Marseille: expulsion du S.N.A.C.K.

Depuis mi-octobre, un nouveau lieu autogéré d’activité et d’habitation était ouvert au 1A rue Espérandieu, le S.N.A.C.K. Il a été expulsé illégalement vendredi 6 décembre.

Début décembre, coup de théâtre : arrivé.e.s au S.N.A.C.K. pour une réunion et un atelier prévus de longue date, nous constatons qu’un des verrous a été changé et l’autre bloqué très sommairement avec une vis mal enfoncée. Pas prêt.e.s à se laisser faire, nous décidons d’être plus vigilant.e.s et appelons à soutien pour les jours suivants. Nous reprenons alors les activités prévues dans ce lieu qui est notre chez nous depuis déjà plus d’un mois, notamment pour trois personnes qui y vivent : préparation de banderoles pour la grève, atelier dj, présentation d’une revue, préparation d’un événement de soutien, une semaine normale au S.N.A.C.K. en somme ! Jusqu’au moment où, vendredi à 19h, alors que nous sommes en réu et qu’une présentation de revue a lieu dans les pièces du bas, on aperçoit les uniformes à travers la vitrine. On ouvre alors la porte vitrée (mais pas la grille) pour leur demander ce qu’il se passe, mais les flics expriment clairement qu’iels ne sont pas en mode discussion et de grands coups commencent à se faire entendre sur la porte de la cour. Pause, le mot tourne vite auprès de la quinzaine de personnes présentes : « C’est les flics ! ». Ielles sont en train de défoncer la porte à grands coups de pied ou de bélier ! Des bouts de bois et une barre en métal volent jusque dans la cour où les participant.e.s à la présentation de la revue PD sont réuni.e.s. On s’organise vite pour récupérer quelques-unes de nos affaires, reflets de nos beaux moments partagés ici depuis le début du S.N.A.C.K. : jeux, caisses prix libre, etc… La porte vole en éclats, puis une vingtaine de flics en tenue anti-émeute et BACeux entrent en criant.

Iels nous regroupent tou.te.s dans la cour et veulent contrôler nos identités : apparemment nous sommes accusée.s d' »occupation illicite » et de « dégradations graves ». On leur demande de laisser sortir les personnes qui sont venues participer aux activités. On se divise alors en 2 groupes :

l’un sommé de se mettre en file pour un contrôle d’identité ; iels nous demandent et notent nos noms, prénoms, date de naissance, adresse et numéro de téléphone, et nous demandent de présenter un justificatif (carte d’identité, carte vitale, carte bancaire, titre de séjour) qu’iels prennent parfois en photo. Iels tchèquent quelques sacs puis nous laissent sortir un.e par un.e. Certain.e.s personnes n’ont jamais vécu d’expulsion ou ne connaissent que trop bien les violences policières et cette interaction avec ces flics agressifs est très angoissante. Heureusement devant le lieu, on retrouve de nombreux.ses camarades qui ont répondu aux appels à soutien.
l’autre groupe reste dans la cour : on doit aussi donner nos identités oralement. Alors que les flics prétendent qu’on serait rentré.e.s le matin même, certain.e.s d’entre nous ne se laissent pas démonter et commencent à faire valoir les innombrables preuves qui montrent que nous occupons les lieux depuis le 18 octobre : souscription à un contrat d’électricité, lettre avec cachet de la poste, proposition de témoignages immédiats du voisinage et même événements postés sur internet. Or, après 48 heures ou plus d’occupation, il faut nous faire un procès pour pouvoir nous expulser ! Ce que l’on vit est donc une expulsion illégale ! Nos preuves ne sont même pas regardées et la trêve hivernale n’y change rien. Le commissaire et l’OPJ se contentent de nous dire qu’on sera convoqué.e.s pour les dégradations graves et qu’on pourra faire valoir nos droits à ce moment là et peut-être récupérer notre squat… La bonne blague ! On demande quelles sont les dégradations graves et on nous répond « le changement de verrou »… On insiste pour rester dans les lieux mais le commissaire met vite fin à la discussion « bon, j’appelle le cellulaire, il est en route » (cellulaire : fourgon cellulaire, pour nous embarquer en GAV). On négocie alors encore d’amener quelques affaires mais là aussi iels s’impatientent assez vite, nous devons abandonner une bonne partie du matos et sortir.
Pendant ce mois et demi d’occupation, beaucoup d’activités se sont déroulées ou étaient prévues pour les prochaines semaines, démontrant s’il en était besoin la nécessité de ce genre de lieu. Ça a aussi été une belle aventure collective pour nous qui avons coordonné les activités, entre les heures de réu, les parties de baby-foot, les nuits à se demander si on allait pouvoir rester le lendemain puis commencer à y croire et à se sentir chez nous, les créations de banderoles, les karaokés, les ateliers, les soirées jeux, la récup de matos, la première cantine, la fanzinerie… Pour toutes ces raisons, on n’a pas l’intention de lâcher l’affaire et on est surmotivé.e.s à trouver et ouvrir un S.N.A.C.K. 2 dès que possible !

D’ailleurs, si t’as des plans à nous refiler, ou qu’on pourrait transmettre à d’autres camarades qui ont besoin d’un endroit où habiter, n’hésite pas à nous écrire.

On remercie toutes les personnes super réactives qui sont venues soutenir le lieu pendant les premiers jours d’occupation puis après le changement de verrou et pendant l’expulsion, qui nous ont amené du matos ou ont proposé des activités.

On a la rage ! On a la frite ! Et on est toujours là !

Le S.N.A.C.Krew
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[Publié le 11 décembre 2019 sur Marseille Infos Autonomes].