La prison pour personne !
Y a beaucoup de maisons vides à Montreuil. Beaucoup de spéculateurs, d’héritages en indivision, de maisons justes abandonnées ou attendant le nouveau métro. Beaucoup de grues aussi, d’algecos vendant le bonheur à deux pas du periph’, en mode éco-responsable, bio-coopératif, citoyen-vigilant.
Y a des riches à Montreuil, un peu comme partout.
Y a des bourgeois de gôche, qui hésitent entre Brard, Bessac et Voynet, économie solidaire et monnaies alternatives, eux sont nombreux, ou bruyants.
Puis y a les flics, braves défenseurs de l’ordre et de la propriété, bras armé de la justice et de l’Etat, qui contrôlent qui est trop basané à leur goût, qui sont appelés par quelque citoyen content de rapporter une invasion de squatteuses, un fraudeur à la CAF, ou une énervée boutant le feu à un bétonneur, constructeur de palais de justice, de taules ou de HLM.
Et y a les juges, qui du haut de leur prétoire détruisent des vies, punissent pour asseoir l’autorité, prêchent la loi de la république et disposent de la liberté de chaque individu attrapé dans les mailles de leur filet, leur proposant rédemption contre pardon, si la fiche de paye suit.
Et y a les journalistes, qui se jouent de nos vécus et avec notre liberté pour avoir le bon scoop, la bonne photo. Qui construisent un ennemi, préparent la répression et nourrissent les accusations par leurs formules : ultra-gauche, jeunes-de-banlieues, casseurs.
Et y a cette société qui fonce droit dans le mur, de plus en plus vite. Qui tue aux frontières, enferme une part croissante de la population, produit aveuglément, enterre des déchets radioactifs pour les millénaires à venir, nous dépossède de nos relations par la technologie, tente de surveiller les faits et gestes de chaque individu, bombarde et enrôle pour le dieu pétrole, la démocratie, ou pour un au-delà moins pire qu’ici.
Et y a des pauvres, des révoltées. Des gens qui, par choix et par nécessité, ne payent pas de loyer, occupent les maisons vides, volent dans les magasins, cambriolent les riches, arnaquent les assurances, attaquent les agences immobilières, braquent des banques, brûlent ou détruisent les outils des exploiteurs.
Et du coup, c’est l’histoire de gens qui s’organisent pour ouvrir des maisons où vivre sans avoir à s’échiner pour un patron, pour avoir un espace où se loger, où recevoir des potes d’ici et d’ailleurs. De celles et ceux qui s’organisent sans médiation, sans quémander, mais en prenant, en créant, en s’opposant, en détruisant. En faisant fi des règles qui régissent ce monde, des rapports de pouvoir, de genre ou d’argent.
Bref, une patrouille les contrôle, après avoir été dénoncées par un voisin pour avoir rodé dans un quartier du 93, et autour d’une maison vide alors que l’alarme venait de sonner quelque part dans le 94. Seulement le squat n’est pas un délit, et la violation de domicile, il faut la prouver et ça ne paye pas assez : pourquoi ne pas les accuser de tentative de vol ? Ils les connaissent ces squatteur-euses, et vu leur profil, ils peuvent essayer de les envoyer au trou pendant quelques temps. La justice, en bonne caisse enregistreuse des constructions policères, n’y verra aucun souci.
Ainsi, la personne du 94 a pris un an ferme en comparution immédiate au tribunal de Créteil fin octobre, et trois personnes ont fait une semaine de détention provisoire à la prison pour femmes de Fleury-Mérogis, dans l’attente de leur procès le 7 décembre 2017 au tribunal de Bobigny. Tou-te-s sont accusé-e-s de tentative de vol par effraction.
Mais en fait, dans ces deux histoires, que leurs noms soient faux ou connus des « services », que ce soit pour un cambriolage, une visite de maison vide, ou une balade entre copines, que leur papiers soient en règle ou pas, qu’il ou elles soient « coupables » ou « innocent-es », que ce soit à Montreuil ou à l’autre bout du monde…
La liberté ne se trouve pas dans la sécurité apportée par un titre de propriété, le bon papier d’identité, une position de pouvoir, des flics-citoyens à tous les coins de rue ou un regard fuyant face aux différentes dominations se déroulant devant nous.
Au contraire, nous essayons de découvrir ce qu’est la liberté en opposant la solidarité et l’entraide à la délation, à la résignation et à la passivité ; en attaquant les infrastuctures du pouvoir pour détruire les murs dressés entre nous.
Soyons nombreux-nombreuses au procès des trois de Montreuil le 7 décembre, à 13h, à la 17e chambre du Tribunal de Bobigny (métro Bobigny Pablo Picasso).
Et à la cantine de soutien à A., le samedi 9 décembre, à 12h, à la Cantine des Pyrénées, 77 ue de la mare, Paris XXe (métro Pyrénées).
Liberté pour toutes et tous !