Lettre ouverte au comité de rédaction de la revue CQFD
A propos de l’article « Petit soulèvement deviendra grand »
Merci pour ce dossier passionnant et revigorant inclus dans cet historique numéro 200 ! Heureusement qu’il existe des collectifs « informels » comme celui des Soulèvements de la Terre, né sur la ZAD de NDDL, pour lancer des mobilisations, malgré l’ambiance morose.
On comprend que, pour l’équipe du journal, la collaboration pour ce dossier avec ces combattant-es, fort-es de leur victoire historique contre l’aéroport, soit indispensable : une maîtrise incomparable des outils de communication, des dossiers de presse bien ficelés, des personnes-ressources, universitaires et militant-es, et surtout une expérience dans l’organisation, bien « affûtée », comme le note votre envoyé spécial. On devine l’expertise de professionnel-les, loin des bricolages des amateurices.
« Un tapis d’étincelles »
Il est très enthousiasmant de retrouver, toujours aux avant-postes et « aux manettes », dans ce nouveau mouvement, des protagonistes qui ont joué un rôle inestimable dans la survie face à l’État de « ce lieu [, la ZAD, qui] reste depuis un territoire d’expérimentation et un symbole fort, brassant initiatives et militants ». Par modestie sans doute, le négociateur qui a si bien subjugué la préfète en 2018, se présente sous son nom de scène médiatique ; c’est-y pas jojo, tout ça ! Heureusement, un autre « historique de la lutte », une autre des éminences grises de la ZAD, n’a pas ce scrupule ! Nicolu peut ainsi lister tous les combats victorieux : un sacré tableau de chasse pour « ouvrir des brèches », lui qui a fait ses armes aux Tanneries de Dijon. Mais, modestement, cette lutte et le compromis trouvé avec la mairie ne fait pas partie de sa liste.
Votre envoyé Émilien Bernard fait bien d’éluder les conditions réelles dans lesquelles se sont déroulées les luttes internes au mouvement d’occupation de la ZAD. Il ne faut pas décourager les bonnes volontés si l’on veut « fédérer largement » ! Les tièdes pourront se voir intégrer à l’organisation moyennant quelques carottes matérielles ou symboliques. Mais dans l’histoire officielle, relayée par la presse « critique », il vaut mieux masquer l’autre face de cette « force agissante » en interne à l’encontre des plus irréductibles qui s’opposent radicalement aux stratèges d’un mouvement. Une large publicité faite sur le bâton des intimidations, des menaces, voire des actions de milice visant à enlever et rouer de coups un opposant, n’inciterait pas à faire grossir « des forces vives encore limitées ».
« Un spectre hante ce week-end »
Ce spectre existe et se prénomme A., mais pour des raisons de sécurité il restera anonyme. Mais Émilien Bernard n’a peut-être pas contacté les informateurices adéquates sur cette question, comme sur d’autres : les fractures subies par A. le 20 mars 2018 : « Prise de position de la légal team sur les actions de milice à la ZAD » comme punition pour son opposition, et comme intimidation pour d’autres, se sont, sauf erreurs, consolidées. D’un côté, il n’est donc pas tout à fait exact d’écrire que « des plaies [ne sont] toujours pas refermées » puisque A. ne marche plus avec des béquilles. La phase de terreurs et de cauchemars nocturnes s’est atténuée. D’un autre côté, le trauma est, lui, toujours vif et c’était bien le but recherché.
Quant à ceux et celles qui ont fait les frais de cette victoire, au prix de traumatismes psychologiques, de destructions de sociabilités et de pertes matérielles, il est plus prudent pour cette légende vivante que représente la ZAD de les présenter comme de simples « dindons de la farce ». Encore que dans une perspective de respect des non-humains, comparer ce monde-là, utile pour la victoire mais bien encombrant après, à des gallinacées n’est peut-être pas à l’avantage des volatiles… Il y a toujours des sacrifices nécessaires, mais d’autant plus faciles que se sont les plus faibles et les moins organisés qui doivent dégager.
« Un foisonnement difficilement descriptible »
Oui « une belle respiration, donc. » On est heureux de retrouver la même équipe aux commandes pour s’engager dans de nouvelles luttes.
Oui, on participera avec enthousiasme à toutes ces « saisons » à venir, mais en choisissant soigneusement d’être du bon côté de la lutte. Du côté de celles et ceux « qui s’organisent… », qui sont en mesure, grâce à leurs ressources matérielles, sociales, culturelles, d’organiser le travail des prolétaires des luttes. Pour s’en approprier ensuite le résultat et constituer une force matérielle, une « machine de guerre communiste » Ouah ! « Renverser la table… » mais pour s’y installer ensuite ! Et pourquoi pas ?
Cette équipe qui gagne (pourquoi donc en changer ?) est aussi sur d’autres fronts. Mais peut-être aurons-nous le plaisir d’un reportage dans le numéro de rentrée de CQFD ? Car la ZAD de NDDL a aussi organisé avec les mêmes encadrants de la lutte Le Rassemblement intergalactique 2021, en tentant de se réserver, au détriment d’autres lieux de lutte, un monopole sur l’usage des quelques zapatistes, en tourisme militant inversé, ayant contourné le blocus administratif. Une belle fête entre homologues, occupants une place éminente dans leur créneau militant respectif.
Des rencontres et discussions d’un genre, si l’on peut dire, bien rodé mais fondé implicitement sur un antagonisme de classe. Réunion en mixité choisie : entre bureaucrates horizontaux, bienvaillant-es et inclusives mais sans prolétaires des luttes et autres schlagues et bouffons de l’est. Le petit personnel d’exécution est cependant requis pour les préparatifs, l’intendance et les rangements. Il est recommandé de venir sans chien ! Et les dindons ?
Bonne continuation et vivement vos prochaines enquêtes qui redonnent le moral !
Des militant-es enthousiastes
Bonus pour l’appel-list de la prochaine « Saison »:
– Ça y est on a gagné (mai 2017)
– Signe ou saigne (avril 2017)
– Kali et Mino à table
(dès qu’Indymedia-Nantes sera de nouveau disponible…)
[Publié le 7 septembre 2021 sur Bourrasque.]