Paris: communiqué des Midis du Mie à propos des jeunes migrants chassés par la police

NOUS DÉNONÇONS / Les enfants chassés

Raconter ne changera rien, mais ne pas raconter non plus. Il y a de quoi raconter et il est difficile de savoir par où commencer. Continuer de raconter sans fin pour dénoncer avec l’infime espoir restant qu’un responsable politique se sente concerné, qu’il attrape la balle et arrête de la renvoyer ? Qu’il tende la main et décide de faire preuve d’un minimum de courage et d’humanité par les faits ? 

Nombreux sont pourtant ces responsables à scander leurs valeurs humanistes et solidaires, tels des mots indispensables à la bataille politique, des slogans indispensables de campagne qui pourraient encore séduire les hésitants en quête de ce qu’il reste d’une croyance politique. Peut-être même que dans les votants il y en a qui font encore réellement confiance et peut-être qu’en se convainquant à voter pour le moins pire on peut encore espérer le moins pire et pourtant…

La mairie de Paris a su porter plainte contre les occupants d’une école désaffectée depuis 4 ans, refugiant des jeunes harcelés depuis des mois par la police dans ses rues.
Cette même mairie qui a décidé de laisser la situation pourrir sans rien faire malgré les alertes quotidiennes de la dangerosité omniprésente.
Cette même mairie qui quand elle a compris que l’audience pouvait se retourner contre elle, l’obliger à reloger, a su suggérer d’en sortir pour aller sur une place publique, histoire de refiler le problème à la préfecture et de se dédouaner.
Cette même mairie qui a refusé de dépêcher un agent de sécurité pour protéger les jeunes et leurs soutiens de menaces et d’attaques de l’extrême droite alors même qu’une enquête pour incitation à la haine venait d’être ouverte, invoquant que cela coûte trop cher.
Une fois les lieux quittés et vides, elle a pourtant su le sécuriser en embauchant immédiatement 3 agents de sécurité : la propriété vaut donc mieux que les vies de centaines de personnes. Au passage, les 6 cabines de wc de location de base n’ont pas été enlevées immédiatement, une caravane de chantier confortable a été installée pour les 3 agents de la sécurité du lieu vide: les dépenses pour le confort matériel et la sécurité valent plus pour certains que pour d’autres. Rien de nouveau mais pas moins scandaleux.

Après le carnage d’une violence démesurée par la préfecture et sa BRAV-M laissant des mineurs au sol inconscients, blessés, hospitalisés et ayant traumatisé toutes les personnes présentes dispersées par la violence, la terreur et quand même les plus robotisées des forces de l’ordre ne peuvent faire disparaître les humains, il a bien fallu tenter de dormir quelque part. Est-ce ce utile, hélas a priori oui, de rappeler que les humains ont des besoins physiologiques tels le sommeil et que rien ne doit pouvoir les en priver. Est-ce utile de rappeler que la privation de sommeil est un mode de torture utilisé sous des régimes de dictature, une technique d’interrogatoire utilisée à Guantanamo?

Après les vidéos et les témoignages insoutenables, on aurait pu croire à un sursaut d’humanité de la part de responsables politiques que tout oppose dans la bataille politique au fracas des principes de la République qu’ils défendent. Rien. Pas un mot de la Mairie de Paris, encore moins l’once d’une proposition. Pourtant, quelques heures auparavant, sur le compte Twitter de madame Hidalgo on pouvait lire une nouvelle fois son “soutien pour accueillir dignement ceux qui cherchent refuge”. On pouvait donc espérer un Twitt dès le lendemain pour dénoncer l’inacceptable arrivée au cœur de sa ville “refuge”. À croire que les regards étaient de l’autre côté du carrousel, rivés sur la fierté de la bonne organisation du défilé Louis Vuitton sur le pont Neuf privatisé…

Pas un mot et pas une seule réaction. Alors, chassés, choqués on a été se réfugier là où l’on imaginait trouver un peu de tolérance. On a tout passé en revue. Une réflexion s’articulant autour de “où les jeunes vont pouvoir se reposer un peu sans que la police vienne chasser ?”

Comme dans Paris c’est la répression , que le 0 tente est de mise, c’est dans une commune communiste en périphérie que nous nous sommes dirigés après avoir été une nouvelle fois chassés, après quelques heures du milieu de la nuit, passées la veille dans un square de la capitale.
En ce lendemain d’épouvante, c’était aussi la fête de la musique et un parc départemental ouvert semblait permettre ces quelques heures de répit. On aurait pu penser y rester mais dès le lendemain les horaires ont été modifiés pour une fermeture à 16h à la place de 22h, suivi d’une fermeture exceptionnelle et de nouvelles modifications d’horaires.
La réponse a donc encore été d’interdire l’accès avec des portes laissées fermées. Les quelques couvertures de la veille ont été mises à la benne et le lendemain il a fallu trouver un autre coin caché dans un autre parc…
Ce parc public est ouvert 24h/24. Rien ne précise un temps de présence maximum obligatoire, ni un nombre limité pouvant le fréquenter. Il ne précise pas non plus pour quel public. Pourtant, dès le lendemain une plainte était déposée par la Communauté des communes. La police est venue transmettre le message de la hiérarchie et a menacé d’interpellations. L’adjoint au mairie communiste a été contacté et confirme que le mairie s’oppose à l’accès au parc pour les jeunes. Difficile de savoir s’il en va du coup de bluff, de la dissuasion, de l’intimidation. Quoi qu’il en soit, nous faire passer ce message ne montre pas une grande solidarité, une belle générosité du cœur quand tout ne devrait être que compassion.
Alors sans autre choix, on résiste un peu, on essaie encore. On se doit de rester auprès des jeunes qui ne savent où aller.
Il n’y a qu’ensemble, regroupés que l’on pourra continuer de lutter et de demander à la préfecture de région une mise à l’abri.
S’ils sont abandonnés par les insinuations, nous nous devons de veiller sur eux. Même si cela nous rend nomades de nuit en nuit.
Voilà en gros où nous en sommes.

Contactés par téléphone ou présents lors du carnage devant le Conseil d’État, quelques élus essaient de nous soutenir. Ils se comptent sur les doigts d’une main. Après le jeu de ping-pong d’une mairie et du gouvernement c’est au tour des Communautés de communes, des départements, des directions des parcs et des jardins de barrer le chemin à quelques heures de repos de jeunes s’étant fait tabasser sur la place publique.
Interrogée par BFM, la préfecture assure que les places pour les jeunes de l’école de la rue Erlanger sont cherchées.
Comme elle ne nous parle pas à nous et que la Mairie de Paris ne révèle pas être un interlocuteur fiable, jouant un double jeu, nous avons déposé une demande officielle d’autorisation pour un prochain rassemblement, proposer un rendez-vous pour permettre cette mise à l’abri et rappeler qu’ils sont encore là et qu’ils attendent, ne pourront pas se dissoudre peu importe la nature du sol sur lequel ils tentent de se reposer dans leurs duvets la nuit. S’ils y arrivent… La mise à l’abri était paraît-il conditionnée à l’expulsion de l’école de la rue Erlanger. Un huissier de la ville est passé dès le lendemain pour constater qu’elle était vidée de ses occupants. Il n’y a donc plus de raison, d’alibi à ne pas le faire.
Nous attendons donc une réponse, à défaut, une contre proposition.

Pouvons-nous encore espérer une forme de courage politique pour honorer les valeurs humaines et permettre le respect de droits fondamentaux ?

Quelques rappels temporels:

– 2/12/2022 – 7/12/2022 : occupation de la place du Palais Royal pour demander cette mise à l’abri après 6 mois d’inaction et d’ignorance des pouvoirs publics d’un campement insalubre en périphérie de Paris (il a fallu y retourner au petit matin pour les cars de la mise à l’abri).
– 7/12/2022 : dernière évacuation / opération de mise à l’abri des mineurs isolés en recours.
– Depuis le 7/12/2022 aucun campement autorisé, chasse policière dans les rues de Paris, harcèlement et privation de sommeil.
– 4/4/2022 – 20/6/2022: les jeunes trouvent refuge dans une école désaffectée appartenant à la Mairie de Paris. Multiples alertes, attaques et menaces envers les jeunes et leurs soutiens. Rien ne se passe. Aucune réponse de la préfecture de région.
– 12/6/2022 : audience au tribunal judiciaire suite à l’assignation de la Mairie de Paris pour expulsion. L’avocat plaide froidement l’expulsion.
Mise en délibéré pour une décision au 30/6.
– 165 jeunes au 4/4, plus de 650 le 20/6 aidés par les associations dépassées, ignorées qui ne peuvent plus tenir.
– 20/6: n’ayant plus aucun autre choix, tous se rendent visibles devant le Conseil d’État pour demander aux institutions d’arrêter d’ignorer et d’apporter une solution concrète d’hébergement à tous ces jeunes.
Les forces de l’ordre pilotées par le ministère de l’Intérieur nassent, violentent, gazent et dispersent.

Les Midis du Mie