Toulouse : présentation de la bibli/brochurothèque “Le Placard Brûle”

Voici enfin un texte qui explicite les bases politiques du Placard Brûle, son histoire et son fonctionnement.

Le Placard Brûle, une bibli, brochurothèque en lutte contre toutes les dominations à Toulouse !

Le fond du Placard Brûle

Qu’est-ce que c’est et comment ça fonctionne ?

Ça fait un moment qu’on voulait faire un point, pour partager quelques-unes de nos réflexions. Déjà pour tenter de préciser comment on voit cet espace, afin d’être plus explicites et compréhensibles. Mais aussi pour essayer de limiter les projections décalées sur ce collectif. (On a reçu une invitation d’un député et on s’est dit d’une part qu’il n’avait pas lu nos programmes et d’autre part qu’il fallait peut-être qu’on soit plus clair..es !…)

Ce texte écrit à plusieurs est un aperçu d’où nous en sommes en 2024. Le Placard Brûle (PB) est amené à évoluer au fil du temps, de nos discussions et de nos parcours toujours en mouvement. 

Un rapide bout d’histoire

Depuis sa création en 2009, il y a eu beaucoup de changements de fond, de forme et de personnes impliquées. Le PB est né au squat du TDB (Trou D’Balle) à Toulouse, un lieu entre TransPédésGouines. Le fond de livres, d’archives et de brochures a été accessible pendant 9 ans dans cet endroit, en parallèle d’événements organisés ponctuellement. À la fin du TDB en 2018, le fond a été entreposé dans la cave de l’Obs, un autre squat d’habitation et d’activités. En 2021, quelques personnes se sont retrouvées avec cette envie de ressortir les cartons et de redonner vie à ce projet. C’est à partir de ce moment-là que le PB a commencé à organiser des discussions régulièrement.

Dans le contexte du procès de l’Obs et de la préparation de sa défense, un conflit politique avec certaines personnes habitant..es et soutiens a provoqué le déménagement du Placard Brûle dans un autre squat : le Blobitch en 2022. D’expulsions en ouvertures, il est ensuite passé par Euforie en 2023 et maintenant l’Impasse. 

Aujourd’hui, plus aucune des personnes présentes aux débuts ne participent au projet. Plusieurs de celles et ceux qui ont contribué à le ressortir des cartons ont quitté le collectif pour diverses raisons personnelles ou politiques. D’autres y ont participé pendant quelques temps, ou l’ont rejoint plus récemment. En fonction des périodes, il y a eu entre 3 et 7 personnes au sein du collectif.

Ce projet nous dépasse en tant qu’individu..es qui y participons actuellement. Il sera surement repris ou traversé par d’autres, et continuera d’évoluer. On y fait un passage, on contribue à un moment, et personne n’y est indispensable.

Un espace ?

Le Placard Brûle est aujourd’hui principalement un espace de discussion publique régulier sur des sujets qui nous touchent, nous foutent la rage ou nous questionnent. C’est aussi une bibliothèque, et un infokiosque qui comprend une sélection de brochures mises en avant. 

On a eu envie de péter la hiérarchie qui valorise en général plus les livres que les brochures et les zines. Ça fait qu’on a mis plus en avant l’infokiosque ces dernières années. Depuis Euforie, les livres n’étaient plus accessibles, à la fois par manque de motivation de la majorité du collectif sur la partie bibliothèque, et aussi par peur de les perdre dans des lieux potentiellement expulsables. On s’est décidé..es récemment à reprendre ce risque plutôt que de les laisser moisir dans des caves et la bibliothèque vient donc de reprendre vie !

Un collectif ?

Le collectif du Placard Brûle n’est pas homogène. On se retrouve à porter ce projet ensemble parce qu’on a clairement des affinités dans nos analyses du monde et dans nos manières de vouloir l’attaquer, mais on a aussi des désaccords. 

On n’est pas non plus une organisation politique qui voudrait se positionner publiquement sur tel sujet d’actualité, ou signer tel appel. On fait le choix de créer un espace régulier de réflexion publique, en assumant nos subjectivités au travers des axes et des sujets qu’on propose, mais aussi des textes qu’on diffuse. Et de fait, on porte politiquement des choses, mais ça se fait dans ce cadre-là.

On peut parfois partager publiquement nos réflexions sur l’organisation du PB et des choix qu’on fait pour cet espace. Notamment, à la réouverture en 2021, les permanences et les discussions étaient en mixité choisie sans mec cis-hetéros. En 2022, on a eu envie de questionner cette évidence. On a donc écrit un texte pour expliquer notre décision de changement sur la mixité dans nos évènements. 

C’est quoi les bases politiques ?

Au Placard Brûle on se sent proches d’analyses et de pratiques anarchistes. Ce que ça veut dire pour nous c’est qu’on essaie de lutter contre toutes les formes de dominations. On veut détruire les États et le capitalisme, mais on lutte aussi contre les normes et contre les oppressions systémiques. On souhaite aussi questionner et attaquer les rapports de pouvoir et de contrôle qui peuvent exister dans les relations interpersonnelles et collectives.

Et ça fait qu’on se sent souvent un peu tiraillé..es entre différentes positions. Par exemple pour nous, c’est essentiel de prendre en compte les oppressions systémiques dans notre analyse du monde, dans qui on est et dans comment on veut lutter. Pour autant, nous considérons qu’on ne peut pas être résumé..es à la liste des oppressions et des privilèges qui nous traversent. On a donc souvent des désaccords avec des personnes ou des collectifs qui ne se basent que sur ça pour analyser des situations et lutter collectivement. 

Et aussi on ne veut pas promouvoir directement des luttes qui maintiennent ou renforcent l’état et ses institutions, même si c’est pour obtenir des droits pour des personnes minorisées. Le réformisme peut permettre des améliorations concrètes et nécessaires des conditions de vie, dans un monde où la survie est déjà une lutte en soi pour de nombreuses personnes. Mais nous pensons que cette perspective limite grandement nos possibilités réelles d’émancipation. L’Etat nous impose un cadre ; en cherchant à aménager les contours de ce cadre, nous reconnaissons et validons malgré nous son autorité indépassable.

Nous ne voulons pas dialoguer ou négocier avec celles et ceux qui nous écrasent. Trop souvent dans nos vies, nous n’avons pas vraiment le choix mais, dans cet espace, nous souhaitons plutôt soutenir et mettre en avant des luttes, des projets et des idées marginalisées qui visent à détruire le système. Nous nous opposons ainsi à la récupération capitaliste des luttes et notamment les luttes queers et écologiques qui font de plus en plus l’objet de pink et de green washing à l’heure actuelle. 

Cependant nous sommes aussi en désaccord avec des révolutionnaires qui critiquent sans nuance l’ensemble des mouvements queer par exemple. Ces personnes utilisent la récupération par le capitalisme pour affirmer que toutes les luttes queer sont réformistes, invisibilisant de fait les luttes queer révolutionnaires et/ou anarchistes. 

Et puis, on est parfois en fort décalage avec des groupes ou personnes anarchistes qui luttent contre l’Etat et le capitalisme mais refusent de prendre en compte ou minimisent certains rapports d’oppression et de domination.

Pour nous tous ces systèmes sont indissociables et ça ne nous fait pas de sens de lutter uniquement contre un. Cependant il n’est pas simple de lutter contre tout, tout le temps, donc on se retrouve à prioriser certaines luttes, aussi en fonction de ce qui est le plus brûlant pour nous ! Pendant longtemps le Placard Brûle posait comme base politique “féministe, anti-raciste et queer” sur ses programmes mensuels. Et même si ça reste des luttes très importantes pour nous, on a eu envie d’assumer notre élargissement, parce que tout est en lien et qu’on essaie de ne pas les hiérarchiser. Les questions de classes, de validisme, d’âgisme sont des exemples parmi d’autres, qui sont moins souvent discutées dans les espaces que l’on fréquente. On a donc décidé de se définir comme un espace en lutte contre toutes les dominations.

Un autre truc qui nous semble primordial c’est d’essayer de lier ce pour quoi on lutte et comment on lutte, parce que la fin n’est pas plus importante que les moyens ! Et du coup, même si ce n’est pas toujours simple, on essaie de mettre en pratique toutes ces belles idées à travers nos manières de fonctionner :)

Pourquoi cet espace et comment ça fonctionne ?

Avec le programme des discussions, on essaie d’être en dehors de l’urgence des luttes pour mieux les nourrir par la suite (même très modestement !). On ne veut pas courir après les actualités mais prendre le temps de discuter des sujets qui nous paraissent importants.

Ce qui nous intéresse c’est de faire avancer nos réflexions individuelles par la mise en commun, de confronter les points de vue et les expériences de chacun..e. D’organiser des moments où l’on se dit qu’on n’avait jamais vu telle question sous cet angle parce que quelqu’un..e qu’on connaît, ou pas, nous a touché..e ou fait réfléchir autrement. Questionner les évidences, apprendre des trucs, se demander pourquoi on fonctionne de telle ou telle manière. Critiquer bien sûr mais aussi faire nos auto-critiques. 

À propos des thématiques

Au Placard Brûle on aborde des sujets très différents. Voici quelques exemples de discussions passées : 

  • Discussion sur l’extractivisme lié au “Tout électrique”
  • Du racisme dans nos interactions
  • Qu’est-ce qui nous gêne dans la recherche universitaire ?
  • Parlons de la bourgeoisie
  • Le rôle du collectif dans les conflits
  • Projection du film « Vol spécial » à propos du mensonge de l’enfermement “à visage humain”.
  • L’influence de l’hétéronormativité dans les sexualités queer 
  • Sur les révoltes en Iran
  • Sur la chasse à celleux qui touchent des aides sociales
  • Atelier sur le validisme
  • Du sport sans compet’, sans performance, sans domination, ça existe ?
  • Qu’est-ce qui fait qu’on utilise, ou pas, le mot “queer” pour se définir ?
  • Peut-on grandir sans se trahir ?
  • Les ruptures (ou pas) avec les parents
  • Contre l’arme nucléaire et l’industrie militaire 
  • L’appel constant du nationalisme 
  • Autour de la guerre d’Algérie et des méthodes de l’armée française
  • Discussions sur la mort et le deuil
  • Discussion sur l’amitié
  • Complotisme, confusionnisme… Mieux capter ces idées pour les combattre

    Il y a aussi parfois des ateliers pratiques (sérigraphie, collage, linogravure…) et on est ouvert..es à ce qu’il y ait d’autres formes d’évènements à l’avenir.

    Nous avons choisi les lundis pour nos évènements réguliers et chaque début de mois nous en diffusons le programme. Les évènements du PB ont souvent lieu en fin de journée, et on se retrouve sur des canaps avec des p’tits trucs à grignoter et à boire. 

À propos des formes de discussions

On reprend ici un extrait de notre texte “Autour de la mixité du Placard Brûle” (Juin 2022) :

“On a envie de permettre des modes de discussions qui nous parlent : laisser la place à chacun..e de s’exprimer, tâtonner, chercher, questionner, critiquer, sans spécialiste ni orateu·rice, construire ensemble nos avis critiques, et faire en sorte qu’il n’y ait pas de chef..fe ni de meneur·euse de discussion mais plutôt un cadre où chacun..e peut orienter le débat vers une direction qui semble collectivement pertinente.

On essaie de prendre en compte les envies/besoins des différentes personnes qui viennent aux discussions (faire des petits groupes à des moments, mettre en place différentes mixités choisies, ou expérimenter différentes façons de discuter).

On trouve important d’aborder des thématiques à partir de nos vécus et pas seulement à partir de textes théoriques. On aime discuter de sujets qui nous touchent, où on peut raconter nos expériences, nos galères, nos doutes. Et même quand c’est des sujets un peu plus loin de nos vécus, pas besoin d’avoir des connaissances ou un avis ultra tranché pour participer aux discussions, on apprend et on réfléchit ensemble.”

Depuis quelques mois, on invite également des personnes qui ne pourraient ou ne voudraient pas venir à une discussion, à nous laisser une contribution par écrit qui peut être lue collectivement pendant le moment si c’est le souhait.

« Nous », les personnes du PB, on organise la plupart des discussions. Il y a un événement par semaine, parfois plus ou moins, en fonction de nos énergies et de nos envies. Selon les sujets, on peut avoir besoin, ou pas, de préparer la discussion, en faisant des recherches ou en réfléchissant à un cadre spécifique. En général on introduit le sujet, le support (s’il y en a un), et on laisse les gens présents s’en saisir. On ne veut pas que notre position d’organisatrice nous donne un quelconque ascendant dans les échanges, on essaie de faire gaffe à ça mais ce n’est pas forcément acquis. 

De la même manière on n’a pas envie de mettre en avant des spécialistes ou des universitaires. On trouve parfois intéressant d’avoir un éclairage d’une personne qui a consacré du temps ou connait bien un sujet (par exemple parce que ça parle de sa vie), mais on n’a pas envie d’organiser de conférence ni un autre mode qui serait unilatéral. 

Dans un autre registre on n’a pas envie de faire la pub pour des individus quelles que soit leurs compétences, artistes y compris. 

Sans surprise, on ne veut pas non plus collaborer d’une quelconque manière même la plus indirecte avec des institutions, des partis ou des syndicats.

À propos du choix des supports

Souvent, nous nous reposons sur des textes, des docus sonores ou visuels pour aborder des thématiques. Cela ne veut pas dire que nous sommes entièrement d’accord avec leur contenu. Nous estimons qu’ils apportent des éléments intéressants et que leur critique peut être pertinente. Mais, nous pouvons nous tromper, alors n’hésitez pas à vous faire votre propre avis, on se fera un plaisir d’en discuter.

Nous avons sorti le fond d’archives, de brochures et de livres issu de la création du PB. Nous essayons de mettre en avant certains textes qui nous parlent plus mais il y a encore du tri à faire et encore pleins de supports que nous n’avons pas lu… Les retours critiques sont bienvenus sur tous les contenus qu’on diffuse !

À propos de la diffusion du programme

On envoie le programme sur des listes mail, on le met sur internet et on tient à faire un programme papier. Parce qu’on trouve ça dommage l’évidence d’uniquement diffuser en virtuel. Même si parfois on n’arrive pas à le diffuser autant qu’on aimerait. Pour internet, on utilise les sites de iaata.info et demosphère mais on ne veut pas être sur les réseaux sociaux. On pense que l’omniprésence des réseaux sociaux et l’évidence de leur utilisation ont des conséquences chiantes sur nos manières de réfléchir et de nous organiser (en plus du contrôle sur ce qui s’y partage). Tout va trop vite et passe par du numérique. Au PB, nous avons envie de nous arrêter un peu, pour se voir en vrai.

À propos de la thune

Quel que soit le lieu de nos évènements, tout est gratuit ou prix libre (donc incluant la gratuité) et on essaie de privilégier la débrouille quand c’est possible plutôt que d’acheter des trucs. C’est important pour nous que la thune puisse être un sujet de discussion puisqu’elle fait partie du problème et qu’elle est omniprésente, mais que ce ne soit pas une condition pour avoir accès aux espaces et aux idées.

Quelques mots pour conclure

On voulait finir ce long texte en remerciant toutes les personnes qui viennent et participent, régulièrement ou ponctuellement, au PB. Parce que c’est grâce à elles et eux que cet espace vit et qu’il est nourrissant !

On vous invite à nous faire des retours sur ce texte ou sur d’autres sujets qu’on porte car c’est aussi comme ça qu’on avance. 

C’est aussi bienvenu de nous transmettre des supports que vous avez trouvé intéressants (brochures, films, podcasts ou autres), et de suggérer des idées de discussion.

Pour tout cela, vous pouvez venir nous parler directement mais c’est aussi possible par mail ou par la boîte du PB laissée actuellement à l’Impasse.

Pour être informé..e des événements qu’on organise, tu peux nous envoyer un mail qu’on t’inscrive sur la liste de diffusion du programme, en général un mail par mois.

À bientôt !

Contact: placardbrule@@@riseup.net
1 impasse Lapujade à Bonnefoy – Toulouse

[Publié le 6 octobre 2024 sur Iaata].]