À Tozeur, aux confins de l’Atlas et du désert du Sahara, des émeutes ont eu lieu dans la soirée du samedi 19 décembre 2020, jusque tard dans la nuit. Les manifestant·e·s, dont certain·e·s font partie de la Coordination de la « création d’une nouvelle Tozeur », revendiquent des terres domaniales, notamment pour y ériger des maisons ou légaliser leur situation (et donc éviter des menaces d’expulsion). De plus, selon la Coordination de la « création d’une nouvelle Tozeur », un groupe de personnes influentes ont saisi plus de 18 hectares de terres du domaine national, ce qui les a également poussé à protester, afin de mieux répartir ces terres.
D’abord en mode manif/rassemblement au centre-ville vers midi, en face de l’hôtel du gouvernorat de la municipalité de Tozeur, la situation s’est animée dans tout le quartier quand des affrontements avec la police ont éclaté, pierres contre gaz lacrymogènes.
Des barricades ont été dressées, entre autres avec des pneus en feu. Des slogans ont été scandés, appelant à la démission du gouverneur de Tozeur et à la dissolution du conseil municipal. Des bâtiments des autorités locales et nationales ont été attaqués, et un supermarché Carrefour a été pillé (lors duquel des affrontements ont eu lieu avec les vigiles).
Des arrestations ont été effectuées par la police lors des émeutes. Le lendemain, six personnes ont été relâchées, a priori sans poursuites.
Par la suite, sans grande surprise, comme on peut le voir en France dans des situations semblables, les médias tunisiens ont parlé de « casseurs infiltrés » parmi les « manifestants » (comme si les casseurs n’étaient pas des manifestants eux aussi, comme si casser n’était pas aussi un moyen de protestation), et la Coordination de la « création d’une nouvelle Tozeur » s’est dissociée du pillage du Carrefour et des attaques contre les bâtiments officiels. Ou comment se dissocier de tout ce qui a donné du poids à leur protestation ! Là aussi, c’est du classique, les citoyennistes veulent rester dans un cadre de négociation, de représentation et de participation au système.
Pour prouver une fois de plus l’efficacité de la colère populaire en actes sur les décisions du pouvoir, moins d’une semaine après cette soirée émeutière, le ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières a décidé de céder à la municipalité de Tozeur une terre domaniale de 200 hectares, pour l’aménagement de lotissements sociaux et le renforcement du capital foncier de ladite municipalité. C’est pas comme si ça allait changer profondément les rapports sociaux et les inégalités quant aux conditions de logement, mais comme lors de nombreuses luttes, l’État ne lâche rien sans qu’on lui mette sérieusement la pression.
[Sources: Tunisie numérique 1, 2 & 3 | Tuniscope | Réalités | Web Manager Center | Webdo.]