais à notre connaissance, personne n’est entré dans la maison.
Pour nous, le Mahalle Evi n’est pas une affaire « d’atteinte à la propriété », comme l’État veut le voir. Tandis que l’État a abandonné le bâtiment et l’a laissé vacant pour de nombreuses années, la maison a évolué en « espace commun » aux portes ouvertes à toutes les personnes qui désiraient l’utiliser.
Nous n’avons aucun doute sur la raison et la légitimité de ce que nous avons fait. Tous les cœurs braves qui sont restés à nos côtés et ont défendu le Mahalle Evi l’ont démontré une fois de plus.
Nous remercions tous ceux et toutes celles qui nous soutiennent. Cette lutte n’appartient pas qu’à nous, mais aussi à celles et ceux qui veulent défendre les espaces communs et publics.
Et ce processus n’est pas encore terminé. La Solidarité Caferağa continuera ses activités dans le quartier de Caferağa. La maison communautaire a été fermée aux habitants. Mais les idées qui ont fait vivre cette maison se diffusent avec la participation de celles et ceux qui nous soutiennent.
Nous savons que les portes qui ont brutalement été fermées par les autorités seront ouvertes de nouveau par la solidarité et par la lutte, jusqu’à la liberté.
Comme nous le disons tou-te-s ensemble, ce n’est qu’un commencement. La lutte continue !
11 décembre 2014, Caferağa – Kadıköy/İstanbul/Turquie/Terre
[Publié le 18 décembre 2014 sur Contra Info.]