Ne pas jeter sur la voie publique
Réponse publique à un courrier du maire aux « Occupants de La Borie »
La mairie souhaite « régulariser » la situation, ce qui signifie rendre légale, conforme et rentable l’occupation de ces lieux. Pour cela elle nous donne jusqu’à fin février pour répondre positivement à ses propositions, sans quoi des « démarches légales » seront entamées à notre encontre. Pour notre part, nous estimons qu’en l’état, nous ne pouvons que refuser d’entrer dans leurs négociations, présageant que beaucoup d’entre nous et vous auraient à y perdre.
Nous tenons à expliquer ces positions par la présente lettre. Nous considérons que ce qu’il se passe ici n’a rien à voir avec une négociation en privé. C’est pourquoi nous préférons plutôt nous adresser à l’ensemble des personnes qui portent un intérêt à l’avenir de ce lieu.
Peut-on faire confiance à M. Ruas lorsqu’il nous invite au dialogue ? Que penser de l’inquiétude qu’il manifesterait à l’égard des conditions précaires qui seraient les nôtres ? Le maire use d’un double langage. Préoccupation d’une part et menace de l’autre. Ici, responsable municipal, et là agent immobilier. Il souffle le chaud et le froid et a sans doute plusieurs fers au feu. C’est ainsi que quelques jours avant la réception de cette lettre dans laquelle il se donne le beau rôle de l’homme de dialogue, il est venu en hâte faire visiter à un couple prêt à acheter les lieux. Dans le cas d’une vente à des particuliers, en quoi La Borie demeurerait-elle donc la « propriété de tous les Saint-Jeannais » ? Nous comprenons en revanche comment la volonté de sécuriser les bâtiments et de mettre aux normes les installations peut servir de prétexte à nous jeter dehors… Régulariser la situation par des contrats de location ne serait qu’une première étape pour récupérer le contrôle de ce qui se passe ici et d’avoir une mainmise sur les habitants et habitantes. Rien ne l’empêcherait par la suite de rompre les baux de location et de développer les projets qui l’arrangent…
Nous avons des points de vue différents sur bien des sujets abordés dans le courrier du maire. Nous préférons sincèrement boire l’eau de source qui jaillit ici, bue par les habitants depuis des dizaines voire des centaines d’années, plutôt qu’une eau payante, contrôlée, javellisée, ozonée ? En ce qui concerne l’assainissement, les bonnes vieilles fosses sceptiques font encore leur usage et, depuis, des « écolos un peu cons », selon les dires de M. Ruas, ont choisi de revenir aux toilettes sèches qui fertilisent la terre sans polluer des litres d’eau potable et le Gardon. Pour ce qui est de l’électricité, nous ne nous plaignons pas des branchements existants. Avec nos propres moyens et notre enthousiasme, nous continuerons à maintenir du mieux que nous pouvons ces bâtiments et ces lieux en état.
Nous affirmons le choix de vivre dans un environnement, certes rude, mais pas encore saccagé par tous ces rapaces spéculateurs qui se tiennent à nos portes. Et ce privilège, nous le partageons depuis longtemps avec les nombreux-ses amoureux et amoureuses de La Borie, gens du coin, ami-es de passage ou visiteurs et visiteuses inconnu-es. Cette « lutte exemplaire » des habitant-e-s des vallées cévenoles et bien au-delà, a permis que cette vallée demeure toujours aussi accueillante encore aujourd’hui. Mais heureusement que, pour sauver La Borie des eaux, nous n’avons pas attendu l’entreprise Ruas qui, si notre mémoire est bonne, était pro-barrage, ayant sûrement tant à gagner d’un tel projet…
Aujourd’hui nous tentons de préserver — encore avec l’aide des habitants et habitantes des vallées alentours — la gratuité de la jouissance des terres, la liberté d’accès, la recherche d’autonomie du lieu par rapport à la loi qui favorise toujours les nantis au détriment des « sans-terres ». Nous habitons à La Borie, entretenons le bâti quand c’est nécessaire — d’ailleurs la fontaine aura bientôt retrouvé une nouvelle jeunesse —, nous y faisons du pain, nous cultivons la terre, profitons simplement de la rivière et de ses berges. C’est un lieu de vie et un lieu d’activités, de convivialités partagées, où s’organisent des évènements (projections de films, discussions, ateliers, fêtes…). Nous rendons ce lieu vivant et tout le monde y est bienvenu, dans le respect des habitants et de ces lieux.
Nous allons continuer d’informer les gens de la situation par ces criées publiques et d’autres biais. Venez vous exprimer avec nous, manifestez vos soutiens ou critiques, vos idées et envies.
(Pour plus d’infos ou pour apporter votre soutien, rendez-vous tous les mardis à 11h lors du marché.)
27 février 2015
[Publié le 3 mars 2015 sur le Jura libertaire.]