« Pratiques & résistances des espaces autonomes »
dans le cadre de la conférence de l’Action Mondiale Peuples à Dijon
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– Quelques mots d’intro
Cet été, les rencontres européennes de People’s Global Action, réseau anticapitaliste et anti-autoritaire, se dérouleront dans divers coins de France, en deux temps: un premier moment décentralisé sur 5 lieux, et un second temps centralisé, permettant à tou·te·s les participant·e·s de se réunir. Une des parties « décentralisées » aura lieu du 19 au 28 août 2006 à l’Espace autogéré des Tanneries, à Dijon. C’est aussi là que sera accueillie la partie centralisée, du 28 août au 3 septembre.
L’espace autogéré des Tanneries est un espace autonome d’habitation, de subversion, d’activités politiques & sociales en milieu post-industriel, ouvert en 1998 et stabilisé depuis quelques années dans un cadre semi-conventionné, suite à pas mal de luttes contre la Mairie de Dijon, propriétaire des locaux occupés.
La rencontre aux Tanneries acueuillera un chantier de construction d’une bibliothèque/salle de réu et bureau, des discussions autour des luttes « numériques » et de la défense des serveurs acvitistes, d’autres sur le mouvement social du printemps, ses échos et ses suites, ainsi que sur un dernier thème qui nous intéresse ici plus particulièrement: « les pratiques et résistances des espaces autonomes ».
En voici une introduction, qui entend proposer un cadre et poser des sujets à aborder collectivement à Dijon. Ce texte a vocation de circuler dans des « espaces autonomes » divers (c’est une notion un peu large, mais on a essayé de préciser ce que nous pouvions entendre par là ci-dessous), donc faites tourner! Toutes les personnes souhaitant participer à la rencontre sont invitées à envoyer dès maintenant des textes, films, propositions d’ateliers et d’exercices pratiques, de débats, d’expos…
En outre, vous trouverez une présentation succincte et très très partielle d’un morceau de la scène squat « française » après l’appel.
Pour nous contacter: stamp-dijon [at] pgaconference [point] org
Pour plus d’infos sur les rencontres: http://pgaconference.org/
Pour participer à l’élaboration: http://stamp.poivron.org/
La possibilité de lutter tient souvent en premier lieu au fait de se réapproprier collectivement un espace « autonome »
Qu’il s’agisse de squats urbains, de terrains achetés, négociés, ou réappropriés à la campagne, de bâtisses restaurées ou autoconstruites, de lieux nomades ou temporaires, de centres d’activités et/ou de maisons d’habitation, ces espaces ressources et refuges ont été, en Europe tout au moins, au coeur de brassages d’idées et de personnes, permettant une continuité et un renouvellement des luttes et pratiques radicales et anticapitalistes au cours des dernières décennies.
Le fait de disposer d’espaces autonomes, ruraux et urbains, où pratiquer l’autogestion, produire, mettre en place des actions et offensives, nous est crucial, que ce soit en tant que mouvement de changement social radical ou à une échelle beaucoup plus individuelle.
Ces lieux diversifiés permettent notamment:
– de se loger dans un monde où l’on a pas accès aux formes d’habitation qui nous conviennent ou à une habitation tout court, et de remettre en cause l’accumulation de biens et la sacro-sainte « propriété privée »;
– la mise en commun et échanges non-marchands d’objets, outils et savoirs…
– l’expérimentation de modes de vie et d’organisation en collectif qui s’autonomisent, au moins partiellement de l’Etat, du travail salarié et de la société marchande, qui permettent de casser un peu le cloisonnement de nos vies entre travail salarié, vie privée, loisirs & militantisme… et de montrer par la pratique que c’est possible;
– la production de textes, d’outils de diffusion et de médias indépendants;
– d’avoir une base pour des rencontres et projets, des lieux de prise de contact et de sociabilisation, de préparation et de convergence pour des actions…
– du « Do It Yourself », du recyclage et de la construction, des activités de production agricoles, énergétiques, artisanales…
– la création et la diffusion de « cultures » et de mode vies subversifs;
Ces espaces, interstices de libertés incontrôlées, sont à ce titre des cibles prioritaires des pouvoirs en place
Dans certains pays européens, des offensives étatiques déterminées ont déjà fortement compromis l’existence de lieux d’habitation collective et d’activités politiques autonomes.
À l’heure actuelle, en France, ces espaces sont menacés. L’État cherche à imposer un cadre légal encore plus répressif et les autorités semblent de plus en plus promptes à réagir face aux squats de précaires, de sans-papier-e-s et à un certaine recrudescence dans de nombreuses villes en France de squat dit « politiques ». Des incendies meurtriers d’immeubles de sans-papier-e-s ont par exemple été instrumentalisés l’été dernier pour accroître les expulsions et mesures contre les lieux squattés.
En milieu rural, l’accès au foncier est de plus en plus dur et les enclaves communautaires se trouvent aux prises avec les normes d’hygiène, de sécurité et la colonisation bourgeoise et touristique.
En France, malgré les nombreux liens existants entre collectifs, les structures formelles d’échange de savoirs et de solidarités sont peu développées. La nécessité de construire un rapport de force conséquent sur l’accès à l’espace et aux terre face à l’État et aux propriétaires devrait nous questionner sur les possibilités de (re)créér des réseaux, alliances et stratégies communes.
Malgré certaines envies et quelques pratiques effectives, les squats dit « politiques » restent souvent enclavés dans un « ghetto marginal » et ne créent pas toujours de liens direct avec les squats dit de « précaires », de « sans-papier-e-s », ou encore avec les luttes populaires menées dans certains quartiers contre la gentrification et pour le logement…
Cette conférence AMP/PGA devrait:
– être un lieu de débat sur ce que entendons par ces espaces d’autonomie et leur place dans une stratégie de changement social radical entre « alternatives » et « offensive », des liens de ces lieux aux mouvements sociaux et luttes qu’ils cotoîent;
– viser à informer des pratiques que nous menons en ces lieux, poser la question de ce que nous produisons matériellement et d’envisager comment accroître des échanges de tout type notamment dans un axe ville-campagne;
– être un lieu de mutualisation de nos expériences qui permette de s’inspirer de ce que font les un-es et les autres en terme de vie collective, d’activités, d’économie…
– mettre en perspective divers moyens de conserver ou d’acquérir des terres et des bâtiments, de les collectiviser ou d’en construire: squats, wagenburgh, négociations, achats coopératifs, prêt et baux précaires… avec les intérêts, dangers et parts de compromis que les diverses solutions peuvent impliquer;
– permettre la mise en place d’outils pratiques de solidarités entre divers types d’espaces: lieux d’activités, d’habitation, de sans-papier-e-s, des coopératives, des fermes, etc.
– permettre de réfléchir à ce qui peut nous cloisonner les un-e-s vis-à-vis des autres entre des lieux de « précaires », d' »activistes », d' »immigré-e-s », de « nomades », d' »urbain-e-s », de « ruraux-ales », à ce qui peut nous marginaliser et nous couper d’autres…
– questionner sur ce qui peut permettre du long terme, aussi bien des vieux & vieilles dans les espaces que des espaces qui vieillissent;
– permettre de discuter de stratégies de résistance communes face à la répression, aux normes que cherche à imposer l’État, aux expulsions;
– discuter des initiatives qui sont prises (ou pas) au sein de ces espaces pour faire évoluer les normes patriarcales, racistes ou hétérosexistes…
Voilà, on aimerait bien qu’il en ressorte des amitiés, projets et actions en commun.
On aimerait que des gens viennent présenter leur lieux, que l’on parle sérieusement et que l’on se raconte des histoires de barricades et de murs en paille, de récups et de potagers, d’infokiosques et de hacklabs, de concerts chaotiques et de lectures collectives, de relationnel, de fusionnel, de rôles, de genre et de queer, de partage des tâches avec ou sans tableaux, de voisinage et d’accueil, de fric et d’autonomie, de roulottes et de vieilles usines, de propriété d’usage et de collectivisation, de tas d’habits et de psycho-géographie, de relous et de folles amitiées… de festins à 3h du mat et de fours à pains, de petit dej’ nonchalants et de journées sur-speedées, de personnages extravagants et de normes identitaires, de vivre de rien avec un peu de tout mais pas toujours ce qu’on veut, de réunions qui se finissent en boum et de chantiers qui se transforment en jeux, de complots murmurés et de pouvoir hurler quand ça nous chante, de cumulus transformés en poêles et de poêles transformés en moteur, de façades peintes peintes fièrements et de refuges cachés, de constructions folles, de tuyauteries qui fuient, de réseaux qui pètent, de magnifiques épaves qui ne roulent plus qu’à moitié, de l’angoisse de devoir redéménager encore et de la pure beauté quotidienne de s’inventer une vie avec nos meilleurs potes de toujours ou celleux qui ont débarqués la veille…
Annexe: quelques mots sur les « squats politiques » en France
Depuis quelques années, nous pouvons constater en France le développement d’un mouvement de centres sociaux et politiques squattés, où sont souvent mis en pratiques à la fois des expériences de vies collectives et des activités politiques publiques de diverses sortes.
On retrouve régulièrement dans ces lieux, l’organisation d’évènements et d’actions anticapitalistes et anti-autoritaires, des zones de gratuité où s’échangent librement des biens et matériaux, des potagers squattés, des cybers cafés et du militantisme autour de l’informatique, des logiciels libres et des médias indépendants, de la diffusion d’information et éditions de livres et brochures autour d’infokiosques, des espaces de travail et d’échanges de savoir sur les médecines alternatives, les vélos, la mécanique, le travail du bois ou du métal, la sérigraphie, l’autoconstruction, le recyclage d’huile de tournesol pour les véhicules, l’échanges de graines, des espaces entre femmes et pratiques féministes, queer ou transgenres, des repas de quartiers, des espaces de restaurants, bars, concerts, débats, projections ou théâtre…
Ces espaces se différencient d’une certaine mouvance dite de « squats d’artistes » (surtout présente en région parisienne…) en tant qu’ils ne recherchent pas à collaborer avec les pouvoirs publics et s’inscrivent généralement de manière explicite dans une lutte de remise en cause de la propriété privée, de l’Etat, des rapports de pouvoir et de profits et cherchent à construire des zones d’autonomisations en liens avec divers autres mouvements sociaux.
Ceci n’est qu’une vision partielle et grossière d’une situation complexe et il serait par ailleurs faux de chercher à trop unifier des expériences dont les idées et activités sont relativement diversifiées, et qui ne se voient pas forcément toutes comme partie prenante d’un mouvement plus large.
Il y a eu à ce titre quelques rencontres nationales intersquats il y a trois ans et plus depuis. D’un autre coté, les associations locales intersquats sont assez fréquentes et il y a beaucoup d’échanges entre les squats à travers le pays par le biais de projets et d’actions spécifiques, d’amitiés bien sur, et de réseau dans lesquels s’activent des squatteurs-euses comme:
– Sans-titre (qui regroupe aussi des collectifs ruraux…) –> http://www.under.ch/SansTitre/
– Le réseau infokiosque –> http://infokiosques.net/
– Le réseau Indymedia –> http://www.indymedia.org/fr
– Les festivals de résistance
– Le réseau anti-carcéral
ou encore des projets nomades comme la Caravane Permanente –> http://cp.squat.net/
Les liens existants ont déjà permis des offensives communes comme le 25 fèvrier 2005 où des actions surprises ont été menées dans 17 villes en France dans des locaux et Mairie du Parti socialiste pour protester contre les expulsions.
Malgré les tentatives de répression croissantes des autorités françaises vis à vis de ces squats politiques – le gouvernement a par exemple cherché à transformer l’occupation « sans droit ni titre » en délit dans le set des Lois de Sécurité Intérieure il ya deux ans – il est heureusement encore généralement possible de squatter sans se faire emprisonner en France. Si la justice donne quasi-systématiquement raison aux proprios et ordonne l’expulsion, les squatteurs-euses peuvent régulièrement espérer quelques mois (ou quelques années…) de délais quand ils/elles se battent légalement et surtout sur le terrain public et politique. Si les expulsions sont nombreuses, elles occasionent de nombreuses actions de résistance et de réouverture rapides dans certaines villes.
Au cours des dernières années, quelques squats ont même réussi a stopper momentanément les menaces d’expulsion qui pesaient sur eux et à trouver une certaine stabilité suite à des rapports de force conséquents et quelquefois aussi en concédant quelques négociations avec les propriétaires (ce qui est l’objet de nombreux débats…). On peut citer par exemple le cas de l’Espace autogéré des Tanneries à Dijon, du Clandé à Toulouse ou du 102 à Grenoble qui sont tous là depuis plus de huit ans.
D’un autre coté, beaucoup des squats les plus actifs de ces dernières années comme les 400 couverts à Grenoble, les Diables bleus à Nice ou encore l’Ekluserie à Rennes ont été expulsés dans la dernière année. Tandis qu’à Paris, la Mairie socialiste ne se soucie même plus des procédures légales pour expulser, d’autant plus depuis l’instrumentalisation d’incendies d’immeubles de sans-papier-e-s l’été dernier. Il apparaît donc vital pour le mouvement de créer à temps un rapport de force conséquent à l’échelle nationale et par ailleurs de continuer à à multiplier les alliances et coopérations en dehors du milieu squat.
PGA ’06 : http://pgaconference.org/
à Dijon : http://pgaconference.org/fr/2006/dijon
aux Tanneries : http://squat.net/tanneries/