La procédure pénale a pour finalité de fixer des règles permettant de déterminer s’il y a infraction, d’en rechercher les auteurs et de les juger, en garantissant les droits des personnes. Ces règles ne sont ni parfaites ni infaillibles, mais leur respect fait la différence entre un jugement et un lynchage [Note de Squat!net: désolé pour cette intro affreusement citoyenniste…].
Dans le cas des huit personnes arrêtées sur le toit des bâtiments abandonnés de l’ancien foyer du Moulin blanc à Calais, occupé dimanche dernier pour protester contre la destruction de la partie sud du bidonville et revendiquer le droit au logement pour toutes et tous, et évacué dans l’après-midi, le tribunal de grande instance de Boulogne/Mer a jugé que la procédure menée était nulle parce que ne respectant pas le droit.
Ce qui veut dire que ces huit personnes ont été privées de liberté et enfermées pendant 46h dans des locaux de garde-à-vue de manière illégale. Que les cinq personnes qui ont été placées en détention provisoire dans l’attente du procès ont été enfermées pendant 24h en maison d’arrêt tout aussi illégalement.
Il faut y ajouter que la préfète du Pas-de-Calais a émis contre les cinq personnes de nationalité suisse, belge et britannique une Obligation de Quitter le Territoire Français sans délais de départ, avec placement en rétention, au motif que ces personnes représenteraient « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. » Un recours devant le tribunal administratif a été introduit contre cette décision, mais la police aux frontières attendait ces personnes à la sortie du tribunal de Boulogne, sans doute pour les arrêter et les conduire en rétention. Elle n’a pas eu cette chance, et les personnes concernées ont pu s’esquiver discrètement.
Mais on mesure là le danger qu’il y a à élargir le pouvoir qu’a l’administration (préfecture ou police) à priver des personnes de liberté. Dans un contexte où l’administration viole la loi pour réprimer des opposants à la politique du gouvernement. Dans le contexte où l’administration détourne l’état d’urgence, initialement motivé par la lutte contre le terrorisme, à Calais (voir ici, ici, et là) et ailleurs, pour persécuter les exilé-e-s ou pour réprimer les opposants politiques. Dans la perspective où la réforme pénale en projet veut renforcer les pouvoirs de l’administration et diminuer le contrôle des juges.
[Publié le 2 avril 2016 sur Passeurs d’hospitalités.]