Torino squat !
(Eté 2005)
Victime d’agressions fascistes et d’une énorme répression policière, le mouvement squat turinois n’a pas pour autant baissé les bras. Interview d’un habitant du Barrocchio, un des centres sociaux occupés qui se bouge le plus dans la ville.
Présentation de votre maison :
Le Barrocchio est un squat illégal d’anarchistes qui a maintenant 13 ans, on s’y est fait expulser 3 fois depuis l’ouverture mais on y est à chaque fois revenu plus décidé qu’avant. Tous les dimanches soirs on fait « la bella vita », un repas où on invite tous nos potes pour manger des pizzas cuites dans notre four à pain, chacun ramène ce qu’il veut et le partage avec les autres.
Le jeudi on fait une bouffe ouverte du type auberge espagnole. Ça nous arrive aussi de faire des projections gratuites, des débats et des fêtes de temps en temps.
Peux-tu nous parler de la situation de ce mouvement dans ta ville :
Il y a plus ou moins 10 squats « illégaux » dont l’Asilo qui sont de bons potes à nous, ou l’Askatasuna et El Paso qui se bougent pas mal au niveau politique et culturel. Ici, le mouvement anarchiste est assez fort et très ancien. Et c’est pas plus facile qu’ailleurs de garder les maisons occupées, mais si on s’y met sans relâche on peut y arriver. Quand on veut vraiment on peut. Il faut aussi dire que la ville te fait moins facilement chier quand le voisinage est de ton coté. Un squat bruyant aura plus de chance de se faire expulser qu’un squat qui développe de bonnes relations avec les gens du quartier. C’est vrai qu’il y a plus de tolérance en Italie qu’en France. Mais ça n’empêche, le maire DS (NDT : Democratici di Sinistra, ex-communiste, équivalent du PS) n’hésite pas à expulser quand bon lui semble.
Qu’en est-il de l’agression fasciste dont vous avez été victime ?
Le 12 juin 2005 vers 5h du matin, une douzaine de fachos s’introduisent dans l’entrée du squat et agressent deux d’entre nous à l’aide de couteaux. Ils essaient d’enfoncer la porte de la partie habitation sans pour autant y arriver. Nous nous sommes défendus en leur jetant des caillasses et des bouteilles en verre, ce qui les a fait déguerpir. Un des 2 agressés a reçu 3 coups de couteau dont un profond à l’avant bras, l’autre a été blessé au visage, au thorax et il a eu le diaphragme perforé, il a dû être opéré d’urgence. Finalement il s’en est plutôt bien sorti, mais on n’est pas passé loin d’une catastrophe. Pour nous c’est clair, ils étaient venus pour tuer.
Turin n’est pas pour autant une ville de fachos, il y a bien eu par le passé plusieurs attaques mais rien de vraiment grave jusqu’ici. Ils n’étaient pas organisés et cette ville était connue pour être « médaille d’or de l’antifascisme » en Italie. La police a arrêté un des fachos qui avait mené l’attaque, c’est assez rare pour être mentionné.
Comment le milieu activiste local a-t-il réagi ?
Les antifas turinois ont répondu en organisant une manif le 18 juin qui a dégénéré en émeute après des provocations policières. Les flics ont fermé le squat le Fenix sous prétexte qu’après l’émeute, les « casseurs » s’y seraient cachés.
Au final, 7 personnes ont été arrêtées et 3 sont recherchées pour saccage et rébellion. En réaction à cette incroyable répression, dans l’immédiat on va faire une grosse manif et un « presidio » devant la prison où sont incarcérés nos amis. Par presidio on entend un rassemblement illégal avec barres de fer et compagnie pour se défendre au cas où la police viendrait nous embêter. Ce rassemblement a pour but de faire passer des messages à nos amis et aux autres prisonniers et aussi pour leur montrer tout notre soutien.
Existe-t-il un intersquat à Turin, en Italie ?
Il y a assez de contacts entre les squats même si chacun s’organise à sa manière, il n’y a pas d’intersquat à proprement parler mais paradoxalement les agressions fascistes et la répression ont permis de nous ressouder et de recréer des liens entre nous.
Sinon, pour ce qui est de l’Italie, si des liens existent par-ci par-là, il n’y a aucun type d’intersquat.
Quels sont vos projets pour le Barrochio ?
Vivre bien, faire ce qu’on veut pouvoir faire, discuter et rencontrer des gens. C’est pas compliqué, ce qu’on veut c’est être bien ensemble et lutter quotidiennement.
(Depuis, le presidio et la manif se sont passés sans problème et les 7 incarcérés sont assignés à résidence en attendant leur jugement définitif. En Italie comme ailleurs, solidarité antifasciste!)
Pour plus d’infos :
http://tutto.squat.net/ Le portail du mouvement squat à Turin
http://italy.indymedia.org/ Les médias alternatifs en Italie
http://rebellyon.info/ Le media alternatif lyonnais y consacre un gros dossier (en français)
Merci aux habitants du Barrochio pour leur chaleureux accueil !
Arko