ACTE XVI – 2 MARS À NANTES – LA TEMPÊTE QUI S’ANNONCE
5000 manifestants. Très forte répression. Une « maison du peuple » expulsée immédiatement.
Pour la première fois depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes, la ville de Nantes accueillait une manifestation « inter-régionale », dans le sillage d’autres mobilisations à Angers, Rennes ou La Roche-sur-Yon. L’État en avait profité pour annoncer une déploiement policier « inédit ». Alors que Nantes est déjà militarisée chaque samedi, que les blessés et les arrêtés ne se comptent plus, comment cela pouvait-il être encore pire ? C’était pire. Récit d’une grosse manifestation fortement réprimée.
Bien avant le départ, des dizaines et des dizaines de contrôles, de fouilles, de vols de matériel sont commis par la police. A la gare, sur les routes qui mènent à Nantes ou sur les places du centre-ville. Le ton est donné : l’ambiance est celle d’une occupation. A 13H, des centaines de personnes se réunissent sur la place du Commerce. Un deuxième rendez-vous avait été lancé Place Viarme. Mais les rares personnes présentes se font dépouiller par la police, et finissent par rejoindre le gros de la manifestation. Dommage, car un deuxième cortège aurait permis d’investir des parcours originaux. Résultat, toutes les forces de l’ordre se concentrent sur le rassemblement dans l’hyper-centre.
Après à peine 5 minutes de marche : un déluge de grenades lacrymogènes. Le cortège qui s’apprêtait tranquillement à remonter vers la place Graslin est attaqué par une ligne de gendarmes mobiles. Visiblement, toute tentative de sortir des grands axes contrôlés par la police sera empêché. Les premières lignes ne se découragent pas. Deuxième tentative pour passer : même scénario. Des manifestants jettent des fruits et des poissons périmés ramassés sur le marché de la Petite Hollande. Affrontements au corps à corps. Le message est clair : « retournez sur l’habituel cours des 50 Otages, où la répression sera implacable ». Heureusement, une première ligne équipée de banderoles poétiques protège le défilé.
Demi tour vers le château, où la police lance à nouveau l’assaut. Le périmètre « autorisé » pour défiler se limite donc à quelques centaines de mètres seulement : de Commerce au Château. Les 5000 manifestants présents, venus de tout le grand ouest, seront systématiquement attaqués au cours de l’après-midi. La manifestation est donc interdite de fait.
En plus des centaines de policiers en armure, une escouade de civils, tous cagoulés et armés, vient sans cesse au contact. Ce « Détachement d’Action Rapide », créé par Castaner et composé de Brigades Anti Criminalité et de BRI, est d’une violence extrême. Et terriblement nombreux. Plus encore que lors des plus grosses mobilisations anti-aéroport. L’objectif est clairement d’empêcher toute expression contestataire, puisqu’une charge monumentale est lancée à Bouffay, avec des dizaines de grenades explosives pour … voler les banderoles ! Plusieurs blessés sont à déplorer. Des journalistes, y compris de la presse locale, sont menacés. Mais les silhouettes noires repartent en meute, satisfaites, avec leurs trophées.
Le cortège est scindé en deux, et des affrontements éclatent devant la préfecture et sur le Cours Saint-Pierre. A plusieurs reprises, des lignes de CRS sont repoussées, et ont un recours massif aux gaz lacrymogène. Insolite : des balles de tennis atterrissent sur les boucliers. Un échange est entendu au sein d’une unité : « vous pouvez tirer autant que vous voulez ». On se demande si les commandes faramineuses de grenades faites par Macron au début du mandat ne vont pas, tout de même, s’épuiser prématurément.
Devant la préfecture, des canons à eau arrosent longuement les premières lignes, protégées par des parapluies. Nouvelle charge de la BAC avec beaucoup de blessés. L’avant du cortège tentera de sortir de cette nasse mobile et anxiogène, mais sera repoussée par les gendarmes mobiles. Il y aura de nouveaux affrontements au CHU, où des jets de cocktails molotov sont aperçus. Des street medics sont tabassés sur la ligne de tram. Les effectifs de police paraissent trop nombreux et en roue libre, les lignes de différentes unités se superposent, et parfois se gazent par erreur. A Bouffay, nouvelle confrontation au corps à corps.
Mais l’enjeu est ailleurs : il s’agit d’ouvrir d’un lieu pour servir de QG aux Gilets Jaunes. Quelques centaines de personnes pénètrent dans le quartier des Olivettes. Alors que le cortège n’est plus qu’à quelques dizaines de mètres du bâtiment ouvert, le bruit court que les éclaireurs ont déjà été arrêtés. A peine ouvert, le lieu est déjà expulsé. La BRI est dans le bâtiment. Elle rudoie les personnes à l’intérieur, casse des portables, insulte une militante. La détermination pourtant élevée vient de prendre un coup. Dans la rue, des policiers en tenue de ninja tirent une grenade de désencerclement pour évacuer la foule qui stagne devant le bâtiment.
Les manifestants restants retournent à la croisée des trams, entourent les camions de CRS. La police reste omniprésente et la confusion est grande. Dans ce contexte, un manifestant reçoit un tir de balle en caoutchouc dans le visage avant d’être arrêté alors qu’il est traîné presque inconscient vers le CHU. Il sera emmené au commissariat malgré sa blessure. D’autres personnes sont touchées et arrêtées, notamment un manifestant qui s’écroule après avoir reçu un tir dans le dos.
La nuit tombe, les rues retrouvent leur calme, les camions de CRS continueront de sillonner la ville jusque tard dans la nuit. 15 personnes ont été arrêtées. La répression a remporté la partie. Pour cette fois.
Pour l’Acte 17, il s’agira de sortir du centre-ville et de reprendre les ronds points pour bloquer l’économie, comme au début du mouvement des Gilets Jaunes. Et la semaine suivant, pour l’Acte 18, la France envahit Paris.
D’ici là, restons déter’ et solidaires.
Nantes Révoltée