Le mardi 22 mai 2018, un jeune homme de 21 ans s’est fait arracher la main lors d’une charge de la Gendarmerie nationale dans un champ proche de la Châtaigne, sur la zad de Notre Dame des Landes.
Selon les premiers témoignages que nous avons pu recueillir, la personne tentait de fuir la charge: il semble peu crédible qu’elle ait pu ramasser la grenade dans l’intention de la projeter sur les gendarmes. Nous ne savons pas ce qui s’est passé, mais nous ne tolérerons pas que l’État, par le biais de la Procureure de St Nazaire, attribue la responsabilité de la mutilation au jeune homme blessé. Cette responsabilité appartient aux forces de gendarmerie présentes et, plus largement, a ceux qui autorisent l’usage d’armes potentiellement létales qui, comme nous pouvons en témoigner, mènent à des blessures que l’on retrouve en situation de guerre. Nous tenons à rappeler que lors de la première semaine d’intervention des forces de gendarmerie sur la zad, deux gendarmes avaient été grièvement blessés, au point d’être admis dans un service de réanimation, après s’être fait exploser une de leurs propres grenades dans les mains. Également en 2012, lors de l’opération César, l’unique blessé grave du côté des forces de l’ordre a été causé par une erreur de manipulation d’une grenade par un gendarme mobile, qui a explosé sur son pied.
Nous sommes atterrés par cette mutilation, mais n’en sommes malheureusement pas surpris. Depuis le 9 avril dernier, début des opérations militaires sur la zad, nous, équipe medic de la zad et collectif de soignant.es professionnel.les mobilisé.es, n’avons cessé de tirer la sonnette d’alarme quant à l’utilisation massive et dangereuse des armes par la Gendarmerie nationale. De même, nous n’avons cessé d’alerter et de manifester notre lourde inquiétude quant à l’issue de ce conflit. C’est pour cela qu’un collectif a décidé, le mercredi 18 avril 2018, de saisir le Défenseur des droits, Mr Jacques Toubon, à propos des violences policières commises sur la zad. Malheureusement, contrairement à ce que nous avions espéré, cette sollicitation n’a pas permis d’éviter un drame.
Combien de blessé.es, combien de mutilations, combien de traumatismes physiques et psychologiques allons-nous donc encore subir avant que l’État ne mette un terme à cette opération qui se révèle être le théâtre d’un déferlement de violences policière inédites ? Est-ce que la mort d’un opposant devra sonner la fin de cet acharnement injustifié ?
Nous tenons à rappeler que depuis le 9 avril, plus de 330 blessés ont été pris en charge par nos équipes : notamment suite à des tirs tendus de flash-balls ou de grenades GLI-F4 au niveau du tronc ou de la tête et même des parties génitales, ce chiffre étant toujours non exhaustif et sous-évalué. Au moins quatre personnes ont failli perdre un œil, une autre son pied, une autre encore ses testicules suite à un traumatisme scrotal grave qui a nécessité l’ablation partielle d’un testicule, nombreuses sont celles qui ont été touchées au niveau d’organes vitaux ou bien à proximité de la colonne vertébrale. Ainsi, vendredi 17 mai, une personne a été touchée au niveau de la fesse, par une grenade explosive. Transportée vers un hôpital après avoir été évaluée par nos équipes, un éclat de 2cm de largeur/longueur/profondeur a été retiré du moyen fessier et un autre a été objectivé dans un rein. Nous avons également été témoins, à quatre reprises, d’éclats d’origine inconnue trouvés dans les chairs à des endroits particulièrement sensibles (proche de la colonne vertébrale, dans la cuisse, proche de l’artère fémorale…). Quasi systématiquement, ces blessés ont dû subir une intervention chirurgicale. L’un des éclats en question est l’une des pièces qui sert au mécanisme du détonateur d’un type de grenade, il mesure 2cm. Or, les forces de l’ordre assurent que ce genre d’éclat ne peut pas être retrouvé dans les chairs.
Nous réaffirmons donc que les forces de l’ordre utilisent leurs armements de façon potentiellement létale, et dans certaines situations, a visée offensive plus que défensive avec :
– des tirs tendus de flash-balls ou de grenades au niveau du tronc, de la tête ou des organes génitaux externes,
– des grenades de désencerclement lancées par-dessus des haies sans visibilité ou bien directement au milieu de la foule. Certaines de ces grenades sont ainsi tombées dans les capuches ou les sacs à dos des personnes présentes et la sauvegarde de ces personnes ne tient qu’à la présence d’esprit et au courage des témoins qui ont pu les ôter immédiatement.
Les atteintes sont graves, les séquelles seront lourdes. Tout cela sans compter la destruction des habitats de nombreuses personnes, la répression judiciaire qui distribue des peines de prison à tour de bras et la criminalisation des blessés qui subissent des interrogatoires et des pressions directement à l’hôpital !
Nous réaffirmons que ce que le gouvernement met en œuvre pour réprimer la zad est susceptible chaque jour de provoquer un mort, tout cela dans le seul but de continuer à détruire des maisons et des lieux de vie. Nous observons que, par le biais de ces mutilations, l’État met petit à petit en place un climat de terreur qui aurait pour but de neutraliser toute personne susceptible de contester les injonctions gouvernementales.
Nous aimerions pouvoir dire que toute la lumière sera faite sur cette affaire, mais le classement sans suite de toutes les plaintes déposées suites aux violences policières du printemps 2016 à Nantes montre bien qu’il n’y a pas de justice à attendre pour ces victimes.
La situation d’aujourd’hui repose plus que jamais la question suivante : jusqu’où l’État est-il prêt à aller pour combattre les formes de vie collective qui ne rentrent pas dans ses cases ?
Nous demandons le retrait immédiat des grenades GLI-F4 du panel d’armement mis à la disposition des gendarmes mobiles.
Nous demandons expressément que le dispositif policier cesse ses attaques et se retire enfin de la zad.
L’équipe medic de la zad & le collectif de soignant.es professionnel.les mobilisé.es.