L’automne touche à sa fin, et l’autre jour on a regardé les infos. Comme d’habitude, les politiques disaient tout et n’importe quoi. Comme d’habitude, les médias en faisaient toute une salade. Et comme d’habitude, on se disait « cause toujours, tu m’intéresses ». Malgré tout, contrairement à ce qu’illes avaient annoncé, il semblerait qu’illes n’aient plus tant l’intention que ça de nous expulser, ni même de commencer des travaux dans un coin.
On ne va pas crier victoire tout de suite ni trop s’envoyer de fleurs. Avec les flics qui râlent, les marchés de Noël à passer au peigne fin et les autres joyeusetés de l’état d’urgence, ça a pas l’air très stratégique de venir s’embourber dans le bocage. D’autant plus que c’est le moment d’avoir l’air plus malin que ses petits camarades pour espérer gagner l’élection présidentielle.
On a fait de notre mieux cet automne pour ne pas leur donner envie de venir. C’était pas reposant de passer ces trois mois entourées par des signes d’intervention imminente et de se préparer à résister. Faut bien reconnaître que dans l’urgence, on ne prend pas toujours le temps de faire des processus de discussion horizontaux ni de prendre tout le monde en compte dans ses actions. Mais on a quand même réussi à bien leur mettre la pression : formations et préparation matérielle à la défense sur le terrain, mise en place de l’accueil en cas d’expulsion, manifestation et constructions du 8 octobre, actions d’information et de solidarité un peu partout. Depuis les villes ou les petits de coin de campagnes, les cabines de tracteurs, les maisons occupées ou les cabanes dans les bois, on a tou.te.s contribué à les faire reculer.
En maintenant ? La menace n’a pas disparu, on en est bien conscient. Mais on a plus de place dans nos têtes et de temps dans nos semaines pour voir plus loin que la défense immédiate de la ZAD. On peut de nouveau prendre soin de la vie et de la lutte ici. On met en place des façons de mieux accueillir les gens qui passent ici, que ce soit pour une après-midi ou pour une semaine. On reparle tou.te.s ensemble de l’usage des terres. On essaie de définir des limites collectives et on apprend à prendre en charge nos embrouilles et nos conflits nous-mêmes. On relance les dynamiques d’infotours.
Pendant ces moments de panique collective, on a aussi créé plein de liens. Les liens perdurent et se renforcent avec les soignant.e.s qui sont prêt.e.s à venir nous aider sur le terrain, avec les habitant.e.s du coin qui nous ont proposé des hébergements, avec les comités locaux qui se sont investi.e.s dans les lieux d’accueil ou la défense en cas d’expulsion, les travailleur.euse.s syndiqué.e.s qui ont appelé à exercer leur droit des retrait, et tous les groupes et personnes qu’on a croisé.e.s pendant cette période.
Mais avec la panique on tombe facilement dans des rôles stéréotypés, identité de « zadistes » dans laquelle les médias s’empressent de nous enfermer. Comme si la seule chose qui nous rassemblait était d’habiter sur la ZAD contre un projet d’aéroport, alors qu’en vrai on aspire tou.te.s différemment à beaucoup plus que ça. Comme s’il y avait d’un côté les « zadistes » et de l’autre les « gentil.le.s », ce qui creuse le fossé entre nous. On souhaite profiter de ces moments plus calmes pour faire vivre ensemble la lutte contre l’aéroport, mais aussi le « et son monde ».
On voudrait qu’il y ait autant d’énergie qu’on en trouve ici pour lutter aussi ailleurs et contre tout ce qui nous révolte dans ce monde : les frontières qui bloquent la route des migrant.e.s, l’état d’urgence et les prisons, les projets de pipelines comme au Dakota du Nord, etc. Pour refuser ce qui nous est imposé d’en haut, pour construire des vies qui nous ressemblent, pour partager des histoires et des pratiques de luttes avec d’autres et construire des solidarités réciproques.
Alors bravo à tou.te.s, et à bientôt, ici ou ailleurs !
Quelques occupant.e.s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
[Publié le lundi 19 décembre 2016 sur le site de la ZAD.]