Carla, la dernière incarcérée spécifiquement pour l’opération « Scintilla » à Turin, est sortie aux arrêts domiciliaires (assignation à résidence) ce vendredi 9 avril dans la soirée.
La procureur avait requis son éloignement de ses proches et de toute personne liée au mouvement anarchiste.
Elle est donc dehors mais fait face à une série de restrictions : interdiction de sortir, de recevoir des visites, ainsi que de rentrer en contact, par n’importe quel biais (téléphone, mail, courrier…) avec qui que ce soit. Un isolement total, mis à part les deux personnes qui l’hébergent et qui vivent à l’adresse en question.
Pour rappel, 18 personnes sont désormais inculpées dans cette affaire pour « association de malfaiteurs à visée subversive ». Les dates de procès ainsi que les chefs d’inculpation définitifs seront confirmés à l’issue des audiences préliminaires qui auront lieu les 4 et 28 mai ainsi que le 6 juin.
Ce sera aussi l’occasion pour Carla de plaider un allègement des restrictions, ou une éventuelle sortie, avant la date butoir du mandat de dépôt d’un an qui a débuté avec son arrestation en juillet dernier.
On suppose que le procès commencera à l’automne.
Solidarité avec Carla et avec les autres anarchistes poursuivi.e.s par l’Etat italien.
Contre toutes les prisons !
Ci-dessous, un récit de Carla sur la protestation qui a eu lieu à Vigevano, dans la section pour femmes de haute sécurité (AS2), en janvier dernier suite à la coupure des communications avec l’extérieur:
«Vigevano, le 15 janvier 2021
Le téléphone a cessé de fonctionner le 2 janvier, pour l’ensemble de la prison. Quand je dis l’ensemble de la prison je pèse mes mots, tous les services et acteurs confondus ont été privés de ce moyen de communication. Je te laisse imaginer la panique !
Je dois dire qu’on a fait montre de beaucoup de patience. La première semaine on n’a presque rien dit. Le vendredi dans l’après-midi, l’électricité aussi a sauté dans les cellules et on est restées deux heures sans télé pendant la fermeture de l’après-midi. Autre forme de panique qui m’a un peu laissée de marbre mais qui a déclenché chez les autres une battitura pour le retour de l’électricité ponctuée quelques fois de rappels concernant le téléphone. Bon la télé est revenue et tout le monde s’est rendormi pour quelques jours.
Dimanche petite secousse, on se passe le mot, si demain il se passe rien battitura et grève de la gamelle. Petite secousse sans réplique parce qu’une gradée est venue nous dire que « peut-être demain » ça irait mieux. On s’est fait balader encore trois jours comme ça mais mercredi un petit détail a fait déborder le vase. On est venu nous dire qu’aujourd’hui encore on n’aurait pas appelé nos familles parce que le téléphone était encore en panne mais que le bâtiment des hommes et les femmes de la section de droit commun auraient, eux et elles, passé un appel depuis le smartphone qu’on utilise pour whatsapp. Appel à nous refusé au motif que nos appels en tant qu’AS (Alta Sicurezza, Haute Sécurité) doivent être enregistrés au moyen de la cabine. On a à peine eu besoin de se consulter et vers 12h45, on a commencé la battitura.
Dans le couloir les petites lucarnes qui permettent aux matons de nous regarder quand on est aux toilettes résonnent et font un bruit d’enfer. Les couvercles des poêles sur les portails aussi. On s’est mises aux fenêtres de la salle commune pour que le bruit rejoigne le bâtiment des hommes. Ca n’a pas manqué, la section commune des femmes et certaines sections des hommes se sont jointes à nous ! Cette première battitura a duré 45 minutes intenses et pas un gradé n’a pris la peine de se déplacer.
Donc on a décidé de faire une petite pause, pour calmer nos oreilles, relaxer nos poignets et écrire un communiqué à l’adresse de la direction, qui mentionnait nos intentions de reprendre la battitura, de ne pas rentrer en cellule à 15h, de refuser la gamelle et les médicaments, et la grève des lavoranti (auxis, mais ici ça tourne plus qu’en France). On a repris à 14h15 et quand la fermeture a été annoncée on a interrompu la battitura pour dire qu’on ne rentrerait pas, et on est restées dans le couloir.
On avait un peu passé un pallier donc c’était plus possible de nous ignorer. Un inspecteur de la sorveglianza est venu. La sorveglianza c’est l’équipe d’intervention de la prison. Ils et elles regardent les caméras en permanence et se déplacent en cas de problème. C’est pas encore l’équivalent des ERIS (qui sont les GOM). Il est venu en nous disant qu’il avait pas de réponse à nous donner. On lui a fait la liste de nos griefs avec toute une série de variations de ton puis il est parti en disant qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire. La matonne a de nouveau sollicité la fermeture des cellules et on a dit qu’on restait dehors. Au bout d’une dizaine de minutes l’inspecteur est revenu et il a dit que le directeur allait proposer à l’AP de nous faire téléphoner comme les autres et que la réponse nous serait communiquée le lendemain à 11h. Après 1 heure de refus de regagner nos cellules on a suspendu la protestation jusqu’au lendemain pour la réponse.
A 8 heures du matin le jour d’après on nous a dit que le téléphone avait été réparé et qu’on allait pouvoir téléphoner normalement. Je suis pas sûre que ça ait un lien direct avec nos protestations mais ce qui est certain c’est qu’aucune de nous n’a regretté la journée de la veille et qu’on s’est toutes redit qu’on aurait recommencé s’il l’avait fallu.»
[Publié le dimanche 11 avril 2021 sur Indymedia-Nantes.]