Fin février, le Canard Enchaîné nous révélait l’existence de la préparation d’une vaste opération devant se dérouler à Mayotte à compter du 20 avril.
Proposée par le ministre de l’Intérieur lui-même et validée par le Président et son Conseil de Défense, l’objectif de celle-ci est le suivant : l’expulsion massive de toutes les personnes exilées en situation irrégulière, et la destruction totale de l’habitat informel qui s’est établi sur l’île.
Pour ce faire, ce ne sont pas moins de 500 gendarmes mobiles qui vont être envoyés à Mayotte, s’ajoutant aux 1350 déjà sur place et engorgeant les hôtels de l’île. France Info nous apprenait également il y a quelques jours, que la CRS-8 ferait également partie du voyage.
Depuis plusieurs jours des habitant·es observent l’acheminement de véhicules de maintien de l’ordre, vraisemblablement destinés à être utilisés lors cette vaste opération. C’est donc une bonne partie de l’arsenal répressif de l’Etat qui va être déployé sur l’île dans les jours qui viennent.
La situation de Mayotte est préoccupante. Les services publics en sont arrivés à un stade de délitement avancé et sont pour la plupart complètement saturés, en particulier l’école et la santé. De plus, tout ceci s’accompagne d’une pauvreté accrue, puisque d’après l’INSEE, ce ne sont pas moins de 77% des Mahorais·es qui vivent sous le seuil de pauvreté. Résultat, pour survivre, un nombre de plus en plus nombreux de personnes en sont réduites à avoir recours à des pratiques jugées illégales.
Fidèle à lui-même, l’Etat français, très prompt à piller ses colonies mais beaucoup plus réticent à y investir dans les services publics, préfère ici blâmer l’immigration en provenance des Comores plutôt que de s’interroger sur sa responsabilité dans la situation économique de l’île.
L’ampleur des moyens déployés pour faire la « chasse aux immigré·es » devrait véritablement nous inquiéter. Des dizaines de soignant·es mahorais·es ont d’ailleurs publié une tribune alertant sur les conséquences qu’aurait une telle opération. Pour autant, tout ceci semble trouver bien peu d’écho en métropole.
Dans les faits, c’est pourtant une vaste opération de « nettoyage » qui va être mise en œuvre dès la fin du Ramadan, sur l’île dont 95% de la population se déclare musulmane. Les gendarmes et les policiers français déployés par centaines pourront y exprimer leur racisme de la manière la plus violente qui soit, le tout, à l’abri des caméras et avec la bénédiction de l’Etat, qui pour le moment n’a toujours pas officialisé l’existence de cette opération.
Ce qui risque de se jouer à Mayotte est dramatique et extrêmement préoccupant. Nous ne pouvons nous permettre de fermer les yeux.
Il est impensable de s’insurger contre la violence de la police lors des manifestations et de signer des pétitions pour la dissolution de la BRAV tout en restant silencieux sur ce qui est sur le point de se dérouler à Mayotte. On parle de centaines de flics lâchés dans la nature, avec pour ordre de détruire des habitations et de chasser des exilé·es.
[Publié le 7 avril 2023 sur le groupe Telegram de Cerveaux Non Disonibles.]