Comme vous le savez peut-être, un squat d’habitation et d’activité a été ouvert début juin à angers dans le quartier de la doutre, une grande maison bourgeoise qui a été installée peu à peu avec des apéros et bouffe avec le voisinage, la mise en place d’un infokiosque et d’une zone de gratuité, des spectacles et divers autres projets d’activités.
La dynamique d’ouverture faisait suite à la réappropriation d’un grand espace en friche dans le quartier de la Doutre afin d’y faire un potager collectif. L’occupation du terrain et le démarrage du potager était survenue dans le cadre d’une manifestation de guerilla jardinière où divers endroits de la ville s’était vu enrichis de légumes, et où l’occupation permanente d’un terrain concrétisait l’envie de s’implanter à plus long terme dans un quartier et d’y développer des rencontres et activités autour du potager.
Le quartier de la Doutre est un bientôt-ex-quartier populaire en pleine destruction-restructuration et le squat n’est situé qu’à quelques dizaines de mètres du potager. Ce projet de potager fut plutôt un succès dans un premier temps avec un groupe de base assez important, la construction d’une cabane, des liens croissants avec le voisinage direct (notamment le carrée d’immeubles entourant cet espace) et des légumes et plantes médicinales/arômatiques poussant courageusement sur une terre à première vue pas des plus acceuillantes.
Malheureusement, la mairie (propriétaire du terrain) décida de mettre fin à l’aventure fin juin , en envoyant un petit matin quelques agents municipaux détruire la cabane et arracher tous les légumes, ce qui n’alla pas sans soulever quelques remous dans le voisinage, pour partie estomaqué de l’absurdité et de l’audace d’une action répressive sur des légumes, et ne comprenant pas que toute initiative échappant au contrôle institutionnel se devait d’être éradiquée par la bonne gauche citoyenne et bourgeoise d’Angers.
En parallèle, le maintien du squat n’allait pas sans mal, puisque cette initiative nouvelle dans le paysage politique d’Angers semblait totalement intolérable aux propriétaires des lieux (la mairie de nouveau par l’intermédiaire d’une entreprise urbanistqiue publique/privée) et policiers. Ceux-ci étant en effet habitués à virer manu-militari, en toute discrétion et sans autre formes de procès, les divers pauvres s’emparant de maisons laissées vides. Cette fois, un rapport de force avec une maison bien barricadée, une trentaine de personnes en soutien à l’extérieur, déterminées et connaissant les lois mieux que les officiers présents, finit par les faire se résigner à en passer par les voies légales et par un procès…et par créer un précédent utile à l’avenir. Les officiers de police présent, rageurs de s’être déplacés et d’avoir passé un bout de l’après-midi à menacer et à attendre sans résultats, se vengèrent (assez mesquinement de leurs propres aveux) en embarquant quelqu’une pour détention d’arme de guerre du fait qu’un morceau de masque à gaz utilisé pour du théatre de rue était visible à l’intérieur de son camion. Magré une garde à vue d’une quinzaine d’heures, le prétexte était assez ridicule pour qu’elle ne soit pas l’objet de poursuite.
Dans la foulée et l’enthousiasme du moment, le potager fut réinvesti avec de nouveaux plants, issus de la solidarité de maraîchers et lieux collectifs de la région et des potagers collectifs de nantes.
Quelques jours plus tard, début juillet, et malgré quelques promesses fumeuses d’une première adjointe au maire, venue sur les lieux avec la presse, pour déclarer qu’il fallait mettre ce potager aux normes de sécurité ou qu’il disparaisse, le potager était de nouveau détruit par un tractopelle d’un chantier municipal avoisinant sur ordre du patron et donc en toute logique de la mairie.
En réaction, les bureaux des adjoints et du maire furent occupés et des centaines de tracts de protestation distribués aux divers employé-e-s municipaux. Ce fut l’occasion d’une intrusion impertinente dans l’antre des patrons de la villes et de quelques débats animés avec le premier adjoint au maire et le responsable de la police municipale, tout deux très surpris et ostensiblement gênés de cette irruption inopinée et de ces individus qui avait l’audace de venir les mettre face à leurs actes et aux contradictions entre leur propagande citoyenne et participative et leurs politiques d’urbanisme sécuritaire guidées par la rentabilité, le développement capitaliste et le souci de contrôle.
Comme nous n’attendions pas grand chose de cette rencontre, si ce n’est de leur montrer que nous n’allions pas les laisser détruire nos initiatives sans réagir, s’attaquer aux leurs et exposer publiquement leurs actes aux angevin-e-s, la rencontre s’acheva avec une sortie collective marquée par un déversement de compost à l’extérieur de la mairie. L’entrée de la mairie était bondée de badeaux puisque c’était le jour du tour de france.
A l’heure actuelle, le squat est toujours là, mais s’est vu victime de la justice cinglante et ultra-conservatrice de la bourgeoisie angevine. Un piètre délai de quinze jours et des jours amendes qui se sont vus confirmés suite à un appel au Juge d’éxécution des peines (JEX) et ce malgré qu’aucun projet à court terme n’ait pu être justifié sur cette maison.
L’expulsion pourrait arriver autour du 4/5 septembre et il est possible que les ami-e-s angevins aient besoin d’aide autant pour l’expulsion que pour donner une suite au mouvement squat local (et autant dire que vu l’énergie déployée autour de cette première expérience, il est à espérer qu’elle se poursuive dans cette maison ou dans une autre).
Par ailleurs, le collectif du potager ne désarme pas et prévoit une « fête de l’arrosoir » sur le site occupé, autour des 11 et 12 septembre avec implantation d’un arrosoir métallique géant et diverses activités festives et subversives.
Plus de précision bientôt j’espère.
Il y a quelques semaines, a été lancé cet appel « Sème ta zone 2004″, pour que des guerillas jardinières se multiplient au printemps… Au final, il y en a eu une lors du Festival de résistance au capitalisme de Grenoble, il y a deux semaines et c’est maintenant au tour d’Angers. De cet appel un rien enflammé sont nées diverses polémiques sur la pertinence stratégique de la guerilla jardinière, certains la mettant au rang d’agitation symbolique et spectaculaire ne risquant pas de faire chanceler l’industrie agro-alimentaire, tandis que d’autres y voient une pratique réellement offensive de laquelle peut naître des projets de potagers occupés à long terme, l’entretien de pratiques potagères chez les urbains, aussi bien qu’une réflexion concrète sur les possibilités d’autonomisation alimentaire et les politiques d’urbanisme… Toujours est-il que l’appel insiste sur le fait que la guerilla puisse ne pas durer un seul jour, mais être un départ pour des espaces collectifs. Il semble que ce soit bien le but de cette journée à Angers…
On arrive sur une place assez vide avec un kiosque à musique et une trentaine de personnes autours. Des pots et plaquettes pleins de petites plantes jonchent le sol, des brouettes sont remplies de pioches, pelles, peintures et panneaux. Un lettrage en couleur sur fond argenté annonce : la » betterave rouge et le radis noir vaincront le capital ». Le rassemblement commence par une bouffe, mais je préfère ne pas manger encore pour ne pas m’endormir. Un petit briefing d’action en cercle sur le kiosque se fait, mais sans que masse d’informations pratiques sur l’organisation de l’action et ses objectifs ni d’infos légales de base ne soient vraiment creusées. Mais l’ambiance est bonne et une bonne partie des personnes présentes semblent s’être préparées activement ou avoir participé à l’organisation.
Divers petit groupes sont arrivés pendant le repas et l’on part à une centaine dans les rues en musique. On est rapidement suivis par quelques policiers en voitures (angers est apparemment une ville expérimentale avec tout un tas d’écoles et de corps de police entousiasmants). On arrive dans un premiers parc autour duquel des gamins font du skate ou jouent au foot et là c’est la ruée magique de la guerilla jardinière: quelques dizaines de personnes s’appliquent à retourner la terre et à planter dans tous les sens en privilégiant les endroits ou cela risque de rester. Des petites pancartes sont enfouies dans le sol avec les noms des variétés plantées. On s’entrapprend ce qui a des chances de pousser, à quels distances les unes des autres et comment repiquer, le fait que les gens d’ici appellent les « bettes » des « cardes » et à reconnaitre les pousses.
Ca se met un peu speeder parce qu’un groupe de flics est descendu de leur bagnole et essaye de s’immiscer dans le groupe un peu dispersé. Quelques menus messages appelant à s’autonomiser et à bruler les supermarchés ont été malicieusement écrit au marqueur sur notre passage et on se rend assez vite compte qu’ils cherchent quelqu’un-e que l’on prévient rapidement du danger qu’il/elle court. Les flics commencent néanmoins à l’attraper par le bras et à se rassembler autour de lui pour un soi-disant contrôle d’identité en disant que des dégradations ont été commises. Mais on le rechoppe instantanément et on le tire vers nous pendant que les autres manifestant-e-s se rassemblent autour de lui pour le protéger des flics et les immobiliser. La dé-arrestation est rapide, efficace et relativement calme. Les flics commencent à s’énerver et à menacer, mais ils sont rapidement submergés par une centaine de personnes qui crient et tapent des pieds autour d’eux avec leur coupable qui a disparu transformé en touriste américain. Ils rebroussent chemin penaud, les gamins qui jouaient au foot crient aussi et cela fait plaisir qu’ils aient vu un exemple de solidarité collective qui marche face aux flics.
On repart assez vite en faisant un peu gaffe et on s’arrête sur une berge de la loire en friche, un panneau jardin collectif est implanté ainsi que pleins de petites plantes. Une partie des gens sont allongés le long de la rive, d’autres guettent les flics, d’autres s’affairent avec pioches et arrosoirs. Sur ce terrain loin des jardins municipaux surentretenus, il y a de chances que cela reste et soit utile.
On traverse le fleuve pour arriver à une fête de quartier, il y a une ligne de jardinières vide que l’on remplit de terre de terreaux et de divers légumes et plantes arômatiques, plein de gens se regroupent, réagissent, applaudissent. Je pense que certain-e-s sont perplexes et se demandent si on est pas des artistes , une animation de la ville ou une bande d’allumé-e-s échappés de la gay pride qui avait lieu en même temps. Il y a peu de prises de paroles collectives explicites, mais là où des conversations interpersonelles s’engagent, le message passe et on a quand même un petit tract qui expose la démarche et s’attaque à l’industrie agro-alimentaire.
Finalement, on aboutit tant bien que mal au but secret (mais heureusement les flics ne nous empêchent pas d’y enrrer), un terrain en friche asssez luxuriant casé au milieu de quelques barres d’immeuble. L’espace est abandonné depuis 10 ans et doit servir dans les années à venir pour la consruction d’une maison de l’environnement. L’idée est de le garder et d’en faire un grand potager collectif. L’enjeu est de taille et permet de donner à la guerrilla jardinière une perspective plus concrète et à plus long terme. Aussitôt arrivé, des dizaines de personne s’affairent pour une partie de kolkhoze autogéré. Le sol est plein de cailloux et de briques, mais qu’importe. On replante toute sorte de légumes, des arbres fruitiers.
Je fait des plongeons dans de gros buissons de « renouee du japon » pour exterminer ces maudits roseaux mutants qui finiront par recouvrir la planète et sur lesquels on a eu la mauvaise idée d’implanter le potager collectif du lieu où j’habite (ils sont insensibles à l’arrachage et aux pesticides, créent des réseaux souterrains, se reproduisent instantanément à partir de quelques millimètres de racines, nécessitent une extraction mécanique sur tout un terrain à un mètre de profondeur puis de grands bûchers, et commencent à envahir plaines et cours d’eau un peu partout dans le monde alors qu’il n’étaient censés n’être qu’un inoffensive plante d’ornementation japonaise.)
Un escalier est fabriqué entre la rue et le terrain vague pour en faciliter l’accès, des toilettes sèches sont commencées et pas mal de petites discussions s’engagent avec des gens du quartier sur le trottoir. Il faudra peut-être un peu de temps pour qu’ils/elles s’approprient l’idée et osent venir, mais tous les espoirs sont permis. Je regrette juste qu’il n’y ait pas ce soir là de discussions collectives sur la gestion et l’avenir du potager, ni de démarche collective pour annoncer l’occupation de la friche aux habitant-e-s du coin. Mais l’action a pris pas mal d’énergie et il est possible que tout cela se fasse petit à petit dans les prochains jours. Des personnes dorment dès la première nuit sur le terrain et un rendez-vous est pris dès le mercredi pour un repas de quartier sur le potager. En face un théâtre, a invité un millier des ses adhérents pour fêter sa destruction avec fanfare et feux d’artifices et l’ambiance est assez décalée.
Juste avant de partir, quelqu’un m’amène un jeune homme qui veut comprendre ce qui se passe. Il habite dans le quartier est étudiant en agriculture et est complètement subjugué. Il faut un peu de temps pour qu’il assimile que « non, on a pas demandé à la mairie, mais que ce n’est pas pour cela que l’on ne va pas rester » et que l’on est pas ici pour se faire chacun-e une parcelle individuelle avec nos plantes mais des espaces et légumes collectifs ». Il rêve de disposer d’un espace pour expérimenter, planter des fleurs et légumes mais n’aurait jamais osé en prendre un comme cela, alors il veut revenir travailler sur cet espace et ses potes aussi… Juste de quoi se gonfler d’un peu d’optimisme avant de repartir au milieu de la nuit, tandis que d’autres entament une nuit et un camp de base sur cet espace transformé.
Longue vie aux occupations potagères en milieu urbain.
Nicolu