Samedi 26 septembre 2020, plus de 400 personnes marchent sous la pluie pour la liberté et la dignité humaine
Des calaisien.n.es, militants, bénévoles associatifs et personnes exilées se retrouvent sous une pluie battante pour partir en cortège de protestation depuis le campement qui jouxte l’hôpital de Calais. Malgré le vent et la pluie, les exilé.e.s se joignent au défilé en dansant au son des tambours, menant la marche et paradant avec joie et détermination sous la pluie.
A l’arrivée Place de Norvège, quelques prises de paroles de soutiens et d’exilés alternent avec de la musique et des improvisation hip-hop en toutes langues. En dépit du froid, c’est un moment d’euphorie et d’unité entre des personnes qui n’ont pas l’occasion de se côtoyer en ville autrement.
Au micro, des exilés témoignent de leur fatigue et de leur exaspération face au harcèlement quotidien de la police qui expulse, détruit les tentes et confisque leurs matériels, appellent à être traités comme des êtres humains et non comme des animaux.
Au coin de la rue, des associatifs posent une petite table et servent du thé et du café en respectant une limite imaginaire et risible de l’arrêté préfectoral restreignant les distributions de denrées alimentaires.
La question humanitaire liée à l’actualité récente de l’arrêté prefectoral interdisant les distributions de denrées alimentaires écrase la plupart des revendications dans la couverture médiatique. Ceci alors que cette mobilisation fut réfléchie dès le mois de juillet en réaction à la venue de Gérald Darmanin (voir ici) aux nombreuses expulsions inutiles de cet été, aux éloignements forcés (voir ici, ici), aux privations d’hygiène et à l’accès à l’eau potable (lire action Bain Public), aux destructions matérielles et au harcèlement policier quotidien que subissent les personnes à la rue à Calais.
S’il est vrai que les personnes ont froid la nuit et survivent dan s des conditions de vies indignes, dégradantes et inhumaines (lire le rapport de la défenseure des droits), et que la pression monte du fait de l’arrivée de l’hiver, l’arrêté du 11 septembre ne vient qu’enfoncer le clou d’une situation déjà inacceptable en visant une nouvelle fois la solidarité, ce faisant s’attaquant encore plus au lien social en cherchant à isoler d’avantage les personnes.
A l’heure du Brexit et des discussions autour d’une re-négociations du règlement Dublin les revendications vont pourtant bien au-delà de la situation du seul Calaisis.
En effet l’appel à la solidarité résonne de Moria à Briançon et partout en Europe.
Des collectifs se lèvent pour faire cesser la stigmatisation et les politiques violentes et déshumanisantes envers les personnes en exil.
Actuellement, des marches solidaires sont parties d’un peu partout en France pour converger vers une grande mobilisation nationale à Paris le 17 octobre. Cette date symbolique commémore le massacre du 17 octobre 1961, lors de la répression meurtrière par la police française d’une manifestation d’une manifestation d’Algériens organisée à Paris par la fédération française du FLN.
Samedi 26 septembre, nous sommes heureux·se·s d’avoir vu des exilé.e.s, calaisien.e.s , militants et bénévoles s’exprimer en dansant, en chantant, en se montrant dans les rues.
Nous sommes heureux d’avoir participés à l’organisation de ce moment qui a fait du bien à tout le monde, mais dans la situation actuelle, nous ne pouvons nous satisfaire que de ça.
Nous continuerons donc à vous avertir des prochaines mobilisations, les situations inhumaines que créent volontairement les autorités ne resteront plus invisibles.
Calais: La pression ne retombe pas.
Des centaines de militants et d’exilés ont manifesté samedi à Calais pour dénoncer l’arrêté qui interdit aux associations de distribuer de la nourriture aux migrants. La veille, le Conseil d’État a refusé de suspendre le texte estimant que « cette interdiction n’empêche pas les associations de réaliser leurs missions à proximité immédiate du centre-ville ».
Les associations d’aide aux migrants de Calais maintiennent la pression deux semaines après la publication de l’arrêté interdisant aux humanitaires de distribuer de la nourriture aux exilés présents dans le centre-ville. Samedi 26 septembre, des centaines de personnes ont manifesté à Calais pour dénoncer le texte et les conditions de vie des migrants à l’approche de l’hiver.
Selon l’AFP, environ 250 militants et exilés ont battu le pavé sous la pluie. Les associations évoquent, elles à InfoMigrants, le double de participants. « Au départ, on était un peu plus de 200 mais au fil de la journée, la marche a grossi », assure Juliette Delaplace du Secours catholique.
Le Conseil d’État ne suspend pas l’arrêté
La veille, le Conseil d’État, saisi en urgence par les associations, a refusé de suspendre l’arrêté préfectoral qui fait polémique, tout comme le Tribunal administratif de Lille quelques jours plus tôt. Le Conseil d’État déclare dans un communiqué que l’interdiction « n’empêche pas les associations de réaliser leurs missions à proximité immédiate du centre-ville » et que « l’interdiction de distribution est strictement limitée aux zones définies par le préfet ».
Le juge des référés « observe tout d’abord que l’État a mis en place, à l’est de l’agglomération, des points d’eau et des toilettes, et procède, par l’intermédiaire de l’association la Vie active, à des distributions de boissons et de nourriture » mais aussi que l’interdiction prononcée « ne prive pas les associations de la possibilité d’exercer leur mission, en dehors de la zone interdite par l’arrêté, y compris à proximité des lieux de vie des migrants ».
« Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’État, qui ne s’est pas prononcé sur le caractère justifié et proportionné de l’interdiction, a estimé qu’il n’y avait pas d’urgence à ordonner, dans le délai de 48 heures prévu en matière de référé-liberté, la suspension de l’arrêté préfectoral », explique encore le communiqué.
Le même jour, quatre députés de la France insoumise (LFI) ont mené une action symbolique en apportant des paniers-repas à des migrants de Calais. Les élus ont fait l’objet d’un contrôle d’identité et se sont vu dresser quatre procès-verbaux, qu’ils n’ont pas signés, a indiqué le député LFI Ugo Bernalicis, en expliquant ne pas reconnaître qu’il s’agissait d’une infraction.
Estimant que les repas distribués « légalement » par l’association la Vie active, mandatée par l’État, « étaient moins élaborés » que ceux servis par les autres associations, Ugo Bernalicis a déploré « l’entrave sanitaire opérée par la préfecture et la mairie de Calais, qui empêchent de nourrir convenablement les migrants ».
L’arrêté « est constitutif d’une discrimination fondée sur la nationalité »
Jeudi 24 septembre, la Défenseure des droits avait elle aussi dénoncé le texte après avoir effectué une visite de deux jours dans la ville. « En privant les exilés de l’accès à un bien – la distribution de repas -, la mesure de police contestée est constitutive d’une discrimination fondée sur la nationalité », a fustigé Claire Hédon. « L’accès à la nourriture, à l’eau et à l’hygiène est difficile et complexe », a-t-elle ajouté.
« Certains exilés n’arrivent pas à manger tous les jours. Les distributions de repas, à horaires variables et pas toujours respectés, sont parfois éloignées des lieux de vie », continue la Défenseure des droits.
Durant sa visite, Claire Hédon a constaté « la volonté d’invisibiliser les exilés à Calais », où environ 1 200 à 1 500 migrants désireux de rallier la Grande-Bretagne, dont des femmes et des nourrissons, « dorment à même le sol, cachés sous des buissons, quelles que soient les conditions climatiques ».
« Au moment même où la Commission européenne » a dévoilé mercredi son projet de refonte de la politique d’asile, « la Défenseure des droits souhaite que les discussions s’ouvrent enfin sur les voies légales de l’immigration et exhorte les pouvoirs publics à ne pas s’obstiner dans ce qui s’apparente à un déni d’existence des exilés qui, présents sur notre territoire, doivent être traités dignement, conformément au droit et aux engagements internationaux qui lient la France ».
Dimanche, une énième expulsion de campements de migrants a eu lieu « malgré la pluie et le vent », signale le collectif Human rights observers (HBO). « Six tentes, des couvertures et des bâches ont été saisis. Une personne n’a pas eu le droit de récupérer ses chaussures », alertent les militants qui affirment que « les droits fondamentaux ne sont toujours pas respectés ». Selon HBO « pas moins de 750 expulsions » ont été recensées à Calais depuis le début de l’année.
Les sans papiers en France: https://radar.squat.net/fr/groups/country/FR/topic/sans-papiers
Des squats en France: https://radar.squat.net/fr/groups/country/FR/squated/squat
Des groupes en France: https://radar.squat.net/fr/groups/country/FR
Des événements en France: https://radar.squat.net/fr/events/country/FR
Passeurs d’hospitalités, le 29 septembre 2020 https://passeursdhospitalites.wordpress.com/2020/09/29/plus-de-400-personnes-marchent-sous-la-pluie-pour-la-liberte-et-la-dignite-humaine/
InfoMigrants, le 28 septembre 2020 https://www.infomigrants.net/fr/post/27585/a-calais-la-pression-ne-retombe-pas