Mardi 20 février 2007, un groupe de squatteurs et squatteuses a occupé le consulat du Danemark à Lyon, en solidarité avec Ungdomshuset, centre social occupé à Copenhague menacé d’expulsion. L’action visait notamment à rappeler au gouvernement danois que ses exactions ne passeraient pas inaperçues, et à exiger l’abandon immédiat des charges retenues contre les quelques 300 personnes arrêtées depuis le début de la campagne de soutien au lieu.
Le bureau du consul a été envahi par une quinzaine de personnes, qui y ont faxé un communiqué de revendications, à destination du maire de Copenhague, de sa mairie, et du cabinet du premier ministre danois. Le téléphone du bureau a ensuite été mis à contribution pour appeler Ungdomshuset, et avertir la police de Copenhague de l’action. Manifestement très préoccupées par la situation, les autorités danoises se sont montrées particulièrement soucieuses de la sécurité du consul, l’appelant sur son téléphone portable, et allant jusqu’à prévenir elles-même la police française.
Pendant ce temps, la trentaine de personnes située à l’extérieur déployait deux larges banderoles en face des entrées du bâtiment, sur lesquelles on pouvait lire « consulat danois occupé: solidarité avec Ungdomshuset! » et « défendons les espaces autogérés! ». Des tracts ont alors été distribués aux employé-e-s et passant-e-s, présentant Ungdomshuset et le mouvement squat, dénonçant les manoeuvres de criminalisation de la contestation et d’imposition du contrôle social mises en place par les autorités.
Deux voitures de police suivies par des flics en civil sont arrivés sur place. Tour à tour, les divers-es agent-e-s ont essayé de monter au premier étage pour y rejoindre le consulat, mais ont persisté à se tromper d’ascenseur à chaque fois. Les deux seuls ayant triomphé de l’exercice se sont cependant vus vertement rabrouer par leur supérieur, leur intimant l’ordre de passer sous silence leur présence momentanée dans le consulat – par peur d’un incident diplomatique?
Les manifestant-e-s situé-e-s à l’extérieur étant pour la plupart masqué-e-s, la police a alors appelé des renforts afin de procéder à des contrôles. À ce moment là, tou-te-s les participant-e-s se sont regroupé-e-s et ont soudainement quitté les lieux, après une heure et demie d’occupation, sans que la police n’ait le temps de faire le premier pas.
À noter que le quotidien danois Politiken, qui s’était déjà fort ému du communiqué de soutien et appel à actions émis par l’Espace autogéré des Tanneries en décembre dernier, s’alarmant du danger planant alors sur les ressortissant-e-s danois-es du fait de possibles actions de solidarité, s’est aussitôt fendu d’un article sur l’action, avec interview de Monsieur le consul. Quant à la presse locale, elle n’a peut-être pas tout compris, France 3 relatant qu’un groupe de « squatters danois » avait occupé le consulat.
Il ne s’agit pas d’une action isolée: les initiatives de solidarité avec Ungdomshuset se multiplient dans le monde entier. Le même jour, une manifestation de soutien à Ungdomshuset se déroulait en face du Consulat du Danemark à Genève, en Suisse; le 16 février, une performance de théâtre de rue et manifestation se tenaient à Moscou; le 15 février, 45 personnes se rassemblaient en face de l’ambassade danoise à Berlin, et on apprenait récemment qu’à Lyon même, la délégation commerciale du Danemark avait eu ses vitres endommagées et son hall couvert de graffitis de soutien à Ungdomshuset deux semaines auparavant…
À suivre, donc. Ungdomshuset bli’r!
Quelques photos de l’action se trouvent là (ainsi que le JT de France 3 évoquant l’occupation):
http://squat.net/fr/gallery/20070220-Ungeren_soli_in_Lyon/
Ci-dessous, le texte du tract distribué lors de l’action:
CONSULAT DANOIS OCCUPÉ:
DE LYON À COPENHAGUE, DÉFENDONS LES ESPACES AUTOGÉRÉS
À Lyon comme ailleurs, des milliers de mètres carrés sont à l’abandon, tantôt oubliés par leurs propriétaires, tantôt utilisés pour spéculer sur le marché de l’immobilier. Depuis toujours, nombreux et nombreuses sont celles et ceux qui trouvent aberrant que des espaces soient laissés vacants, quand dans le même temps, le prix des loyers ne cesse de flamber, quand quantité de gens n’ont nulle part ou se loger, quand tant de projets n’ont nulle part ou se réaliser.
Ainsi, depuis des années, divers collectifs et individus réquisitionnent des bâtiments délaissés. Non seulement pour y vivre, mais aussi, bien souvent, pour s’y organiser de façon autogérée, et proposer une multitude d’activités: repas de quartier et concerts, bibliothèques et salons de thé, ateliers et échanges de savoirs, libre-accès à Internet et initiation aux logiciels libres, réunions & espaces de rencontres militantes… sont parmi les nombreuses choses qui ont existé à Lyon ces dernières années, rendues possibles par la réappropriation collective d’espaces cadenassés ou murés.
Dans toute l’Europe, de tels endroits ont ainsi été arrachés aux lois du marché, ces vingt dernières années. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ont été décimés par l’acharnement légal et policier. À Copenhague, au Danemark, il ne plus que quelques uns de ces espaces de liberté: Ungdomshuset. Ouverte en 1982, cette maison a acueilli des milliers d’évènements, et constitue un point névralgique pour les contre-cultures et contestations sociales dans toute l’Europe du Nord. Aujourd’hui, malgré une longue bataille pour défendre le lieu, celui-ci est menacé d’expulsion, et peut-être envahi par la police à tout instant.
Parce que nous partageons avec Ungdomshuset une communauté de pratiques, de préoccupations; parce qu’il nous semble intolérable que de pareils espaces soient rayés de la carte et laissent place à l’uniformité; parce que notre meilleure arme est la solidarité… nous occupons aujourd’hui le consulat du Danemark à Lyon, afin de montrer à l’état danois que là bas comme ici, nous ne laisserons pas passer ses exactions; afin, aussi, d’encourager les occupant-e-s d’Ungdomshuset qui, depuis maintenant plusieurs mois, se battent pour garder leur espace d’activité et de vie!
Mais il n’y a pas qu’au Danemark que les lieux non-alignés sont menacés. En France, la police intervient régulièrement pour replonger dans le sommeil des maisons qui avaient été un temps réanimées, pendant qu’un nouveau projet de loi permet l’expulsion de locaux occupés en 24h! Ce, sur fond de contrôle quotidien de plus en plus serré, avec pour prétexte la lutte contre l' »insécurité ». Mais de quelle insécurité parle-t-on? Le fait d’être filmé par dix caméras dans chaque rue et d’être fiché biométriquement (comme l’imposent les passeports actuellement, les cartes d’identité prochainement) va-t-il rassurer l’employé-e menacé par un licenciement, protéger le sans-papier dont la vie peut basculer à chaque instant, aider celui qui n’a pas de quoi manger quotidiennement?
Il va de soi que l’on cherche à nous faire accepter un contrôle qui profite à certains, à notre détriment. Dans ce contexte, les expulsions de squats sont une menace pour tou-te-s, car elles témoignent de cette volonté de nivellement, de suppression des espaces antagonistes et lieux de résistance aux dominants. Aussi incombe-t-il à tou-te-s celles & ceux qui ne souhaitent pas être mis au pas de se mobiliser, pour préserver et étendre les espaces d’autonomie, face au « meilleur des mondes » que les politicien-ne-s s’affairent à préparer. Longue vie à Ungdomshuset, et à tous les lieux autogérés!
20 février 2007
Des squatteurs et squatteuses de Lyon et d’ailleurs