Samedi 9 décembre 2017, en début d’après-midi, l’ouverture d’un nouveau squat a été rendue publique à Montreuil, au 17-21 rue Ernest Savart.
Ce squat, où s’étaient installées environ 25 femmes, dont la plupart sont des migrantes venant notamment de Côte-d’Ivoire qui avaient été expulsées début octobre du 30 rue Gambetta, à Montreuil [1], avait pour objectif d’être à la fois un lieu d’habitation et un lieu d’activités publiques ouvertes à toutes et tous.
Le tract reproduit ci-dessous explique plus en détails la démarche des squatteuses, et notamment le fait que le tribunal administratif a condamné la Ville de Montreuil à reloger les expulsées du 30 rue Gambetta. Mais la Ville ayant fait appel de la décision, celles-ci restaient sans logement, d’où cette nouvelle ouverture de squat…
Samedi 9 décembre, alors que la plupart des soutiens étaient à l’intérieur du bâtiment avec les squatteuses, la police n’a pas tardé à se pointer. Une première voiture de flics en uniforme, dont certains décident de passer par-dessus le portail pour tenter de pénétrer dans le bâtiment occupé. Mais celui-ci est suffisamment bien protégé pour empêcher cette intrusion malvenue. Quelques temps plus tard, ce sont deux représentant-es de l’UGECAM [2], organisme propriétaire du bâtiment, qui arrivent et s’étonnent de l’occupation de ce bâtiment, pourtant laissé à l’abandon depuis de longs mois, au moins depuis l’ouverture de nouveaux locaux, place du Général de Gaulle, à deux pas de là [3].
La directrice s’avère pourtant assez rapidement conciliante et envisage même un accord pour convention d’occupation, bail précaire ou autre. Entrée dans le bâtiment avec des squatteuses pour constater que celui-ci est en parfait état, elle déclare les yeux dans les yeux que pour elle « le coeur l’emporte sur la raison », qu’ayant l’habitude des situations de détresse dans son travail elle ne pourrait pas mettre à la rue des femmes sans logement, surtout par le froid qu’il fait en ce moment, et que les occupantes pouvaient avoir l’assurance de rester au moins jusqu’à la fin de l’hiver. Certaines des squatteuses en avaient les larmes aux yeux de bonheur.
Une bien belle histoire, un scénario suffisamment rare pour être signalé.
Mais malgré toute la sincérité qui peut transparaître dans les promesses lancées par les propriétaires, comme par les politicien-ne-s ou tout-e représentant-e d’institution, les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient.
Le capital immobilier et potentiellement financier que représente la propriété privée s’oppose de fait à l’accès libre au logement. Ce sont deux réalités qui s’affrontent.
Juste avant les 48 heures du constat d’occupation par les forces de l’ordre, en tout début d’après-midi ce lundi 11 décembre, c’est avec dégoût et colère que les occupantes du 17-21 rue Ernest Savart ont vu débouler les flics en nombre, pour expulser le bâtiment, suite à un « arrêté préfectoral ». Évidemment en l’absence de la directrice de l’UGECAM, qui a pourtant sa part de responsabilité dans cette décision de mettre à la rue 25 femmes deux jours après leur avoir promis qu’elles passeraient l’hiver au chaud dans ce même bâtiment.
Finalement, la « raison » l’a emporté sur le coeur.
Le portefeuille et l’ordre l’ont emporté sur l’entraide et la solidarité.
Notes:
[1] Plus d’infos sur Paris-Luttes.info et dans quelques articles du journal Le Parisien: « Montreuil : des femmes et des enfants à la rue depuis une semaine » (13 oct. 2017), « Montreuil : la mairie assignée en justice par des squatteurs » (25 oct. 2017), « Montreuil : la mairie condamnée à reloger les squatteurs de la rue Gambetta » (27 oct. 2017), « Montreuil : l’espoir d’un relogement s’éloigne pour les expulsés » (10 nov. 2017).
[2] Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie, présentation historique de l’organisme ici.
[3] « L’UGECAM Ile-de-France inaugure son nouvel établissement : l’Espace Pédiatrique Alice Blum-Ribes » (14 mars 2017, sur le site de l’UGECAM Ile-de-France).