Notre-Dame-des-Landes: la trahison qui vient…

… ou comment on vous voit venir plus qu’un camion de GM sur la D281.

Accusé.e.s d’être parano, puis de voir advenir pire que ce qu’on imaginait, il nous vient l’envie de parler. «On s’est tu trop longtemps» dixit un.e voisin.e.

Ces derniers mois s’est construit l’idée qu’il y’a des occupant.e.s qui dégageront aux expulsions et des autres qui resteront. Il y a bien cette prise de position qui dit qu’on veut négocier pour toute la zad via une entité « commune ». Mais la façade se craquelle et les actes se font attendre. Toute une partie des occupant.e.s (qui se nomment eux-mêmes habitant.e.s) n’est pas inquiète, pas stressée mais plutôt bien occupée par la négociation pour « construire l’avenir », parce qu’illes savent qu’illes seront de celleux qui « restent », qu’illes ont des projets (alternatifs!)…

Et puis, après nous avoir tou.te.s trimballé.e.s à un rythme politicien de fou, où l’agenda était autant dicté par l’urgence des pro-négociations que par celle du gouvernement, nous voilà fin mars et on arrive peu préparé.e.s aux menaces d’expulsions. Tant de temps passé a faire avaler la pilule…. « Et là c’est le drame »… Au dernier moment, devant l’annonce du nombre de GM mobilisés pour le 9 avril, ça traverse l’esprit de la petite bande de l’avenir qu’illes seront peut-être aussi touché.e.s. Alors pire que leur indifférence, on a le droit à la panique du dernier moment et encore pire : leur crainte d’être associé.e.s à la mauvaise herbe, et, qui sait, de vivre aussi « l’horreur d’une expulsion ».

Cette réalité qu’illes découvrent, c’est celle que vivent plein de gens près de la route depuis qu’illes ont été vendu.e.s (non, donné.e.s!) pour la paix sociale à ce grand méchant loup d’Etat, ennemi d’avant-hier, allié potentiel d’hier et peut-être demain bourreau? On ne sait plus, ces vestes ont trop de doublures et cette politique manque de fond. Ca a senti bon le neo-agriculteur qui gardera une place grace au départ des parias, et pas de problème moral à « sacrifier » une partie des occupant.e.s et leurs lieux de vie… ahhh ils sont loin les 6 points (tant mieux!)!

On sait qui ne sera pas sur la route lundi matin, bien trop crispé.e.s de cette soudaine possibilité « d’en être » (peut-être vous avez aussi en tête que vous n’y seriez pas les bienvenus ?). Mais pas d’illusions, ceux qui ont gagné leur place pour rester ici ne seront pas les premières victimes de la répression : du soutien du réseau, du média, de l’agri, de la thune pour les avocats, pour cantiner, des solutions de replis… il y a tout cela qui isole la classe moyenne de la base. « Isolé.e.s », loin des solidarités de terrains, imperméables aux enjeux de l’autre.

Et la crainte des expulsions ressentie cette fin de semaine pluvieuse est à la hauteur de ce qu’il y a à perdre matériellement, dommage pour eux, ici certain.e.s luttent et n’ont pas tant à perdre que leurs idées, leur éthique… et n’ont pas d’illusions sur « l’élan de solidarité » pour la reconstruction. Pour sûr il y aura de l’aide ! Mais qui en bénéficiera ?

Et c’est pas si mal si enfin les masques tombent, si l’on voit clairement que celleux qui vont être attaqué.e.s en premier par les keufs (et qui le sont déjà d’ailleurs) représentent de simples dommages collatéraux pour la survie ici de celleux qui ont des projets, qui « se bougent », qui « avancent ». Des privilèges à la masse dans ce monde pourri qui poussent aux plus dégueulasses stratégies pour sauvegarder ce qu’on a. Comme par exemple avoir la confiance qu’après quelques jours d’expulsions les soutiens afflueront pour protéger les lieux « emblématiques », les lieux en dur, les lieux qui ont des projets. L’élite locale a bien ça en tête et en tire sa stratégie. Débarrassés des embarrassants, se disant que finalement l’Etat en restera peut-être là, car il aura « gardé la tête haute » en expulsant une partie de la zad afin d’assurer ses engagements. Car c’est bien cet argument qui a été avancé pour lâcher la route des chicanes, celui de permettre à l’Etat de ne « pas perdre la face » après l’abandon du projet.

2 mois et demi plus tard les expulsions sont imminentes.

Aujourd’hui on vient dans la précipitation mettre 3 barricades devant son quartier, par peur, pour se racheter une conscience, qu’importe ça ne comblera malheureusement pas tout ce temps écoulé depuis l’annonce des expulsions le 17 janvier qui aurait pu nous permettre d’être fort « ensemble » et de se préparer aux expulsions. Pour mémoire ce jour-là le gouvernement annonçait la fin d’un projet d’aéroport ET qu’il y aurait des expulsions, trou ou pas trou dans la route, négoc’ ou pas négoc’ avec l’Etat, entité du mouvement ou pas, radicaux ou pas… Il a été répété par l’élite zadienne qu’on faisait la division en ne « comprenant pas les enjeux » d’enlever les chicanes de la D281, aujourd’hui on dirait qu’on est pas si pourri en stratégie : ne jamais rien attendre de ses ennemis (n’a t’on pas clamé que l’Etat était notre ennemi?).

On sent que le soutien tant promis n’est pas là. Bizarre… mais qui serait donc l’interlocuteur.ice privilégié.e des comités locaux, des agriculteur.ice.s, des médias ? On lit d’ailleurs dans un article de Ouest (F)rance du 7 avril que les milliers d’anti-aéroports n’iront pas « voler au secours des radicaux» de la zad lors des expulsions. Comment ne pas pointer le groupe presse dans ce qu’ils diffusent depuis des mois (des années ouais!) à propos de la zad? Comment ne pas exploser de rage face aux prises de position des dominant.e.s se dissociant de celleux qu’illes ne peuvent pas contrôler, comme celui sur le débitumage de la route des chicanes (cf. « A propos de l’interruption des travaux sur la d281, des menaces d’expulsions et de nos engagements communs« ) ?

On ne défendra pas notre maison, on ira s’opposer à la répression là où elle s’abat. On ne défendra pas la zad mais on s’associera à des personnes avec lesquelles on partage du vécu, des idées, de l’affectif, des envies, des solidarités… Parce que c’est ça qu’on a appris ici, ça qui nous a fait tenir jusque là. Parce que des « habitant-es qui résistent » ont un jour ouvert leurs portes à des gens pas comme eux, marginaux et décalés, pour espérer lutter ensemble. Cette force là ne nous lâchera pas ! Et on luttera contre celles qui sont nos ennemies, contre la récupération des luttes du « bas », contre les privilèges et l’autorité de celleux qui en usent.

Contre le monde qui a besoin d’aéroport et de futurs députés européens.

(Publié le dimanche 8 avril 2018 sur Indymedia-Nantes.)