Texte des personnes arrêtées lors de l’expulsion du squat Evangelismos à Héraklion, après 21 ans d’existence.
Aux premières heures du samedi 30 septembre 2023, vers 5h30 du matin, des flics de diverses forces envahissent le quartier de Theotokopoulou. Les personnes vivant dans le squat Evangelismos se réveillent au son des verres cassés et du métal qui tremble sous les coups. Après le très court laps de temps pendant lequel les forces de police ont réussi à entrer dans le bâtiment, ils ont trouvé la moitié des personnes à l’intérieur, et l’autre moitié sur la terrasse au-dessus. Les personnes à l’intérieur du bâtiment sont immobilisées dans des pièces par les forces d’intervention (OPKE, EKAM), tandis que l’EKAM procède à l’intervention sur la terrasse. À ce stade, il y a une tension entre les gens sur le toit et les flics qui essaient de les approcher, qui se termine lorsque les flics parviennent à nous atteindre. Nous venons nous allonger sur le visage et ils nous attachent, certain-es avec des menottes et d’autres plus brutalement. Afin de nous rassembler en un seul endroit, ils traînent une personne sur plusieurs mètres menottée, le visage au sol. Des cris s’ensuivent à la fois de nous et des voisin-es contre l’expulsion. A ceux-ci les flics ont répondu par la menace d’armes automatiques, de violences physiques et de gestes. À ce moment-là, la personne qui avait été traînée échappe à leur attention et est sur le rebord du toit, menaçant de tomber s’ils s’approchent de lui. La position des forces répressives reste implacable, avec huit flics armés qui se précipitent directement sur lui. En quelques dixièmes de seconde, le camarade tombe de la terrasse, avec la responsabilité évidente de ceux qui ont participé à l’opération d’expulsion d’Evangelismos, mais aussi de ceux qui l’ont ordonnée : de l’Université de Crète et des autorités municipales, jusqu’aux plus hauts niveaux du gouvernement. De notre côté, il y a eu une résistance immédiate et des cris dans le voisinage, face à l’événement dont nous avons été témoins. Les flics ont paniqué, réalisant leurs responsabilités et essayant de nous faire taire, et ont donné des coups de pied dans la tête de certains d’entre nous. Quand ils ont été informés que le camarade était vivant, ils se sont moqués de nous, nous ont menti sur son état et nous ont dit que nous irions le retrouver. Ils ont alors déversé toute leur colère sur nous, nous maudissant, nous menaçant, nous frappant et nous piétinant sur le toit.
Leurs agissements se sont ensuite accélérés, nous faisant descendre et en nous plaçant à l’intérieur du bâtiment, dans des pièces qu’ils ont supposées être les nôtres, afin que nous n’ayons pas de contact visuel avec le voisinage, et ils ont commencé à noter ce qu’ils trouvent. Au cours de ce processus, ils ont découvert des vêtements, des livres politiques, des ustensiles de cuisine, des objets personnels (photos, ordinateurs portables), du matériel pour un bar organisé pour collecter des fonds pour les coûts des travaux de restauration que nous avons effectués dans le squat, mais aussi des objets qui avaient été collectés par des personnes solidaires du quartier et de la ville, pour être envoyés dans les jours suivants dans les zones touchées par les inondations en Thessalie. Certains objets qui leur semblaient utiles étaient conservés, tandis que les autres étaient jetés çà et là, ou brisés sous nos yeux, sans que nous puissions réagir. Pendant notre présence, rien de plus n’a été trouvé que ce qui est enregistré dans le rapport d’arrestation, et tout ce qui a été ajouté par la suite sera considéré comme planté par les flics. En outre, un sac à main contenant des effets personnels et le téléphone portable d’un camarade ont été confisqués, qui ne sont mentionnés nulle part dans les documents de la police. Par la suite, nous avons été autorisé-es à nous habiller et à emporter quelques affaires dans un sac, comme si votre vie pouvait tenir dans un sac à dos. De plus, les camarades qui étaient à l’extérieur du bâtiment ont réussi à prendre les chiens de la maison, tandis que les chats se cachaient à cause du bruit, et des démarches sont en cours pour les retrouver et les emmener. Dans le même temps, des camarades se sont rassemblé-es près du squat par solidarité. Écouter leurs chants mais aussi les échanges qui ont eu lieu, nous a donné une force incroyable pour continuer la tête haute, tandis que le message était transmis aux flics présents, qu’Evangelismos n’est pas seulement les 11 personnes qu’ils ont trouvées à l’intérieur un samedi de septembre. Evangelismos, c’est des relations humaines, la camaraderie, la solidarité, le mouvement, c’est nous toustes. Il convient également de noter les chants anti-flics qui se sont elevés dans le quartier lorsqu’ils nous ont fait sortir de l’immeuble, non pas d’un rassemblement organisé, mais – comme nous l’avons réalisé plus tard – d’une maison près du squat.
Lorsque nous sommes arrivés à la Direction générale de la police d’Héraklion, la procédure judiciaire a commencé, au cours de laquelle nous avons refusé de coopérer, de nous déshabiller, nous n’avons pas voulu être photographiés, avons refusé les empreintes digitales, et n’avons rien signé. Nous avons été informés de notre arrestation environ trois heures plus tard, et du début à la fin de notre détention, les flics ont constamment essayé de retarder le processus. Notre camarade blessé, qui avait probablement été emmené de manière irrégulière de l’hôpital Venizelio pour être transféré au quartier général de la police, a été maintenu isolé dans une zone séparée de nous, tandis que la police et le procureur n’ont pas permis qu’il soit transféré à nouveau à l’hôpital. Ce n’est qu’après la pression des avocats – qui étaient là pendant toute la durée de notre détention, et que nous remercions du fond du coeur pour leur attitude – qu’un ordre a été donné pour sa libération dans un premier temps, et finalement après une heure plus tard, une ambulance est venue le chercher. En ce moment, il est à l’hôpital Pagni, recevant les soins médicaux nécessaires, nous sommes en contact avec lui, et il est fort.
Le deuxième point qui a provoqué des tensions, c’est l’information des flics selon laquelle le procureur annoncera si nous serons arrêtés à 18h. Sous ce prétexte, nous n’avons pas eu accès à la nourriture jusqu’à 20h, soit quatorze heures depuis l’opération. Après des pressions constantes de notre part et de la part des avocats, et les refus des flics, nous avons finalement été libéré-es à 21h, après la fin de la manifestation de l’après-midi. Même à ce moment-là, les affaires de la camarade, qui avaient été prises de manière irrégulière par les flics, n’avaient pas été retrouvées, à l’exception de sa carte d’identité qui était nécessaire pour leurs procédures. Après une confrontation intense avec les policiers en service, son sac à main a été miraculeusement retrouvé – parmi les objets confisqués, mais sans qu’il soit enregistré – mais son téléphone portable avait toujours disparu. Après des pressions verbales et juridiques, nous avons été appelés pour récupérer le mobile deux jours plus tard, avec une batterie presque pleine. Nous avons tout lieu de croire qu’il a été indûment détenu par les rangs de la police, sous la responsabilité des responsables de l’opération et des officiers de service. Jusqu’à aujourd’hui (mardi 3 octobre), nous n’avons toujours pas reçu notre dossier, alors que les chefs d’accusation que nous connaissons grâce au rapport d’arrestation dont nous sommes conjointement accusé-es sont les suivants : trouble à l’ordre public, loi sur les armes, vol d’électricité et désobéissance.
Il s’agissait d’un compte rendu de ce qui s’est passé pendant l’opération d’expulsion et notre détention. Nous l’écrivons pour les gens du mouvement qui n’ont pas pu être là, et pour une utilisation future. Après tout, il est clair que nous ne sommes pas les seul-es à avoir été soumis-es à la répression. Nous sommes à un carrefour où le mouvement et la société tout entière sont attaqués de front par l’État et le capital. Avec une décision purement politique d’attaquer un espace politique actif, ils appliquent une fois de plus la doctrine de la loi et de l’ordre, essayant d’étouffer les voix qui résistent encore à leur domination et de détourner l’attention du peuple de ses vrais problèmes.
Nous, pour notre part, assumons la responsabilité de l’histoire du squat, de toutes ces années de son occupation. Nous sommes aux côtés de nos camarades qui se sont battu-es pour défendre le squat et son histoire dans les rues. Nous exprimons notre solidarité avec l’Espace politique autogéré de l’Université polytechnique d’Athènes, qui a été expulsé en même temps, et nous sommes solidaires de tous les espaces politiques menacés. Et tout comme dans toutes les attaques que nous avons reçues, nous avons répondu de manière claire qu’ils vont saigner pour expulser les squats, c’est maintenant qu’il faut agir. Rien n’est fini, nos convictions ne sont pas expulsées. Maintenant que vous nous avez fait sortir de notre maison, nous allons entrer dans la vôtre.
Nous n’oublions pas nos camarades mort-es, nous n’oublions pas nos espaces politiques.
Nous ne ferons pas un pas en arrière.
Les personnes arrêtées au squat d’Evangelismos
Résident-es et compas
Mardi 3 octobre 2023
Squat Evagelismos
Κατάληψη Ευαγγελισμού
Θεοτοκοπούλου 18
Héraklion, Crète
Greece
evagelismos [point] squat [at] espiv [point] net
https://squ.at/r/1q5l
http://evagelismos.squat.gr/
Des squats en Grèce: https://radar.squat.net/fr/groups/country/GR/squated/squat
Des groupes (centres sociaux, collectifs, squats) en Grèce: https://radar.squat.net/fr/groups/country/GR
Des événements en Grèce: https://radar.squat.net/fr/events/country/GR
[Evagelismos, le 5 octobre 2023 https://evagelismos.squat.gr/?p=5064]