Opération « Cervantes »
Le 27 juillet 2004, sur demande des procureurs romains du « pool anti-terroriste » Vitello, Capaldo et De Falco, le juge d’instruction Guglielmo Montoni a fait procéder à une centaine de perquisitions dans toute l’Italie sous le nom d’ « Opération Cervantes », aussi bien dans des habitations personnelles, celles de parents ou des squats.
L’enquête part de plusieurs actions explosives précises commises en 2003 dans la région de Rome-Viterbo contre le tribunal, une caserne de carabiniers, l’institut espagnol Cervantes et un commissariat. Plus largement, 34 personnes ont été mises sous enquête pour association subversive à finalité terroriste (articles 270 et 270bis).
Ces procureurs, secondés par les Ros et la Digos [services d’investigation et de renseignement des carabiniers et de la police], tentent de démontrer l’existence d’une « association subversive » basée sur les liens d’affinité (« intimité, connaissance et confiance ») entre les personnes, le partage d’idées ou de méthodes comme l’action directe d’attaque contre les institutions effectuée par de petits groupes informels, la solidarité avec des prisonniers. Cette enquête, dont l’« Opération Cervantes » n’est qu’un épisode, pourrait regrouper à terme toutes celles qui portent sur diverses attaques qui ont eu lieu ces dernières années en Italie (une soixantaine selon les journaflics) comme par exemple celles revendiquées par la Fédération anarchiste informelle (1) en décembre 2003. Rappelons qu’en 1996, le procureur Marini avait déjà construit une association subversive contre 46 anarchistes, allant jusqu’à inventer son nom, l’ORAI (organisation révolutionnaire anarchiste insurrectionnaliste), association fictive qui a été liquidée par leur acquittement définitif suite à l’arrêt de la cour de cassation rendu en mars 2004 (3).
Quatre compagnons (Sergio, David « Tittarello », Marco « Tombolino », Simone) ont été arrêtés au cours de l’ « Opération Cervantes » et sont incarcérés depuis le 27 juillet pour des faits spécifiques advenus dans la région de Rome-Viterbo (2). Tous quatre ont refusé de répondre aux questions du juge et les trois premiers sont entrés en grève de la faim pour leur mise en liberté immédiate. Celle-ci sera décidée pour tous lors d’une audience le 6 août au tribunal de réexamen de Rome. Par ailleurs David a été transféré de la prison d’Aoste à celle de Turin.
On trouvera ci-dessous leurs adresses et le communiqué d’entrée en grève de la faim de Sergio :
Sergio Maria Stefani / Simone Del Moro
c.c. « Regina coeli »
via della Lungara, 29
00165 Roma
David Santini
c.c. « Le Vallette »
via Pianezza, 300
10151 Torino
Marco Ferruzzi
c.c. « Poggioreale »
via Nuova Poggioreale, 170
sezione Venezia
80143 Napoli
Communiqué de Sergio, en isolement dans la prison Regina Coeli de Rome :
Dès mon entrée en prison, j’ai décidé de refuser toute nourriture. Ce n’est pas une grève de la faim qui vise à obtenir quelque avantage immédiat, mais qui au contraire affirme ma volonté de ne pas accepter cette énième incarcération. Elle n’est pas provoquée par les conditions particulières auxquelles je suis soumis comme le sont certainement les autres inculpés, ni parce que cette arrestation serait plus injuste que les autres étant uniquement basée sur l’arbitraire du pouvoir et effectuée par la plus obtuse des violences, celle de la police mais parce que c’est le seul moyen de protestation qu’il me reste en isolement, protestation qui reste toujours valable contre la prison. Je n’ai aucun intérêt à souligner l’évidente absurdité des accusations, mais je pense par contre qu’il est fondamental de remarquer comment une attention particulière a été portée dans les actes d’accusation à la solidarité entre compagnons (considérée comme la preuve de l’existence d’une organisation) et à l’adhésion de la quasi totalité du mouvement anarchiste et anti-autoritaire à la lutte anticarcérale. La volonté d’étouffer tout ça est évidente, tout ce qui est aussi une caractéristique de toutes les personnes qui haïssent l’autorité. La nécessité de ne pas se laisser intimider et de continuer à lutter contre « leur » violence est aussi évidente dans ces moments-là. Solidarité avec les compagnons co-inculpés (que je regrette n’avoir pas pu connaître en des temps et des situations meilleurs)
Solidarité à tous les compagnons emprisonnés dans tous les Etats à cause de leur soif de liberté et de leur joie
Solidarité avec chaque prisonnier qui, sans avoir recours à la rhétorique, a frappé le système en suivant son propre instinct et a craché sur les lois qui emprisonnaient ses désirs
Leurs prisons ne m’enlèveront pas la liberté de jouir.
Un compagnon libre en isolement à Regina Coeli
—
(1) Des lettres piégées revendiquées par la Fédération anarchiste informelle (Fai) furent expédiées en décembre 2003 à Romano Prodi, alors président de la commission européenne, des députés européens, Europol, Eurojust ou la Banque Centrale Européenne. Voir leur communiqué de revendication en français, publié le 1er mars 2004 sur le fil d’info de l’agence de presse associative (Apa) http://apa.online.free.fr/Italie/Infos/Anarchistes/010304FAI.html
(2) Pour les détails des accusations et des « preuves », voir le texte « Nouvelle vague de perquisitions en Italie » qui a circulé un peu partout, dont la dépêche sur a-infos du 30 juillet 2004 :
http://www.ainfos.ca/fr/ainfos04722.html
(3) Sur l’enquête Marini, voir « Dans le marécage, limites et perspectives de la répression anti-anarchiste », éd. La conjuration des Ego, juin 2002. En ligne sur http://mutineseditions.free.fr. La cassation a par contre confirmé les condamnations contre sept compagnons pour des délits spécifiques.
———–
La répression contre « Il Silvestre » à Pise
Le 7 juin 2004, sur demande du procureur Enzo Iannelli et de son adjoint Antonio Di Bugno, le juge pisain Leonardo degl’Innocenti fait procéder à plusieurs perquisitions et arrêter Alessio Perondi. L’enquête porte sur une vingtaine d’attaques menées depuis juillet 2003 en Toscane par les Cellules d’Offensive Révolutionnaire [marxiste-léniniste] contre des élus et des bureaux d’Allianza Nazionale [AN : parti néo-fasciste de la coalition gouvernementale], des sièges de syndicats, des agences d’intérim. Il est soupçonné d’être l’auteur de l’attaque contre l’entreprise Edilcostruzioni, qui procédait aux travaux de construction de la caserne de carabiniers de Navacchio. La « preuve » serait une vidéo où on le voit acheter deux bidons d’essence du même type que ceux qui ont servi à cette action et vers la même date. Il est incarcéré à la prison de Prato.
8 juin, nouvelles perquisitions, Leonardo, Betta, Gioacchino et Alice sont incarcérés. Fréquentant tous le local anarcho-écologiste « Il Silvestre », ils sont accusés d’ « association de malfaiteurs portée à commettre de nombreux délits d’endommagement et de menaces graves » dans l’enquête sur les Cor. Initialement, ils devaient juste être « mis sous enquête » avant que les flics ne trouvent chez eux lors de la perquisition un communiqué des Cor reçu par la poste comme ce fut le cas des quotidiens locaux Tirreno et La Nazione, et adressé à leur journal, « Terra Selvaggia ».
9 juin, Alice est mise hors de cause et sort de prison.
10 juin, interrogé par le juge, Alessio refuse de répondre à ses questions. 11 juin, Leonardo, Betta et Gioacchino sont placés aux arrestations domiciliaires.
14 juin, nouvelles perquisitions, Costantino est arrêté à son tour, notamment après une campagne de presse locale qui ne comprend pas pourquoi il est épargné, et placé aux arrestations domiciliaires.
24 juin, un communiqué des Cor reçu par le journal « La Nazione » précise que les compagnons arrêtés n’ont rien à voir avec leur organisation.
24 juillet 2004, nouvelle attaque revendiquée par les Cor, un cocktail molotov contre la maison de Giovanna Fusco, présidente du cercle d’AN de la circonscription de Pise-nord.
30 juillet 2004, dix nouvelles perquisitions sont effectuées, trois compagnons (Beppe, Francesco et William) sont arrêtés et placés aux arrestations domiciliaires. Ils fréquentaient aussi le local « Il Silvestre », comme beaucoup d’autres. Le procureur Di Bugno a fait appel de la décision du juge, en demandant leur incarcération, qui sera décidée par le tribunal de réexamen de Florence. Ils sont accusés du même délit d’ « association de malfaiteurs », avec selon le procureur, des preuves spécifiques concernant l’incendie volontaire de la voiture de Marco Meucci, président régional d’AN, le 5 avril 2004 à Calci.
6 août, Beppe, Francesco et William sont interrogés par le juge d’instruction Luca Salutini (qui remplace DeglInnocenti) auquel ils refusent de répondre. William Frediani est ensuite incarcéré à la prison de Pise, accusé d’être l’auteur de l’attaque contre Giovanna Fusco et de la revendication,ce qui donne « incendie, dommages et propagande subversive ».
Pour lui écrire :
ALESSIO PERONDI
Casa Circondariale di Prato
Via La Montagnola 76
59100 Prato, Italie
———-
La répression contre les anarchistes de Rovereto
Mardi 20 juillet 2004, de nombreuses perquisitions ont eu lieu à Rovereto, petite ville du nord de l’Italie (1). Six compagnons anarchistes ont été immédiatement incarcérés et placés à l’isolement dans la prison de Trento. Ils sont accusés de « coups et lésions aggravées et en groupe » contre six néo-nazis à la sortie d’un débat sur l’immigration et contre les centres de rétention le 4 octobre 2002. Tous sont sortis de prison le 28 juillet, suite au recours qu’ils avaient porté. Si les juges Collino, Giuliani et Fermanelli ont validé les accusations contre Marco Beaco, Mattia Dossi, Luigi Keller, Lorenzo Jorg, Massimo Passamani et Stefano Tiberi, ils n’ont pas jugé pour autant nécessaire l’incarcération préventive demandée par le procureur Paolo Storari sous le prétexte ridicule de « possibilité de réitération du délit », « disparition des preuves » (deux ans et demi après les faits !) et bien sûr leur « dangerosité sociale ». Précisons qu’ils ont été libérés sans aucune mesure restrictive (de type arrestation domiciliaire, interdiction de séjour ou obligation de signer au commissariat).
—
(1) Un tract d’anarchistes de Rovereto à ce sujet a été publié sur a-infos le 22 juillet : http://www.ainfos.ca/fr/ainfos04716.html
———-
La répression contre les anarchistes de Lecce
Le 11 juillet 2004, des affrontements avec la police ont eu lieu devant le centre de rétention Regina Pacis de San Foca (Lecce) suite à une manifestation organisée par des anarchistes. Une révolte et une tentative d’évasion qu’ils tentaient d’appuyer se déroulait en effet derrière les grillages. Le compagnon Salvatore était alors arrêté et incarcéré pour « violences à agent assermenté ». Le 13 juillet, le juge Vincenzo Scardia lui avait concédé la mise aux arrestations domiciliaires, et le 2 août elles ont été levées contre une obligation quotidienne de signature au commissariat.
———–
Voir aussi http://squat.net/fr/news/italie310704.html
Anonyme