Expulsion du local d’AC par la SIEMP : cachez ces pauvres que la gauche ne veut pas voir
Ce matin, 30 août 2007, d’importantes forces de police ont expulsé le local d’AC !, au 23, bis rue Mathis dans le 19ème arrondissement.
Ce petit local appartient à la SIEMP, une des sociétés immobilières de la Ville de Paris, présidée par Fabienne Giboudeaux (Les Verts). Après deux ans de lutte, la gauche parisienne place donc la rentrée des précaires sous le signe de la répression.
Un signal fort en ce début de campagne municipale : malheur à ceux qui ne se satisfont pas d’une politique sociale qui se résume à Vélib et à Paris Plage.
Depuis plus de trois ans, au 23, bis rue Mathis, des permanences hebdomadaires accueillaient les précaires de tous statuts : chômeurs, travailleurs pauvres, SDF, confrontés à des problèmes de survie quotidiens et multiples : coupures d’électricités, radiations de l’ANPE ou suspension du RMI, accès impossible aux services sociaux, trop perçus CAF ou ASSEDIC.
Si la politique de l’Etat et de l’UNEDIC explique certaines de ces difficultés, beaucoup d’autres sont évidemment du ressort des élus parisiens, d’autant plus que la Ville a à la fois les compétences d’une municipalité et celles d’un département.
A qui la faute si les services sociaux sont surchargés, notamment dans les quartiers pauvres, au point qu’en cas d’urgence sociale, le déblocage d’une aide financière de quelques dizaines d’euros prend souvent plusieurs semaines, à qui la faute si la simple obtention d’un rendez vous avec un travailleur social prend souvent le même temps ?
A qui la faute si l’insertion professionnelle à Paris se résume à la multiplication des contrats précaires, comme le Contrat d’Avenir, avec des salaires dérisoires qui ne permettent même pas d’accéder aux droits fondamentaux, dans une ville où tout est plus cher qu’ailleurs ?
A qui la faute si le contrôle, les suspensions de RMI se multiplient, si les allocataires sont envoyés dans des boites de reclassement privé au coût astronomique et à l’efficacité douteuse (comme Patrick Devedjian dans les Hauts de Seine, Bertrand Delanoë a ainsi choisi de faire appel à Ingeus) ?
La responsabilité des élus Socialistes, Verts et Communistes est évidemment écrasante, surtout dans un département riche où aucun problème de budget ne peut être soulevé : en six ans, l’équipe gauche plurielle aurait pu choisir d’améliorer les conditions de vie des Parisiens pauvres, aurait pu, en commençant par ses propres services, créer autre chose que des emplois précaires et sous-payés.
En lieu et place, face à ces critiques concrètes qui se traduisent effectivement au quotidien par de nombreuses actions, notamment d’occupation et d’interpellation des élus parisiens, la Ville de Paris a tenté d’instaurer la même forme de clientélisme tant reprochée à ses prédécesseurs de droite.
Ainsi en ce qui nous concerne, lors des négociations avec le cabinet Delanoë et de nombreux élus Verts, comme Mylène Stambouli ou le président du groupe René Dutrey, c’est toujours les mêmes propositions qui nous ont été faites : tout était possible, un local, voire même une subvention pour en payer le loyer, à une seule condition. Renoncer à une partie de nos activités, celles qui concernaient la critique en actes de la politique sociale parisienne. Concrètement, cela signifiait fermer nos portes à tous ceux qui en sont victimes. Notre raison d’être, c’est la lutte contre la misère et la précarité sous toutes ses formes, et quelle que soit la couleur politique des responsables qui l’entretiennent.
Si un local et des moyens financiers sont évidemment des outils précieux et nécessaires, l’expérience des luttes auxquelles a participé AC ! ces dix dernières années montre aussi qu’il y d’autres façons de les obtenir que renoncer à une indépendance totale vis-à-vis des élus, seule garante d’une résistance efficace.
Malgré l’expulsion, et parce que celle-ci comme bien d’autres augure d’une rentrée difficile pour les précaires, nos activités continuent : nos permanences hebdomadaires se tiendront provisoirement devant le local expulsé, le site internet sera toujours alimenté par nos expériences, celles des précaires et des agents qui nous contactent, nous interviendrons collectivement partout où cela est nécessaire, nous rappellerons à tous ceux qui décident et mettent en oeuvre des politiques de contrôle, de restriction des droits et des choix des précaires que nous sommes nombreux à ne pas avoir l’intention de crever en silence ou d’accepter tout et n’importe quoi… Avec ou sans local, la lutte continue !