Rennes: A propos de l’expulsion de la Maison de la Grève et de ses suites

14 déc. 2010

A l’adresse de ceux qui nous crachent dessus

Suite à l’expulsion surprise de la Maison de la Grève, le jeudi 2 décembre, environ trois cents personnes en colère se sont rendues au couvent des Jacobins.
Il est opportun de revenir sur ce fait, tant pour clarifier ce qu’il s’est réellement passé et démentir la version officielle reprise docilement par les médias, que pour remettre en question le monopole qu’ont ceux qui nous gouvernent sur la définition de la « violence ».

Ce qu’il s’est vraiment passé ce jour là est simple : privés de tout lieu pour nous réunir afin de discuter de notre situation particulièrement délicate et des perspectives qu’il nous restaient, nous avons décidé en assemblée d’occuper le grand espace chauffé offert par le Couvent des Jacobins. Ce que nous avons fait. Par contre, nous n’avons pas pu discuter car la colère et la rage étaient trop fortes et certains n’ont pu s’exprimer qu’avec leurs tripes. Le résultat en est que des affiches ont été décollées et quelques installations démontées à la va-vite.
Contrairement à ce que dit la mairie et donc les médias, jamais le couvent n’a été saccagé ni même pris pour cible. C’est uniquement l’exposition qu’elle contenait qui a été malmenée, ce qui fait une différence de poids quand on sait de quelle « exposition » il s’agissait. Rien d’artistique, là-dedans. Rien qu’un hymne à la conception affairiste de la politique. Un bête porno d’anticipation pour inconditionnelles du diktat de l’économie et de l’urbanisme sécuritaire.
Que ceux qui voient d’un bon œil qu’un tel bâtiment historique se voit converti en centre d’affaire destiné à une minorité de privilégiés ou ceux qui trouvent que la place Sainte-Anne ne rappelle pas assez la froideur et le vide inhospitalier des steppes sibériennes nous jettent la première pierre.
Que ceux qui persistent à vouloir appeler « violence » ce qu’il s’est passé ce jeudi soir de décembre au couvent envisagent alors peut-être d’employer le terme « terreur » pour qualifier ce qui s’est passé le matin même à la Maison de la Grève :
réveil à 6h du matin d’une quinzaine de personnes par 90 flics surentraînés[1] défonçant la porte, sans aucun avertissement préalable (les huissiers passés l’avant-veille ignoraient ce qui se tramait et la mairie n’avait jamais tenté d’entrer en contact avec nous, malgré nos incitations pour qu’elle se positionne);
mise à la rue en pleine période de froid des quelques habitants qui n’avaient pas d’autres logements;
saccage minutieux de la majeure partie du matériel, dont des affaires de grande valeur affective ou marchande (pour ne citer que ça, un artisan forgeron a perdu l’intégralité des outils qu’il avait mis dix ans à collecter sur des brocantes ou à forger lui-même).
Qu’on y réfléchisse un peu honnêtement sans avoir peur de s’attaquer à certains lieux communs intouchables. De quel côté est vraiment la violence ? Du côté des quelques personnes qui ont provoqué de menus dégâts matériels très ciblés et fortement symboliques. Ou du côté de la mairie qui, sans prévenir, a mis fin à un projet largement soutenu[2] et dans lequel des gens ont mis pendant un mois toute leur énergie créative, détruisant gratuitement[3] du matériel précieux et plus de 300kg de nourriture.
Nous ne prétendons pas être « gentils », nous ne sommes pas assez naïfs pour nous laisser faire « gentiment », mais disons le clairement, les salopards sont ceux qui brisent nos vies, pas ceux qui s’attaquent aux symboles de la toute-puissance d’une clique de privilégiés.

[1] Parmi lesquels 70 gendarmes mobiles en armure, et la toute nouvelle force d’intervention de la police nationale (le FIPN, réunissant RAID et GIPN) créée fin 2009 par Hortefeux pour lutter contre des attaques terroristes simultanées sur le territoire ou des prises d’otages particulièrement complexes.
[2] Liste simplifiée des soutiens : SUD, FO, CNT, AL, SLB, Front de Gauche, Breizhistance, Groupe la Sociale, Groupe la Digne Rage, le MCPL, le TNB, divers collectifs, bars et librairies et des centaines de Rennais-es.
[3] De fait, absolument pas gratuit, car le coût d’une telle opération de police doit se chiffrer à coup de dizaines de milliers d’euros.

Un « habitant » de la Maison de la Grève de Rennes